Guise le
Je n’ai fait qu’admirer ta prière parce qu’elle n’avait éveillé dans mon cœur aucun autre sentiment que celui d’une émotion profonde et d’un assentiment absolu.
Émilie éprouve le même effet et me disait hier encore : Plus on la lit, plus on la trouve belle ! Maintenant je la compare avec la seconde que tu m’envoies et voici les réflexions qui me viennent :
Texte de la 1ère prière :
Puissance Suprême qui diriges l’univers,
Que tous les hommes adorent et vénèrent ton intelligence infinie
Texte de la 2ème prière ;
Puissance Suprême qui diriges l’univers,
Que ton existence soit sanctifiée et révérée dans le cœur de toutes les créatures
La première est plus large dans ce début que la seconde et emportera suivant moi plus d’adhésions ; demander que l’existence de la puissance suprême soit sanctifiée, c’est supposer qu’elle peut ne pas être sainte, cela prête à l’équivoque et aux contestations. Dire qu’elle soit révérée dans le cœur de
toutes les créatures c’est allonger inutilement [incertain] les termes. La simple phrase : Que tous les hommes honorent et vénèrent ton intelligence infinie est limpide et simple comme la vérité : Je la préfère donc.
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Texte de le 1ère prière.
Que les lois naturelles établies par ta sagesse infinie soient observées sur la terre comme dans les Cieux.
Texte de la 2ème
Que les lois naturelles établies par ta sagesse infinie soient observées sur la terre comme dans les Cieux
Que ton amour du progrès de la vie inspire tous les hommes
Que les lois naturelles établies par ta sagesse et ton amour… il y a dans ces paroles la pensée complète que la loi est faite de sagesse et d’amour, que c’est là ce qui préside à l’existence de tout ce qui est, que tout en doit porter la trace, avoir la sagesse et l’amour pour fin comme tout l’a pour origine.
Dans la seconde prière la sagesse reste seule.
C’est dans la seconde phrase seulement que revient l’amour et s’il y est bien considéré comme une des causes de la loi, cela n’apparaît plus aussi clairement que dans la première prière.
Cependant il y a dans cette seconde phrase
une autre pensée : celle de l’amour du progrès de la vie. Faut-il la faire ressortir à cette place ?
Dans tous les cas, je ne crois pas qu’il faille y sacrifier la phrase de la première prière.
Et d’un autre côté en gardant la phrase : Que les lois naturelles établies par ta sagesse et ton amour ….., on ne peut commencer la strophe suivante par ces mots : Que ton amour du progrès de la vie, etc….
La prière perdrait de son élégante diction et de sa majesté simple.
Du reste cette pensée de l’amour du progrès de la vie éclate du premier au dernier mot de la prière qui n’est qu’un acte d’amour en faveur de tout ce qui est. Il n’y a qu’à lire la suite pour s’en convaincre.
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Texte de la 1ère prière
Ouvre nos esprits à la lumière de tes vérités éternelles.
Texte de la 2ème
Eclaire nos esprits à la lumière de tes vérités éternelles.
J’aime mieux la figure d’ouvrir nos esprits à la lumière. Nous sommes des aveugles et il ne suffit pas que la lumière glisse sur nos yeux fermés, il faut que nos paupières s’ouvrent.
La pensée me semble plus forte et plus précise [incertain] avec le mot ouvre qu’avec le mot éclaire.
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Texte de la 1ère prière :
Donne-nous l’intelligence de nos devoirs et l’amour du bien de tous les hommes
Texte de la 2ème :
Ouvre nos cœurs à l’affection des choses nécessaires au bonheur et au progrès de toute existence humaine.
Donne nous l’intelligence de nos devoirs.
Comment sacrifier cette émouvante et si simple phrase : Donne nous l’intelligence de nos devoirs. Que de pensées dans ces simples mots ! Comme le souvenir des existences qui nous entourent y éclate.
Donne nous l’intelligence de nos devoirs et l’amour du bien de tous les hommes.
Tout le souhait précédent sur l’amour du progrès de la vie qui, suivant moi, ne se trouvait pas à sa place, n’est-il pas dans ces mots ? Et ne le trouvons-nous pas ici sous une forme plus saisissable et plus pratique, entrant plus directement dans tous les esprits de bonne volonté.
Je n’aurai jamais assez d’admiration pour cette touchante phrase, mon bien-aimé, des anges ont dû t’entourer quand tu l’as faite.
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Texte de la 1ère prière :
Permets à notre activité d’avoir une fin toujours utile aux autres.
Texte de la 2ème :
Permets à notre activité et à notre travail d’avoir une fin toujours utile aux autres comme à nous-mêmes.
Quelque chose me dit toujours : Soyons courts, surtout dans la prière, si nous voulons que les paroles que les paroles soient répétées avec fruit.
Ajouter le mot travail à celui d’activité peut être bon, mais si le premier suffit, il vaut mieux s’y tenir et je pencherais à cela.
Ne sommes-nous pas toujours utile à nous-même quand nous sommes utiles aux autres ? Et avec la tendance incessante que nous avons à nous mettre au premier rang de nos préoccupations, avons-nous besoin jusque dans la prière de mettre en ligne notre individualité.
Je préfère ici encore ces mots :
Permets à notre activité d’avoir une fin toujours utile aux autres.
(Vraiment j’ouvre une parenthèse pour dire que j’ai l’air d’avoir un parti pris. Ce n’est pas cela pourtant et je te donne partout mes raisons).
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Ici il y a une interversion des phrases dans les deux prières et c’est l’ordre donné à la seconde que je suis, tout en continuant à mettre en avant le texte de la première prière concordant avec celui de la seconde.
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Texte de la 1ère prière :
Que ta Providence nous protège contre l’erreur
Texte de la 2ème :
Que ta Providence nous préserve des erreurs et des fautes de ceux qui dirigent et gouvernent.
Inspire aux puissants amitié et considération pour les faibles.
Dissipe sur la terre les convoitises de l’orgueil et de l’égoïsme, efface la haine et la guerre parmi les hommes.
Verse sur les nations les bienfaits de la paix.
Pour rester dans l’esprit qui, suivant moi, convient à cette prière je prendrais la première phase qui dans un sens général dit simplement : Que ta Providence nous protège contre l’erreur.
Il y a dans le mot protège une pensée de sollicitude du Créateur envers l’être créé qui rentre bien dans l’esprit de la loi d’amour qui a dicté cette prière.
Puis viendraient les développements heureusement trouvés : Dissipe sur la terre les con-
-voitises de l’orgueil et de l’égoïsme, efface la haine et la guerre parmi les hommes.
Verse sur les nations les bienfaits de la paix.
Je supprimerais les mots qui désignent comme sujets aux fautes ceux qui dirigent et gouvernent.
Je supprime également ceux qui disent : Inspire aux puissants amitié et considération pour les faibles.
Tout cela s’écarte de l’esprit de la prière et introduit des pensées de critique du prochain à la place de cette belle effusion d’amour qui éclate tout au long dans ta première inspiration.
Je ne garde donc que ce qui s’applique à chacun en soi et qui vient apporter un complément utile à la phrase : Que ta providence nous protège contre l’erreur.
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Texte de la 1ère prière :
Fais que notre bonheur dans la vie soit la récompense du bien que nous faisons pour nos semblables.
Texte de la 2ème :
Fais que notre bonheur dans la vie soit la récompense du bien que nous faisons en vue des autres.
Les mots pour nos semblables valent incontestablement mieux que ceux en vue des autres qui pretent à l’équivoque et font penser que le
bien pourrait être fait en vue de ce que les autres en diront.
Il est vrai que les mots pour nos semblables affirment peut-être le même sujet de critique. Mais je dois ajouter que la première phrase écrite ici devrait, suivant moi, rester à la place que tu lui as assignée dans la première prière et qu’ainsi cette phrase venant immédiatement après celle : Permets à notre activité d’avoir une fin toujours utile aux autres, ne prête plus à la moindre équivoque. Je te copie plus loin la prière remise en son premier état avec les deux seules adjonctions qui m’ont paru utiles.
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Texte de la 1er et de la 2ème Prière :
Aide-nous dans la pratique du bien et délivre-nous du mal ! Ainsi soit-il !
De tout mon cœur, mon maître bien-aimé je le demande à Dieu avec toi.
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Résumé… voir la prière ci-jointe.
Prière d’André
Puissance suprême qui diriges l’univers, que tous les hommes honorent et vénèrent ton intelligence infinie ;
Que les lois naturelles établies par ta sagesse et ton amour soient observées sur la terre comme dans les Cieux.
Ouvre nos esprits à la lumière de tes vérités éternelles ;
Donne-nous l’intelligence de nos devoirs et l’amour du bien de tous les hommes.
Permets à notre activité d’avoir une fin toujours utile aux autres.
Fais que notre bonheur dans la vie soit la récompense du bien que nous faisons pour nos semblables.
Que ta Providence nous protège contre l’erreur.
Dissipe sur la terre les convoitises de l’orgueil et l’égoïsme ; efface la haine et a guerre parmi les hommes.
Verse sur les nations les bienfaits de la paix.
Aide-nous dans la pratique du bien et délivre-nous du mal.
Ainsi soit-il !
Il n’y a plus que dans la strophe :
Fais que notre bonheur dans la vie etc… que j’aurais à retrouver quelque chose à te dire pour que tu aies toute ma pensée. mais cette lettre est déjà si longue que ce sera pour une autre fois d’autant plus que c’est une observation ne demandant pas de changement.
Je passe maintenant à ta lettre du 13.
Je t’écris de ton cabinet de travail, ton fauteuil est près de moi, c’est là que je viens toutes les matinées et que je me trouve toute entière sous ton influence ; c’est donc pour ainsi dire toi-même qui m’a dicté la réponse que je n’aurai plus qu’à mettre au
Tu me fais rire en me grondant pour avoir pensé que tu pouvais ne pas lire mes lettres. Ai-je dit cela ?
J’ai voulu dire seulement que je te montrais? en premier ce que je voulais que tu lises tout de suite, parce que des affaires pouvaient t’obliger à couper en deux ta lecture. Voilà tout.
Je sais bien, mon amour chéri que tu fais de moi plus de cas que je ne
mérite et que tu es capable, non-seulement de lire tout au long, mais de relire même la plupart de mes feuilles d’aujourd’hui.
Je t’en remercie profondément et prie Dieu qu’il me donne un cœur plus digne de tant de bonté et d’amour qui me viennent de toi.
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5 heures ½
J’ai vu M. Delaruelle pour le logement Chamolle, il n’y a de libre qu’un logement de deux pièces au 9ème. Cela pourrait peut-être servir tout de même en attendant mieux.
Je t’envoie ci-jointe la copie d’une lettre que M. Grebel a reçue concernant les sondages, quoique cela n’ait guère peut-être d’intérêt direct pour toi en ce moment.
Je suis bien contente que les choses s’engagent aussi bien avec M. Richon.
M. André est revenu et nous a rapporté la Religieuse, viens vite que je te la lise après avoir fini le Maudit.
Les chéries ont été bien touchées de ton
tendre souvenir et t’envoient leurs meilleures tendresses.
Recois aussi mon cœur tout entier et cent baisers mon amour chéri.
Ta dévouée amante et disciple