Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre d'Eugène Lee-Hamilton à Vernon Lee - 17 décembre 1871 Lee-Hamilton, Eugene 1871-12-17 chargé d'édition/chercheur Geoffroy, Sophie (édition scientifique et transcription)<br /> Holographical-Lee, Sophie Geoffroy, Université de La Réunion ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1871-12-17 Document : Courtesy of Special Collections and Archives, Colby College Libraries, Waterville, Maine
Vernon Lee Archive, Miller Library, Colby College, ME
Me WC<br /> <br /> Paris, le 17 décembre 1871<br /> <br /> Ma bien chère Violette.<br /> Ne prends jamais de café quand tu dînes en ville, ça mène directement à une catastrophe. Tu t’imagines peut-être que je fais allusion à un de ces bouleversements intérieur [intérieurs] auxquels le corps humain le mieux constitué ne peut toujours résister. Eh bien non, il ne s’agit pas de cela, mais d’un cataclysme réel, extérieur, celui en un mot du café même, xxx suivi de sa tasse, de sa soucoupe et de sa cuillère. C’est ce qui m’est arrivé trois fois depuis quelque temps, et c’est ce qui t’arrivera certainement à toi aussi, si tu n’y prends pas garde. Ecoute et profite de mon malheur.<br /> La première occasion où j’ai laissé échapper de mes mains la maudite tasse, c’est lorsque j’en ai versé le contenu sur le pantalon que porte mon collègue Brabazon. Tu dois t’en souvenir, car il n’y a pas longtemps. Il a eu l’amabilité de m’assurer qu’il s’en trouvait très bien, et que son pantalon n’en acquérait qu’un plus grand chic. J’en suis donc resté quitte au prix de quelques compliments.<br /> Le deuxième malheur de ce genre genre m’est arrivé il y a quelques jours. Je dînais ce soir-là chez Lord Lyons, et je me reposais des fatigues du repas dans un fauteuil de soie recouvert de soie lilas. Je tenais entre mes mains une tasse de ce méchant café noir que le diable seul est à même de préparer ; et ne me doutant de rien je le caressais tendrement, c’est à dire que je le remuais lentement pour tempérer ses ardeurs et faire fondre le sucre. Tout à coup, o [ô] horreur, la tasse s’affa[isse] et chancèle (comme dit Musset dans le Pélican) et dépose la moitié du café entre mes jambes sur le coussin du fauteuil. C’est te dire que je me trouvais agréablement assis sur une mare de mokas. Toutefois je contins mon émotion et ne poussai aucun cri. J’avais sur mes genoux mon chapeau claque ; et je m’en servis en guise de rideau et de mon mouchoir en guise d’éponge. Je parvins au bout d’un certain temps à me sécher les cuisses et le fauteuil, mais la tache est indélébile. <br /> Le lendemain, après avoir dîné chez les Castillon, je jugeai à propos de raconter cette histoire, que tout le monde trouva plaisante. J’étais debout devant la cheminée du salon, et je tenais entre mes mains la tasse de café traditionnelle. J’étais justement arrivé dans mon récit à l’endroit où la tasse m’échappe des doigts, lorsque, ô surprise ! ô terreur ! celle que je tenais actuellement frémit, s’inclina et dégringola sur un magnifique tapis d’Aubusson.<br /> Nous nous précipitâmes de tous les côtés pour trouver des éponges et des serviettes. Les domestiques lancèrent des torrents d’eau froide sur le malheureux tapis, tandis que moi je l’arrosai de mes larmes. Mais, hélas, ne [nous] ne réussîmes qu’à nous donner des rhumes de cerveau. le [Le]tapis n’y gagna rien.<br /> Voilà pourquoi je te conjure de ne jamais prendre du café noir.<br /> Adieu ma bien chère<br /> Je t’embrasse mille fois<br /> Ton Eugène<br /> Français Me WC<br /> <br /> Paris, le 17 décembre 1871<br /> <br /> Ma bien chère Violette.<br /> Ne prends jamais de café quand tu dînes en ville, ça mène directement à une catastrophe. Tu t’imagines peut-être que je fais allusion à un de ces bouleversements intérieur [intérieurs] auxquels le corps humain le mieux constitué ne peut toujours résister. Eh bien non, il ne s’agit pas de cela, mais d’un cataclysme réel, extérieur, celui en un mot du café même, xxx suivi de sa tasse, de sa soucoupe et de sa cuillère. C’est ce qui m’est arrivé trois fois depuis quelque temps, et c’est ce qui t’arrivera certainement à toi aussi, si tu n’y prends pas garde. Ecoute et profite de mon malheur.<br /> La première occasion où j’ai laissé échapper de mes mains la maudite tasse, c’est lorsque j’en ai versé le contenu sur le pantalon que porte mon collègue Brabazon. Tu dois t’en souvenir, car il n’y a pas longtemps. Il a eu l’amabilité de m’assurer qu’il s’en trouvait très bien, et que son pantalon n’en acquérait qu’un plus grand chic. J’en suis donc resté quitte au prix de quelques compliments.<br /> Le deuxième malheur de ce genre genre m’est arrivé il y a quelques jours. Je dînais ce soir-là chez Lord Lyons, et je me reposais des fatigues du repas dans un fauteuil de soie recouvert de soie lilas. Je tenais entre mes mains une tasse de ce méchant café noir que le diable seul est à même de préparer ; et ne me doutant de rien je le caressais tendrement, c’est à dire que je le remuais lentement pour tempérer ses ardeurs et faire fondre le sucre. Tout à coup, o [ô] horreur, la tasse s’affa[isse] et chancèle (comme dit Musset dans le Pélican) et dépose la moitié du café entre mes jambes sur le coussin du fauteuil. C’est te dire que je me trouvais agréablement assis sur une mare de mokas. Toutefois je contins mon émotion et ne poussai aucun cri. J’avais sur mes genoux mon chapeau claque ; et je m’en servis en guise de rideau et de mon mouchoir en guise d’éponge. Je parvins au bout d’un certain temps à me sécher les cuisses et le fauteuil, mais la tache est indélébile. <br /> Le lendemain, après avoir dîné chez les Castillon, je jugeai à propos de raconter cette histoire, que tout le monde trouva plaisante. J’étais debout devant la cheminée du salon, et je tenais entre mes mains la tasse de café traditionnelle. J’étais justement arrivé dans mon récit à l’endroit où la tasse m’échappe des doigts, lorsque, ô surprise ! ô terreur ! celle que je tenais actuellement frémit, s’inclina et dégringola sur un magnifique tapis d’Aubusson.<br /> Nous nous précipitâmes de tous les côtés pour trouver des éponges et des serviettes. Les domestiques lancèrent des torrents d’eau froide sur le malheureux tapis, tandis que moi je l’arrosai de mes larmes. Mais, hélas, ne [nous] ne réussîmes qu’à nous donner des rhumes de cerveau. le [Le]tapis n’y gagna rien.<br /> Voilà pourquoi je te conjure de ne jamais prendre du café noir.<br /> Adieu ma bien chère<br /> Je t’embrasse mille fois<br /> Ton Eugène<br />
Me WC
Paris, le 17 décembre 1871
Ma bien chère Violette.
Ne prends jamais de café quand tu dînes en ville, ça mène directement à une catastrophe. Tu t’imagines peut-être que je fais allusion à un de ces bouleversements intérieur [intérieurs] auxquels le corps humain le mieux constitué ne peut toujours résister. Eh bien non, il ne s’agit pas de cela, mais d’un cataclysme réel, extérieur, celui en un mot du café même, xxx suivi de sa tasse, de sa soucoupe et de sa cuillère. C’est ce qui m’est arrivé trois fois depuis quelque temps, et c’est ce qui t’arrivera certainement à toi aussi, si tu n’y prends pas garde. Ecoute et profite de mon malheur.    
La première occasion où j’ai
laissé échapper de mes mains la maudite tasse, c’est lorsque j’en ai versé le contenu sur le pantalon que porte mon collègue Brabazon. Tu dois t’en souvenir, car il n’y a pas longtemps. Il a eu l’amabilité de m’assurer qu’il s’en trouvait très bien, et que son pantalon n’en acquérait qu’un plus grand chic. J’en suis donc resté quitte au prix de quelques compliments. 
Le deuxième malheur de ce genre genre m’est arrivé il y a quelques jours. Je dînais ce soir-là chez Lord Lyons, et je me reposais des fatigues du repas dans un fauteuil de soie recouvert de soie lilas. Je tenais entre mes mains une tasse de ce méchant café noir que
le diable seul est à même de préparer ; et ne me doutant de rien je le caressais tendrement, c’est à dire que je le remuais lentement pour tempérer ses ardeurs et faire fondre le sucre. Tout à coup, o [ô] horreur, la tasse s’affa[isse] et chancèle (comme dit Musset dans le Pélican) et dépose la moitié du café entre mes jambes sur le coussin du fauteuil. C’est te dire que je me trouvais agréablement assis sur une mare de mokas. Toutefois je contins mon émotion et ne poussai aucun cri. J’avais sur mes genoux mon chapeau claque ; et je m’en servis en guise de rideau et de mon mouchoir en guise d’éponge. Je parvins au
bout d’un certain temps à me sécher les cuisses et le fauteuil, mais la tache est indélébile.   
Le lendemain, après avoir dîné chez les Castillon, je jugeai à propos de raconter cette histoire, que tout le monde trouva plaisante. J’étais debout devant la cheminée du salon, et je tenais entre mes mains la tasse de café traditionnelle. J’étais justement arrivé dans mon récit à l’endroit où la tasse m’échappe des doigts, lorsque, ô surprise ! ô terreur ! celle que je tenais actuellement frémit, s’inclina et dégringola sur un magnifique tapis d’Aubusson.    
Nous nous précipitâmes de tous les côtés pour trouver des éponges et des serviettes. Les domestiques
lancèrent des torrents d’eau froide sur le malheureux tapis, tandis que moi je l’arrosai de mes larmes. Mais, hélas, ne [nous] ne réussîmes qu’à nous donner des rhumes de cerveau. le [Le]tapis n’y gagna rien.    
Voilà pourquoi je te conjure de ne jamais prendre du café noir.    
Adieu ma bien chère
Je t’embrasse mille fois
Ton Eugène