Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Le Matin</em>, 10 juillet 1897 Non signé 1897-07-10 chargé d'édition/chercheur Hirchwald, Gabrielle (édition scientifique) Gabrielle Hirchwald (ATILF-CNRS) ; projet Entretiens d'écrivains dans la presse (1850-1914) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1897-07-10 Fiche et transcription : Gabrielle Hirchwald (ATILF-CNRS) ; projet Entretiens d'écrivains dans la presse (1850-1914) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
<div style="text-align: justify;">En tant qu'exécuteur testamentaire de la succession Goncourt, Daudet s'est trouvé mis en relation avec le notaire Duplan. Alors que le procès bat son plein contre les héritiers naturels, cette pause explicative humoristique permet au public de patienter avant de connaître la décision du tribunal civil de la Seine.</div> Français <div style="text-align: justify;">En tant qu'exécuteur testamentaire de la succession Goncourt, Daudet s'est trouvé mis en relation avec le notaire Duplan. Alors que le procès bat son plein contre les héritiers naturels, cette pause explicative humoristique permet au public de patienter avant de connaître la décision du tribunal civil de la Seine.</div>
LE «DE CUJUS» ED. DE GONCOURT

M. Alphonse Daudet chez le notaire On apprend à tout âge

Une amusante anecdote sur les rapports qui ont eu lieu à propos des testaments d’Edmond de Goncourt, entre Alphonse Daudet et Me Duplan, notaire.

D’une façon générale, Edmond de Goncourt n’aimait pas les notaires. Un d’eux, en effet, lui avait fait faire un placement hypothécaire de tout repos pour une somme de 80000 francs — qui avait été perdue. Cette opération avait à tout jamais ruiné le crédit des officiers ministériels dans l’esprit de l’auteur de La Faustin. Cependant Edmond de Goncourt avait une estime particulière pour Me Duplan, un notaire de race.

Aussi est-ce à lui qu’il s’était adressé quand il avait eu des doutes sur la valeur juridique des testaments dans lesquels il constituait sa fameuse académie des Dix.

Lorsque, après la mort d’Edmond de Goncourt, des héritiers naturels ont argué de nullité les actes de dernière volonté du défunt, Alphonse Daudet s’est, à plusieurs reprises, rendu dans le cabinet du tabellion de la rue des Pyramides.

Me Duplan est notaire de la tête aux pieds. C’est un homme grave, solennel, à l’aspect rigide et dont les conversations sont, selon l’usage antique, émaillées de locutions juridiques.

Un après-midi que l’honorable officier ministériel conversait avec Alphonse Daudet, il répéta à différentes fois :

— Oui, c’était l’avis du de cujus...

— Du de cujus ? finit par dire Alphonse Daudet, qui ne comprenait pas cette expression. Qu’est-ce que vous entendez par là, mon cher maître ?

Me Duplan regarda l’auteur du Nabab avec stupéfaction. Puis, sans colère, doucement, il lui répondit :

— De cujus, monsieur Alphonse Daudet, veut dire Edmond de Goncourt.

— Comment ? De cujus... Edmond de Goncourt ?

Me Duplan, toujours compatissant, ajouta avec complaisance :

— De cujus est une locution abréviative employée dans la langue du droit. L’expression intégrale est de successione cujus agitur. En bon français : « Celui de la succession duquel il s’agit. »

Alphonse Daudet avait compris. Mais il n’en restait pas moins surpris que, même dans la langue juridique, on osât prendre pour synonyme d’Edmond de Goncourt le terme barbare de de cujus. Qu’auraient dit Théophile Gautier et Gustave Flaubert, que le seul mot « agissements » faisait bondir ?

NON SIGNÉ