— J’ai eu la chance, nous dit-il, durant ma longue carrière d’écrivain, de n’avoir que des éditeurs honnêtes. Sauf un seul, que je surpris, un jour, en flagrant délit de mensonge. Peut-être se commet-il quelques fraudes chez certains petits éditeurs marrons ; mais je pense que dans les grandes maisons d’édition, tout se passe avec la plus scrupuleuse probité. Je suis, en ce qui me concerne, dans une situation toute particulière avec mes éditeurs que je considère, non seulement comme des associés, mais comme des camarades. Il me serait pénible, après avoir eu avec eux des relations d’amitié, d’user de moyens de suspicion qui, peut-être, pourraient froisser leurs sentiments de délicatesse et les atteindre dans leur dignité professionnelle. J’ai fait, il est vrai, partie de la Société des romanciers français ; mais c’est parce que les écrivains qui la composaient avaient choisi comme président mon ami
— Alors, vous croyez qu’il n’y a rien à faire ?
— Je ne dis pas cela. C’est aux jeunes écrivains, que cette question intéresse plus particulièrement, qu’il appert de trouver un terrain d’entente qui satisfasse à la fois leurs intérêts et la légitime susceptibilité des éditeurs. Le mot « argent » joue aujourd’hui, dans la littérature, un rôle beaucoup plus important qu’autrefois. Je constate le fait sans vouloir en tirer aucune conclusion chagrine ou désobligeante. Les jeunes écrivains veulent arriver très vite et gagner beaucoup d’argent, énormément d’argent ; de là, chez eux, cette tendance à tout ramener à la question pécuniaire, et à vouloir s’assurer qu’on ne les trompe pas...
Après un silence,
— Et cependant, après tout, ils ont peut-être raison, mes jeunes confrères, de prétendre contrôler les opérations commerciales de leurs éditeurs. Il y a une chose certaine, c’est que l’on ne peut pas connaître d’une manière positive le nombre d’exemplaires tirés ou vendus. Il faut s’en remettre à la bonne foi de son éditeur. C’est ce que j’ai toujours fait, et je répète que je n’ai jamais eu à m’en plaindre, sauf une seule fois...