Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Le Matin</em>, 1<sup>er</sup> juin 1896 Non signé 1896-06-01 chargé d'édition/chercheur Hirchwald, Gabrielle (édition scientifique) Gabrielle Hirchwald (ATILF-CNRS) ; projet Entretiens d'écrivains dans la presse (1850-1914) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1896-06-01 Fiche et transcription : Gabrielle Hirchwald (ATILF-CNRS) ; projet Entretiens d'écrivains dans la presse (1850-1914) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
<div style="text-align: justify;">Au début de l'année 1896, Paul Bourget intente un procès contre Alphonse Lemerre, son éditeur, à qui il reproche de l'avoir trompé sur ses chiffres de vente.</div> <div style="text-align: justify;">Avant l'issue du procès que le romancier gagnera, une enquête est menée auprès d'éditeurs et d'écrivains pour recueillir leur point de vue au sujet d'une éventuelle obligation de timbrer les volumes pour éviter les fraudes.</div> Français <div style="text-align: justify;">Au début de l'année 1896, Paul Bourget intente un procès contre Alphonse Lemerre, son éditeur, à qui il reproche de l'avoir trompé sur ses chiffres de vente.</div> <div style="text-align: justify;">Avant l'issue du procès que le romancier gagnera, une enquête est menée auprès d'éditeurs et d'écrivains pour recueillir leur point de vue au sujet d'une éventuelle obligation de timbrer les volumes pour éviter les fraudes.</div>
AUTEURS ET ÉDITEURS
À PROPOS DU PROCÈS BOURGET CONTRE LEMERRE

Pour éviter la fraude Obligation pour les éditeurs de timbrer les volumes Enquête auprès des intéressés Le contrat de confiance

M. Alphonse Daudet, qui nous reçoit dans son cabinet de travail, nous déclare qu’il n’a jamais eu à se plaindre de ses éditeurs.

— J’ai eu la chance, nous dit-il, durant ma longue carrière d’écrivain, de n’avoir que des éditeurs honnêtes. Sauf un seul, que je surpris, un jour, en flagrant délit de mensonge. Peut-être se commet-il quelques fraudes chez certains petits éditeurs marrons ; mais je pense que dans les grandes maisons d’édition, tout se passe avec la plus scrupuleuse probité. Je suis, en ce qui me concerne, dans une situation toute particulière avec mes éditeurs que je considère, non seulement comme des associés, mais comme des camarades. Il me serait pénible, après avoir eu avec eux des relations d’amitié, d’user de moyens de suspicion qui, peut-être, pourraient froisser leurs sentiments de délicatesse et les atteindre dans leur dignité professionnelle. J’ai fait, il est vrai, partie de la Société des romanciers français ; mais c’est parce que les écrivains qui la composaient avaient choisi comme président mon ami de Goncourt. Je ne suis plus d’un âge à batailler et, d’autre part, j’ai horreur des agitations stériles, des mots creux, des phrases vides. Je ne vois pas bien l’utilité pratique du système proposé jadis par M. Hector Malot, consistant à revêtir d’une griffe chaque volume mis en vente. Croyez-vous que cette petite opération empêcherait les éditeurs de commettre des fraudes, si telle était leur intention ? Je ne le pense pas. Et puis, quel travail pour le romancier à gros tirages ! Il serait obligé d’estampiller ses exemplaires un par un. Ainsi, pour vous citer un exemple, on va mettre, cette semaine, en vente, le cent quatre-vingtième mille de Tartarin : il m’aurait fallu, par conséquent, timbrer cent quatre-vingt mille volumes. Quelle besogne ! Quant au timbre apposé par l’État, je vous avoue que je n’ai pas envisagé ce côté-là de la question. Il se peut que ce système donne d’excellents résultats, mais n’est-ce pas revenir au timbre du colportage qui existait sous l’Empire ? Et puis, qui supportera ce droit fiscal ? Est-ce l’auteur ? Est-ce l’éditeur ?

— Alors, vous croyez qu’il n’y a rien à faire ?

— Je ne dis pas cela. C’est aux jeunes écrivains, que cette question intéresse plus particulièrement, qu’il appert de trouver un terrain d’entente qui satisfasse à la fois leurs intérêts et la légitime susceptibilité des éditeurs. Le mot « argent » joue aujourd’hui, dans la littérature, un rôle beaucoup plus important qu’autrefois. Je constate le fait sans vouloir en tirer aucune conclusion chagrine ou désobligeante. Les jeunes écrivains veulent arriver très vite et gagner beaucoup d’argent, énormément d’argent ; de là, chez eux, cette tendance à tout ramener à la question pécuniaire, et à vouloir s’assurer qu’on ne les trompe pas...

Après un silence, M. Alphonse Daudet conclut :

— Et cependant, après tout, ils ont peut-être raison, mes jeunes confrères, de prétendre contrôler les opérations commerciales de leurs éditeurs. Il y a une chose certaine, c’est que l’on ne peut pas connaître d’une manière positive le nombre d’exemplaires tirés ou vendus. Il faut s’en remettre à la bonne foi de son éditeur. C’est ce que j’ai toujours fait, et je répète que je n’ai jamais eu à m’en plaindre, sauf une seule fois...

NON SIGNÉ