Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - V, 10 : Des Faunes Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

Des Faunes.

CHAPITRE X.

LES Anciens ont auſſi tenu les Faunes pour Dieux des païſans ; quant à leur qualité, ou forme, ils ne nous en apprennent rien : Liure 7. §chap./§ 14.ſinon que Faune fut fils de Pic, Roy des Latins, qui regnoit en Italie lors qu’Orphee inſtitua les Sacrifices du pere Liber, eſquels il fut puis-aprés deſchiré & mis en pieces, comme nous verrons ailleurs. Virgile teſmoigne au 7. liure de l’Æneide, que Fauue fut fils de Pic :

De Faune pere eſtoit Picus, & cettuy-meſme Son pere te diſoit, Saturne, toy ſupreme De cette race auteur.—

Or Faune, Roy des Latins eſtoit au meſme temps que Pandion regnoit à Athenes. Il apprit aux Italiens à ſeruir & craindre les Dieux immortels ; comme dit Lactance au liure de la fauſſe Religion, & deuant luy ils n’en auoient, ou point, ou bien peu de ſoucy. Fauna Sœur ou femme de Faune.On dit que ce Faune, pere des Satyres & Faunes, eut vne ſœur appellee Fauna (toutefois quelques-vns diſent qu’elle fut femme de Faune, ainſi nommee du verbe faueo, ſignifiant fauoriſer, d’autant qu’elle fauoriſe l’vſage & auancement de tous animaux) deïfiee par les Romains, de laquelle les Dames de Rome celebroient la feſte & ſolemnite à couuert durant lanuict : & les hommes en eſtoient tellement forclos, qu’ils n’euſſent §ſeulemẽt/§ oſé ietter la veuë ſur ſon monſtier ſans commettre crime de leze majeſté. Macrobe au 1. liure des Saturnales §cha./§ 12. nous en apprend la raiſon, diſant que Fauna fut durant ſa vie ſi chaſte & pudique, qu’elle ſe tint touſiours encloſe en ſa chambre accompagnee de pluſieurs Dames d’honneur ; & iamais n’enuiſagea homme viuant, outre ſ ſon mary. Varron eſtime que ce ſoit celle meſme que les Romains adoroient ſous les noms de Tellus & de Terre. Ils l’appelloient aussi Fatua, mot extraict du verbe Latin fari, c’eſt à dire parler, pource que les enfans ne §commencẽt/§ point à ietter aucune voix qu’ils n’ayent atteint la terre. Outre-plus on la §nõmoit/§ Bonne Deeſſe, comme fourniſſant toutes choses neceſſaires pour la vie & pour les commoditez de l’homme. Aucuns tiennent qu’elle ait autant de credit & de puiſſance que Iunon : & que pour cette cauſe on luy mettoit en main vn ſceptre Royal. On la prend auſſi pour Proſerpine ; & luy faiſoit-on offrande d’vne Truye, parce que cet animal fait grand degaſt aux bleds, qui ſont de l’inuention de Cerés. Les Bœotiens l’appelloient Semelé, & fille de Faune, diſans qu’elle reſiſta à la volonté desbordee de ſon pere, amoureux d’elle : tellement que combien qu’il la frapaſt d’vne houſſine de myrthe, & taſchaſt de la faire boire, pour plus facilement en iouyr, ſi ne peut-il amener ſon mauuais deſſein à perfection. L’on croid neantmoins que ſon pere ſe tranſforma en Serpent, & qu’il habita auec elle. Ceux qui ſont de cette opinion prouuent leur creance de ce qu’il ne loiſoit tenir du myrthe en ſon temple, & qu’au deſſus de ſa teſte l’on entortilloit vn cept de vigne, par le moyen de laquelle ſon pere s’efforca de la ſuborner : que l’on n’apportoit point de vin au Temple d’icelle en ſon nom, ains le vaiſſeau dans lequel on auoit offert du vin, s’appelloit vaisseau à miel ; & le vin miel : & qu’on y voyoit des Serpens qui ne faiſoient ny n’auoient aucune peur. Quelques-vns la prennent encore pour Medee ; d’autant qu’en ſon Temple ſe trouuoient toutes ſortes d’herbes, desquelles ſes religieux & miniſtres faiſoient ordinairement des medecines : & qu’il n’eſtoit permis à aucun homme d’y entrer, à cauſe de l’indignité qu’elle receut par l’ingratitude de ſon mary Iaſon. Sterlucie pourquoi deïfiee.Faune eut vn fils dit Sterculie, ainſi nommé d’vn mot Latin, ſignifiant fumer, pource qu’il trouua le premier la maniere de fumer les terres : & pour tel bien-faict les hommes de ſon pays en firent vn Dieu. Il ſemble neantmoins que les Poëtes (toutesfois ie n’en veux pas iuger) ayent pris les Faunes pour quelque eſpece de beſtes, attendu qu’Ouide au 2. des Faſtes les appelle Cornipedes, auſſi-bien que les Cheuaux, & cornus §cõme/§ d’autres animaux. On les couronnoit de chappeaux de Pin, croyans que cet arbre leur fuſt agreable, comme teſmoigne Ouide en l’epiſtre d’Oenone :

Et le Dieu Faune auec ſon frond cornu, D’vn Pin pointu le chef cerné, tout nu Me pourſuiuoit ſur la plus haute croupe Du mont Ida—

Quelques-vns eſtimoient que ce fuſſent Demons effroyans qu’ils rencontroient, comme il dit en l’epiſtre de Phædra :

Par fois ie vay, ie viens comme les Eleeides Que Bacchus fait rager, ou qui ſous les humides Ombrages Ideans eſclattent leurs tambours Par mainte proumenade, & mille & mille tours. Ou comme celles-là que les Demy-deeſſes Dryades és foreſts, qui de cheſneuſes treſſes Encernent leurs tortis, les Faunes encornez, Ont par leur grand pouuoir en eſprit eſtonnez.

Dieux champeſtres. Ainſi donques, que ces Faunes ayent eſté beſtes, ou demons, les gens des villages & des champs les ont adoré en guiſe de Dieux, comme le teſmoigne Virgile au 1. des Georgiques. Sacrifices des Faunes. On leur offroit en ſacrifice vne Cheure, ſelon le teſmoignage d’Ouide au ſuſdit paſſage du 2. des Faſtes :

Apres auoir donné d’vne Cheure l’offrande A Faune cornepied, vne petite bande De perſonnes ſemonds viennent de pluſieurs pars Participer deuots à ce banquet eſchars.

Faunes inconnus en Grece.Quant aux nations Grecques, elles n’ont point ou peu connu les Faunes, & les anciens Autheurs Grecs n’en font aucune mention pource que Faune a regné, comme nous auons dit, en Italie, & n’a preſque eſté celebré que par les Italiens. Et d’autant qu’il leur ordonne pluſieurs Loix concernans la religion & le ſeruice des Dieux, & qu’il inuenta beaucoup de commoditez pour le labourage, les bonnes gens le mirent entre leurs Dieux. Mais pource qu’on ne pouuoit mettre ny imprimer és cœurs des plus rudaux & groſſiers la crainte & reuerence deuë aux Dieux, ſinon qu’en leur forgeant quelques nouuelles, eſtranges, voire eſpouuentables figures ; c’eſt pourquoy l’on les equippa de cornes en teſte, & de pieds de corne, & de cette terreur ou frayeur, non guere differente de celle que Pan auoit accouſtumé de ſuſciter : comme de faict les Anciens ont forgé vne infinité d’inuentions, afin que ceux leſquels par raisons ils ne pouuoient induire au ſeruice des Dieux, y fuſſent en fin rengez par des repreſentations eſtranges & redoutables. Et pource que nous n’auons autre choſe à dire touchant les Faunes, nous paſſerons à Syluain.