Me WC
Paris
Le 17 novembre 1871
Ma bien chère Violette,
Depuis ton arrivée à Rome tu ne m’écris que bien rarement. Je sais que je n’ai guère le droit de m’en plaindre vu le peu de lettre [lettres] que je t’écris.
Je vois par une charmante lettre que j’ai reçue de maman ce matin, que tu as repris tes leçons de piano. J’en suis bien aise, et j’allais même te demander plusieurs explications au sujet de tes études. Je suppose que tu n’as pas repris tes leçons avec ce fat de Tirinelli, mais quelles démarches avez-vous faites pour trouver un maître plus sympathique ?
Tu sais le grand intérêt que je porte à ce sujet : réponds moi donc de la manière la plus complète.
Hier je suis allé voir Mme Turner et Ruffini. Figure toi que ce dernier vient de s’acheter une perruque. Elle lui va très bien, ne le change guère, et est naturellement grise. – Je ne l’aurais à vrai dire à pe pas remarquée, s’il ne m’eût pas demandé si je ne lui trouvais pas quelque changement.
Après ma visite, je suis allé avec Alfred Turner dîner à un restaurant. C’est un homme des plus sympathiques, rempli de poésie et de en même temps de bon sens pratique. –Il aime ˆpourtantˆ beaucoup
la métaphysique, et s’occupe avec passion de s questions telles que celle de savoir ce que c’est que la matière, l’âme, la vie future –choses que nous n’avons pas à mon avis le moyen de comprendre, et qu’il vaudrait mieux par conséquent ne pas aborder. Aus Aussi ne le suis-je sur ce terrain qu’avec difficulté.
Il te porte, ainsi que M. Ruffini et Mme Turner, un très grand intérêt : aussi ne manquent-ils jamais tous les trois de se renseigner sur tes projets et tes occupations.
Les Cousines arrivent le 25. Le mariage d’Arthur se fera le 30. Je t’en rendr enverrai une description.
–Voilà à peu près tout, ma bien bonne petite Violette, que j’aie à te raconter aujourd’hui. Je pourrais il est vrai y ajouter quelques petits détails de la vie privée, tels que l’explosion subite et inexpliquée de mon fourneau de cuisine et la fumigation persistante de mon appartement par une cheminée malveillante.
—Adieu ma très chère
Je t’embrasse mille et mille fois
Ton Eugène