Cher M. Matsukata,

Vous avez bien tort de vous croire importun en m’entretenant des affaires de votre musée. Je vous ai dit et j’aime à vous le répéter que je porte un très vif intérêt à cette fondation qui doit exalter en Extrême-Orient le prestige de l’art français.

Je vous suis donc toujours reconnaissant de m’avoir associé à votre œuvre.

En ce qui concerne vos travaux pour Rodin, tout va être terminé d’ici 2 mois au plus tard. Il y a eu quelques retards apportés aux fontes puisque nous avons dû procéder à la fonte de la statue colossale de la Défense dont nous avons élevé le monument à Verdun. C’est exactement le double de la Défense qui a été fondu pour vous.

Nous nous occupons activement avec le fondeur Rudier et mon mouleur de la préparation du travail de la Porte de l’Enfer car c’est une affaire importante et délicate de manière à ce que le remontage puisse être facilement exécuté au Japon.

Pour votre collection de peintures, je vous ai déjà mis au courant de ce que j’avais fait. J’ai bien reçu vos indications me proposant de consacrer 30 000 francs pour avoir une œuvre exceptionnelle d’un des maîtres déjà représentés.

Je pense qu’il n’est pas toujours nécessaire d’aller jusqu’à ce prix pour avoir un chef-d’œuvre et j’ai justement le plus grand souci qu’on n’abuse pas de votre bonne volonté en exagérant les prix.

J’obtiens même chaque fois de sérieuses réductions en raison de l’œuvre poursuivie, mais pour des artistes tels que Renoir, Carrière ou Claude Monet, il faut certainement aller plus loin car les œuvres de choix de ces maîtres atteignent aujourd’hui un prix très élevé, et il ne faut, étant donné ces prix et la réputation de ces maîtres que des pièces de 1er ordre.

Pour Maurice Denis, je vous ai dit que je l’avais vu Il est très occupé en ce moment à terminer une grande décoration murale. Je lui ai retenu d’avance ces toiles qu’il pourrait exécuter par la suite, puisque Brangwyn vous en signale même à Londres, il sera intéressant qu’il vous l’achète étant donné le pont de [Illisible].

J’ai su qu’il avait voulu acheter pour vous à Londres un tableau du peintre Gillot qu’il apprécie beaucoup. Je suis allé chez Gillot qui prépare une grande exposition de ses œuvres et je lui ai retenu 2 très belles pièces.

Je vous remercie beaucoup d’avoir mis à ma disposition une nouvelle somme d’un million de francs pour vos achats. Vous pouvez être assuré qu’elle sera employée le plus utilement pour vous et avec la plus sévère économie.

J’ai préparé le catalogue de toutes vos pièces mais je pense qu’il vous intéresserait d’avoir de chacune ou du moins des principales une photographie qui pourrait servir ultérieurement à l’illustration du catalogue. Dans ces conditions comme c’est une dépense très modeste, je vais en charger un photographe.

Je suis fâché de savoir que nous ne pourrez pas venir en France avant l’année prochaine. Pour mon compte, j’aimerais beaucoup aller vous rendre visite au Japon, malgré la distance et mes occupations. Je compte être en Amérique et particulièrement à San Francisco. SI par hasard vos affaires vous appelaient en Californie, ce serait pour moi un vrai plaisir de vous rencontrer.

Ma fille se joint à moi pour vous envoyer son meilleur souvenir.