[ι.] Τὸ μακάριον καὶ
[ιι.] Ὁ θάνατος οὐδὲν πρὸς ἡμᾶς: τὸ γὰρ διαλυθὲν ἀναισθητεῖ: τὸ δ᾽ ἀναισθητοῦν οὐδὲν πρὸς ἡμᾶς.
[ιιι.] Ὅρος τοῦ μεγέθους τῶν ἡδονῶν ἡ παντὸς τοῦ ἀλγοῦντος ὑπεξαίρεσις. ὅπου δ᾽ ἂν τὸ ἡδόμενον ἐνῇ, καθ᾽ ὃν ἂν
[I] Ce qui est bienheureux et incorruptible n'a aucune affaire avec lui-même ni avec autrui, de sorte qu'il ne subit ni colère ni gratitude ; car tout ce genre de chose relève de la faiblesse.
[II] La mort n'est rien pour nous ; car ce qui est désagrégé est insensible ; et ce qui est insensible n'est rien pour nous.
[III] La limite de la mesure des plaisirs est l'élimination de toute douleur. Où est le plaisir, le temps qu'il dure, il n'y a ni douleur ni de chagrin ni les deux à la fois.
[ιϝ.] Οὐ χρονίζει τὸ ἀλγοῦν συνεχῶς ἐν τῇ σαρκί, ἀλλὰ τὸ μὲν ἄκρον τὸν
[ϝ.] Οὐκ ἔστιν ἡδέως ζῆν ἄνευ τοῦ
[IV] La douleur ne se prolonge pas continûment dans la chair, mais son maximum dure un temps minimum, et quand son intensité dépasse un peu celle du plaisir elle n'affecte la chair que peu de jours. Et pour celles des maladies qui sont chroniques, elles sont vécues avec un plaisir surabondant dans la chair par rapport à la douleur.
[V] Il n'est pas possible de vivre plaisamment sans vivre ni sagement, ni bellement, ni justement, [ni sagement, bellement et justement] sans vivre plaisamment. Celui à qui fait défaut ce par quoi on vit sagement, bellement et justement, il n'a pas de quoi vivre plaisamment.
[ϝι.] Ἕνεκα τοῦ θαρρεῖν ἐξ ἀνθρώπων, ἦν κατὰ
[ϝιι.] Ἔνδοξοι καὶ περίβλεπτοί τινες ἐβουλήθησαν γενέσθαι, τὴν ἐξ ἀνθρώπων ἀσφάλειαν οὕτω νομίζοντες περιποιήσεσθαι. ὥστ᾽ εἰ μὲν ἀσφαλὴς ὁ τῶν τοιούτων βίος, ἀπέλαβον τὸ τῆς
[ϝιιι.] Οὐδεμία ἡδονὴ καθ᾽
[VI] Pour vivre sereinement au milieu des hommes, le pouvoir et la royauté sont des biens naturels, s'ils sont bien susceptibles de nous rendre ce service.
[VII] Certains ont voulu devenir fameux et empressés, pensant que cela construirait pour eux la sécurité au milieu des hommes. De sorte que si la vie de ces individus est bien sûre, ils ont acquis un bien naturel ; mais si elle ne l'est pas, ils n'ont pas ce pour quoi ils se sont projeté depuis le début, selon ce qui est leur est propre par nature.
[VIII] Aucun plaisir n'est en soi mauvais ; mais ce qui produit certains plaisirs multiplie les tracas bien plus que les agréments.
[ιχ.] Εἰ
[χ.] Εἰ τὰ ποιητικὰ τῶν περὶ τοὺς ἀσώτους ἡδονῶν ἔλυε τοὺς φόβους τῆς
[χι.] Εἰ μηθὲν ἡμᾶς αἱ τῶν
[IX] Si tout plaisir se condensait dans le lieu et dans le temps, et se tenait soit dans la totalité de l'agrégat soit dans les parties essentielles d'une nature, les plaisirs ne diffèreraient jamais entre eux.
[X] Si ce qui produit les plaisirs recherchés par les libertins délivrait la pensée des craintes sur les phénomènes célestes, la mort, les souffrances, et enseignait aussi la limite des désirs, nous n'aurions aucune raison de les blâmer, eux qui sont en tout point comblés de plaisirs et qui n'endurent ni souffrance ni chagrin, ce qui précisément est le mal.
[XI] Si les hypothèses au sujet des astres ou de la mort, par exemple que cette dernière serait quelque chose pour nous, ne nous troublaient pas, pas plus que l'ignorance des bornes des souffrances et des désirs, nous n'aurions aucun besoin de la science de la nature.
[χιι.] Οὐκ ἦν τὸ φοβούμενον λύειν ὑπὲρ τῶν
[χιιι.] Οὐθὲν ὄφελος ἦν τὴν κατ᾽ ἀνθρώπους ἀσφάλειαν
[χιϝ.] Τῆς ἀσφαλείας τῆς ἐξ ἀνθρώπων γενομένης μέχρι τινὸς
[XII] Il n'est pas possible de se libérer de la crainte au sujet des réalités les plus fondamentales sans avoir une connaissance du tout, mais en faisant des hypothèses sur ce qui est de l'ordre du mythe ; de sorte qu'il n'est pas possible sans la science de la nature, de profiter de plaisirs purs.
[XIII] Il n'est en rien utile de se procurer une sécurité vis à vis des hommes en conservant des hypothèses vis à vis des choses d'en haut, des choses sous terre, et en général des choses dans l'infini.
[XIV] Quant à la sécurité au sein des hommes, elle vient en partie d'une forte puissance et d'une certaine richesse, mais la plus pure vient de la tranquillité et de la retraite loin de la foule.
[χϝ.] Ὁ τῆς
[χϝι.] Βραχέα σοφῷ
[χϝιι.] Ὁ
[χϝιιι.] Οὐκ ἐπαύξεται ἐν τῇ σαρκὶ ἡ ἡδονή, ἐπειδὰν ἅπαξ τὸ κατ᾽ ἔνδειαν ἀλγοῦν ἐξαιρεθῇ, ἀλλὰ μόνον ποικίλλεται. τῆς δὲ
[XV] La richesse naturelle est bornée et facile d'accès ; la richesse d'après les opinions vides sombe dans l'ilimité.
[XVI] La fortune s'abat peu sur le sage, mais le raisonnement a arbitré les réalités les plus grandes et les plus fondamentales et, dans la durée continue de la vie, les arbitre et les arbitrera.
[XVII]Ce qui est juste est absolument sans trouble, ce qui est injuste est plein d'un trouble extrême.
[XVIII] Le plaisir dans la chair n'augmente pas une fois que la douleur liée au besoin a été supprimée, mais il varie seulement. La limite de la pensée pour ce qui est du plaisir naît de l'appréhension de ces mêmes choses et de celles qui leur sont apparentées, qui créent par la pensée les plus grandes terreurs.
[χιχ.] Ὁ
[χχ.] Ἡ μὲν σὰρξ ἀπέλαβε τὰ
[XIX] Un temps illimité et un temps limité contiennent un plaisir égal, si les limites en sont mesurées par le raisonnement.
[XX] La chair elle-même rend illimitées les limites du plaisir, et un temps illimité le lui procure. La pensée raisonnant empiriquement sur la fin et la limite de la chair, et s'étant libérée de la terreur de l'éternité, procure la vie la plus achevée, et il n'est nul besoin en outre d'un temps illimité : donc, on ne fuit pas le plaisir, et lorsqu'on est arrivé au dernier seuil de la vie, on ne meurt pas en regrettant quoi que ce soit de la vie la meilleure.
[χχι.] Ὁ τὰ
[χχιι.] Τὸ ὑφεστηκὸς δεῖ τέλος
[χχιιι.] Εἰ
[XXI] Celui qui connaît les limites de la vie sait que se procurer ce qui supprime la douleur liée au besoin et ce qui rend la vie achevée est facile : de sorte que parmi les réalités, celles qui impliquent la compétition sont inutiles.
[XXII] Il faut raisonner empiriquement concernant la fin posée et toute l'évidence à laquelle nous rapportons nos opinions ; sinon, tout sera plein de confusion et de trouble.
[XXIII] Si tu combats toutes les sensations, tu n'auras rien à partir de quoi effectuer un rapprochement pour discerner celles que tu dis trompeuses.
[χχιϝ.] Εἴ τιν᾽ ἐκβαλεῖς ἁπλῶς
[XXIV] Si tu rejettes totalement une sensation et que tu ne fais pas de distinction entre ce qui est objet d'opinion, ce qui attend confirmation, ce qui est déjà présent dans la sensation, les affects, et toute appréhension imaginative de la pensée, tu confondras les sensations restantes avec l'opinion vide, de sorte que tu rejetteras tout critère. Si tu maintiens avec la même fermeté tout ce qui attend confirmation, dans les notions qui sont l'objet d'opinion, et ce qui n'est pas confirmé, tu n'écarteras pas l'erreur, puisque tu auras conservé entière toute l'ambiguïté pour tout jugement sur ce qui correct et ce qui ne l'est pas.
[χχϝ.] Εἰ μὴ παρὰ πάντα καιρὸν ἐπανοίσεις ἕκαστον τῶν πραττομένων ἐπὶ τὸ τέλος τῆς
[χχϝι.] Τῶν ἐπιθυμιῶν ὅσαι μὴ ἐπ᾽ ἀλγοῦν ἐπανάγουσιν ἐὰν μὴ συμπληρωθῶσιν, οὐκ εἰσὶν
[χχϝιι.] Ὧν ἡ σοφία παρασκευάζεται εἰς τὴν τοῦ
[χχϝιιι.] Ἡ αὐτὴ γνώμη θαρρεῖν τε ἐποίησεν ὑπὲρ τοῦ μηθὲν
[XXV] Si, en toute occasion, tu ne réfères pas chacune de tes actions à la fin de la nature, mais si tu t'en écartes en choisissant ou rejetant pour quelque autre motif, tes actes ne seront pas en cohérence avec tes discours.
[XXVI] Parmi les désirs, ceux dont la non satisfaction n'entraîne pas de souffrance ne sont pas naturels, mais ils ont une impulsion volatile, quand on les juge difficiles d'accès ou susceptibles d'entraîner des dommages.
[XXVII] Parmi les choses que la sagesse procure pour le plus grand bonheur de la vie tout entière, la possession de l'amitié est de loin la plus importante.
[XVIII] Le même savoir qui nous fait soutenir avec confiance que rien de ce qui est éternel ou qui dure dans le temps n'est terrible, nous montre que, dans les réalités limitées, la sécurité s'accomplit au mieux par l'amitié.
[χχιχ.] Τῶν ἐπιθυμιῶν αἱ μέν εἰσι
[χχχ.] Ἐν αἷς τῶν
[XXIX] Parmi les désirs, il y a ceux qui sont naturels et nécessaires, ceux qui sont naturels et non nécessaires, ceux qui ne sont ni naturels ni nécessaires mais qui viennent d'une opinion vide.
[XXX] Parmi les désirs naturels, mais qui ne provoquent pas de douleur s'ils ne sont pas satisfaits, dans ceux qui sont accompagnés d'un sentiment d'urgence, ils proviennent d'une opinion vide et ils ne s'apaisent pas non à cause de leur nature propre mais à cause de cette opinion vide de l'homme.
[χχχι.] Τὸ τῆς
[χχχιι.] Ὅσα τῶν ζῴων μὴ
[χχχιιι.] Οὐκ ἦν τι καθ᾽ ἑαυτὸ δικαιοσύνη, ἀλλ᾽ ἐν ταῖς μετ᾽ ἀλλήλων συστροφαῖς καθ᾽ ὁπηλίκους δή ποτε ἀεὶ τόπους συνθήκη τις ὑπὲρ τοῦ μὴ βλάπτειν
[XXXI] Le juste naturel, c'est ce qui permet d'identifier ce qui est utile pour ne pas se nuire mutuellement ni subir de nuisances.
[XXXII]Vis à vis de ceux parmi les êtres vivants qui ne peuvent établir de pactes en vue de ne pas se nuire ni subir de nuisances il n'y a rien ni de juste ni d'injuste ; de même aussi parmi les peuples, vis à vis de ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas établir de pactes en vue de ne pas se nuire ni subir de nuisances.
[XXXIII]Il n'y a pas de justice en soi, mais il y a, à chaque fois, dans les regroupements des hommes entre eux, dans des lieux de toutes tailles, des pactes en vue de ne pas se nuire ni subir de nuisances.
[χχχιϝ.] Ἡ ἀδικία οὐ καθ᾽ ἑαυτὴν κακόν, ἀλλ᾽ ἐν τῷ κατὰ τὴν ὑποψίαν φόβῳ, εἰ μὴ λήσει τοὺς ὑπὲρ τῶν τοιούτων ἐφεστηκότας κολαστάς.
[χχχϝ.] Οὐκ ἔστι τὸν λάθρᾳ τι
[χχχϝι.] Κατὰ μὲν [τὸ] κοινὸν πᾶσι τὸ δίκαιον τὸ αὐτό, συμφέρον γάρ τι ἦν ἐν τῇ πρὸς ἀλλήλους κοινωνίᾳ: κατὰ δὲ τὸ ἴδιον χώρας καὶ ὅσων δή ποτε
[XXXIV]L'injustice n'est pas un mal en soi, mais c'est la peur fondée sur la suspicion de ne pas échapper à ceux qui ont été chargés de punir ces actes injustes qui en fait un mal.
[XXXV] Il n'y a pas d'exemple qu'un individu se cache pour commettre un de ces actes dont on a convenu les uns envers les autres [de s'abstenir] pour ne pas nuire ni subir de nuisances, et soit certain qu'il restera impuni, même s'il a échappé mille fois jusqu'à présent. Jusqu'à sa désagrégation il n'y a aucune évidence qu'il restera impuni.
[XXXVI] En tenant compte de ce qui est commun, pour tous, le juste est le même ; car c'est ce qui s'est révélé utile dans la communauté des hommes entre eux ; mais en tenant compte de ce qui est propre à une région et fonction des quantités de causes qui peuvent se produire à tout moment, il ne s'ensuit pas le même juste pour tous.
[χχχϝιι.] Τὸ μὲν
[XXXVII] Ce qui est confirmé comme utile dans les usages de la communauté des hommes entre eux, parmi les actes que les lois disent justes, occupe la place du juste, qu'il soit ou non le même pour tous. Et si quelqu'un édicte une loi qui n'aboutit pas à quoi que ce soit d'utile dans la communauté mutuelle, [cette loi] n'aura plus la nature du juste. Et si l'utile devient opposé au juste, il met un moment à s'adapter à la prénotion, il n'est pas moins juste pendant ce moment pour ceux qui ne se laissent pas troubler par des sons vides, mais qui attachent leur regard uniquement aux réalités.
[χχχϝιιι.] Ἔνθα μὴ καινῶν γενομένων τῶν περιεστώτων πραγμάτων ἀνεφάνη μὴ
[XXXVIII] Dans le cas où il ne s'est rien produit de nouveau dans l'état général des affaires, si ce que la loi dit juste ne s'adapte visiblement pas avec la prénotion [du juste] à propos des mêmes actions, alors cela n'est pas juste. Et dans le cas où il s'est produit du nouveau, si ce qui a été déterminé juste n'a plus d'utilité, alors cela était bien juste tant que cela était utile à la communauté mutuelle des concitoyens ; et cela n'a plus été juste lorsque cela n'a plus été utile.
[χχχιχ.] Ὁ
[χλ.] Ὅσοι τὴν
[XXXIX] Celui qui s'est le mieux prémuni contre la défiance envers l'extérieur, c'est celui qui fait entrer dans sa parenté ceux pour qui c'est possible, et qui ne se rend pas hostile ceux pour qui c'est impossible ; il évite toute sociabilité lorsque c'est impossible, et il s'éloigne quand il est utile de le faire.
[XL] Ceux qui ont pu construire pour eux une extrême assurance en leurs proches ont pu vivre les uns avec les autres l'existence la plus agréable, ayant la confiance la plus forte, et recevant en échange la familiarité la plus entière, ils ne pleuraient pas, comme par pitié, le décès de celui qui avait fini de vivre.