Ce retour subit et que rien ne faisait prévoir a produit une certaine émotion parmi les amis et les admirateurs de l’illustre écrivain. On craignait quelque accident fâcheux, quelque mauvaise nouvelle et, bien que de temps à autre nos confrères anglais eussent pris le soin de nous tenir au courant des faits et gestes de leur hôte, nous n’avons été complètement rassurés qu’en pénétrant, hier, dans le cabinet de travail du maître, où nous l’avons trouvé en excellente santé, et d’humeur fort gaie, quoique légèrement fatigué de son voyage.
— Nous devions, dit-il, quitter
Nous embarquer dans ces conditions devenait difficile et désagréable ; ou bien nous aurions dû nous résigner à ne jamais mettre le nez dehors et à vivre quinze jours au fond de nos cabines ; ou bien il aurait fallu gagner l’
Vous savez, de plus, que dans ces pays de montagnes la saison n’est guère favorable aux excursions et aux promenades avant le
Une troisième alternative se présentait à nous : rester à
— Et pourquoi n’avez-vous pas choisi cette alternative, mon cher maître ?
— C’est que le séjour à
— Malgré toutes les précautions que j’avais prises pour demeurer dans mon coin et pour me concentrer uniquement dans l’observation des choses nouvelles que j’étais venu voir et étudier, dès qu’on a su que j’étais à
Quand ils sortaient de chez moi, c’est à peine s’il me restait le temps de dépouiller la nombreuse correspondance que je recevais journellement et qui se composait presque exclusivement de lettres d’invitation à des dîners, à des soirées, à des lunchs, à des concerts, à des garden-parties... que sais-je encore ?
Tous les soirs, il me fallait mettre mon habit et ma cravate blanche, courir de l’un chez l’autre et sourire à tous. Je n’avais passé le détroit que pour me retrouver dans un nouveau
— Mais toutes ces relations, toutes ces marques de sympathie, nous pouvons dire d’admiration, ont dû flatter votre légitime amour-propre ?
— Je vous avoue, sans ambages, que j’ai été aussi surpris qu’heureux de rencontrer à
Je savais fort bien qu’en
Mais en
— Alors, vous n’avez guère eu le loisir de recueillir des notes suffisantes pour nous faire espérer l’apparition d’un nouveau volume ? Tout au moins la fréquentation de la haute société anglaise vous a-t-elle fourni matière à un roman, à des nouvelles ?
— Certes ! je me propose bien de réunir mes impressions et de les soumettre au public.
— Peut-on, sans crainte de déflorer votre sujet, vous demander ce que vous pensez des Anglais ?
— Je les ai surtout jugés par comparaison, et ce que je n’ai pas osé leur dire, de peur d’être taxé de flagornerie, je vous le dis à vous. Le peuple anglais est un peuple merveilleux, et j’ai souffert horriblement en constatant sa supériorité sur le peuple français. Les Anglais, moins bien doués que les Français, moins intelligents, moins habiles, ont, outre leur sens pratique, un orgueil et une volonté qui les font réussir partout où nous échouons ; le Français se dégoûte vite de tout, et les aptitudes extraordinaires dont il est doué, il ne les utilise que pour se faire du tort.
Savez-vous à quoi j’ai pensé en comparant l’Anglais et le Français ? Je me suis représenté ce dernier comme un bel enfant qui s’amuserait à se défigurer en s’arrachant un œil, en se brisant une dent, en se cognant le nez contre un mur.
— Et les femmes ?
— Ah ! nous répond le maître avec un sourire de satisfaction, cela c’est une autre affaire. Je ne crois pas qu’on puisse comparer aucune femme à la Française ; mais, à coup sûr, ce n’est pas l’Anglaise qui lui fera jamais du tort.
— Non seulement elle n’est pas belle et n’a rien de séduisant dans sa forme physique, mais elle n’a ni goût ni élégance. L’Anglaise que vous rencontrez à
En débarquant à
— Enfin, cher maître, avez-vous profité de votre séjour dans le
— Je crois bien ! Hier, en descendant de mon wagon, j’ai dit pour la première fois yes.
Qui ne reconnaîtrait, à cette réponse, l’aimable historien des