Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Le Temps</em>, 18 juillet 1896 Curtius, E. 1896-07-18 chargé d'édition/chercheur Hirchwald, Gabrielle (édition scientifique) Gabrielle Hirchwald (ATILF-CNRS) ; projet Entretiens d'écrivains dans la presse (1850-1914) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1896-07-18 Fiche et transcription : Gabrielle Hirchwald (ATILF-CNRS) ; projet Entretiens d'écrivains dans la presse (1850-1914) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
<div style="text-align: justify;"><span class="uit-field ">La mort d'Edmond de Goncourt à Champrosay chez son ami Alphonse Daudet le 16 juillet 1896 a donné lieu à de multiples articles dans la presse. Au-delà de la mort d'Edmond, c'est la question de la future Académie Goncourt qui occupe tous les esprits dès le 17 juillet.</span></div> Français <div style="text-align: justify;"><span class="uit-field ">La mort d'Edmond de Goncourt à Champrosay chez son ami Alphonse Daudet le 16 juillet 1896 a donné lieu à de multiples articles dans la presse. Au-delà de la mort d'Edmond, c'est la question de la future Académie Goncourt qui occupe tous les esprits dès le 17 juillet.</span></div>
LA MORT D'EDMOND DE GONCOURT

La villa de Champrosay, où Edmond de Goncourt est mort hier matin, est la même qu’a décrite Alphonse Daudet dans ses livres. Le grand jardin qui l’entoure, et au milieu duquel elle semble perdue, fait de cette maison, si modeste d’apparence, vaste pourtant, un séjour délicieux de calme et de fraîcheur. Goncourt y passait chaque année quelques semaines qu’il employait en longues promenades, en causeries.

Une grande fête devait y réunir avant-hier soir les amis de la famille Daudet, Edmond de Goncourt, quoique souffrant, se promettait d’y assister.

— Je veux me lever, disait-il à Mme Daudet, et je désire aussi que vous nous fassiez pour demain de la compote de pêches...

Car il aimait ce fruit plus que tous les autres, comme il aimait les roses avant toutes les fleurs.

Aussi dans la chambre où repose le vieux maître, les traits détendus, apaisés, harmonisés, dans leur blancheur mate avec la mousse d’argent de la moustache ; avec l’ébouriffement léger de la chevelure, Mme Daudet a-t-elle partout mis des roses, mêlées à du feuillage et à des branches de sapin.

Autour des doigts du mort, un chapelet s’enroule et près du lit où les intimes, prévenus par dépêche, se font d’instant en instant plus nombreux, une religieuse prie, agenouillée.

À tous M. Alphonse Daudet redit ce qu’il nous disait hier des derniers moments d’Edmond de Goncourt. Il refait le récit de la terrible crise de mercredi et parle avec émotion des heures charmantes des jours précédents. Jamais Edmond de Goncourt ne se montra plus communicatif, plus désireux de confier à son ami les amertumes dont son cœur était plein.

— Ces attaques, à propos de son Journal, nous dit M. Daudet, il ne les comprit jamais et elles l’affectaient au-delà de tout. Rude de visage et de parole, Goncourt était profondément bon, d’une loyauté à toute épreuve. Il ne crut jamais que le seul fait de raconter ce qu’il avait vu et entendu pouvait blesser qui que ce fût.

— Mais puisque c’est vrai ! s’écriait-il lorsque quelques-uns réclamaient.

Et il ne sortait pas de là.

Mais jamais il n’eut le désir de chagriner personne. Il aimait la vérité et la disait, voilà tout.

Du testament d’Edmond de Goncourt on sait encore peu de choses, sinon qu’il est déposé à Paris chez Me Duplan, son notaire. M. Alphonse Daudet, il y a quatre ans, reçut d’Edmond de Goncourt l’assurance que par ce testament une rente viagère serait assurée à une dizaine d’hommes de lettres qui formeraient une académie nouvelle, rivale de l’autre. Quels noms Goncourt mit-il à ce moment sur sa liste, que les circonstances, par la suite aient pu lui faire modifier ? On l’ignore. M. Alphonse Daudet était alors désigné comme exécuteur testamentaire. L’est-il encore aujourd’hui ? Il ne le sait. On ne sait pas davantage ce que deviendront les collections de la maison d’Auteuil ; sans doute elles serviront aussi à assurer la fondation de l’académie ; le testament le dira. On l’ouvrira aujourd’hui ou demain, et en tout cas avant les obsèques.

Le corps a été mis en bière ce matin et sera transporté aujourd’hui à Auteuil. L’inhumation aura lieu, peut-être dimanche, au cimetière Montmartre, dans le caveau où Jules de Goncourt repose depuis 1870.

Edmond de Goncourt n’avait plus que de rares parents. M. Lefebvre de Béhaine, notre ancien ambassadeur au Vatican, était de tous le plus proche. Il a été prévenu par dépêche de la mort de son cousin. Les amis, par contre, étaient nombreux, et les télégrammes affluent à Champrosay. Voici celui d’Émile Zola, un des premiers reçus :

D’autres télégrammes sont signés de la princesse Mathilde, d’Octave Mirbeau, de l’éditeur Charpentier, etc.

E. CURTIUS