Des Oreades.
CHAPITRE XII.
Origine des Oreades.LES Nymphes Oreades, ou montagnardes, ainſi nommees pource qu’elles eſtoient nees aux montagnes, ou pource qu’elles ne bougeoient des montagnes, du Grec oros, ſignifiant Montagne, naſquirent ſelon Srabon au 10. liure de Hecate, & de la fille de Phoronee. Mais Homere au 6. de l’Iliade, les fait filles de Iupiter, & les appelle Oreſtiades, où Andromache parlant à Hector du ſiege & du ſac de Thebes par Achille, dit qu’il fit dreſſer vn tumbeau à ſon feu pere :
Autour duquel Nymphes Oreſtiades Prenans plaiſir ſous les vertes fueillades Ont faict ormeaux en grand nombre planter, Leſquelles ſont filles de Inpiter.
Strabon au liure ſuſdit en fait cinq, leſquelles toutefois Virgile au 1. de l’Æneide dit eſtre en grand nombre, & compagnes de Diane :
Telle qu’au bord d’Eurote, ou ſur Cynthe le mont Conduit le bal Diane, apres laquelle en rond Mille Oreades ſœurs ſe muent en cadence.
Mille eſt vn nombre finy pour vn infiny, c’eſt à dire pluſieurs. Mnaſeas de Patare eſcrit qu’elles furent les premieres qui diuertirent les hommes de s’entremanger l’vn l’autre, veu qu’habitans és montagnes, elles ne viuoient que de chaſtaignes & glands, & nommément vne d’entre-elles nommee Meliſſe, qui trouuant en la Moree des crouſteaux de goffres de cire pleines de miel, en fit manger aux autres Nymphes ſes compagnes : leſquelles le trouuans fort plaiſant & aggreable à la bouche, en furent extremément aiſes : & pour ce ſujet les Grecs appellerent depuis les abeilles Meliſſes, de meli, c’eſt à dire miel. Office des Oreades.On auoit opinion que ces Nymphes preſidoyent ſur les montagnes, & qu’elles euſſent ſoing des arbres, & quelquesfois des beſtes fauues & autre gibier qu’elles pourſuiuoyẽt auec Diane : & n’auoient aucun ſoucy des animaux domeſtiques ny des paſtres. Or les anciens eſtoient ſi religieux, qu’ils croyoient n’eſtre aucun lieu, ny public, ny particulier, que quelque ſpeciale diuinité ny preſidaſt, & que chaſque élement, les herbes, racines, arbres, & les fruits des arbres & de la terre auoient leurs Dieux particuliers. Diviſion des Nymphes.C’eſt pourquoy ils nommerent Oreades ou Oreſtiades les Nymphes qui preſidoient ſur toutes les montagnes en general : celles qui eſtoient commiſes ſur les bois & foreſts, Dryades : & celles qui auoient la garde de chaſque arbre, Hamadryades. Quant aux Dryades : c’eſtoient des Nymphes qui naiſſoient & defailloient quand-& les cheſnes, ſelon le teſmoignage de Callimache en l’hymne de Delos :
Lors qu’vn air pluuieux ſur les Cheſnes ondoye, Les Dryades en ont au cœur extreme ioye : Mais on les void paſmer d’angoiſſeux deſplaisir Quand les fueilles tumbans le froid les vient ſaiſir.
On ne ſçait comment elles ſe nommoient, ſinon que Pauſanias en nomme l’vne Tithoree, vn autre Erato, & encore vne autre Phigalie. Neantmoins Claudian és loüanges de Stilicon en nomme ſept. Plaiſantes hiſtoires des Dryades & Hamadryades.Charon de Lampſac a laiſſé par eſcrit qu’vn manant nommé Rhœcus, Gnidien, vid vne fois en Nine, Prouince d’Aſſyrie, vn fort beau cheſne panchant ſur ſa riuiere, lequel ayant bien remparé tout autour, il fit en ſorte qu’il luy ſauua la vie pour quelque temps. Alors luy apparut vne Nymphe, de laquelle la deſtinee de vie & de mort eſtoit contenuë en ce meſme Cheſne, qui l’ayant remercié du bien qu’elle auoit receu de luy, deſirant auſſi le recompenſer de ſa charité, luy permit de demander tout ce qu’il deſiroit d’elle, pource qu’elle eſtoit deſtinee à viure autant que cet arbre là. Le galand luy requit la faueur & courtoiſie d’vne nuict, ce quelle luy accorda, promettant de luy enuoyer vne abeille pour l’aduertir du temps & du lieu. Apolloine auſſi au 2. liure du voyage de la toiſon d’or, dit que le pere de Parebius voulant abatre vn fort beau cheſne, vid vne Nymphe qui le ſupplia bien humblement de luy vouloir pardonner, attendu que le temps & terme de ſa vie eſtoit borné par l’aage dudit cheſne, de laquelle requeſte le vilain ne tenant conte, cette diuine majeſté leans encloſe, en prit vengeance, tant ſur luy que ſur ſes enfans. Elles ſont nommees Dryades, du mot Grec Drys, c’eſt à dire Cheſne, pource que leur vie accompagnoit celle des Cheſnes, comme dit Mneſimache : & Hamadryades ; d’autant qu’elles ſont nees auec eux, de hama, c’eſt à dire auec, ou enſemble : ou bien, parce que leur vie ſe terminoit auec celle deſdits Cheſnes. Charon de Lampſac eſcrit que Arcas, fils de Iupiter & de Calliſto, ou d’Apollon, ſelon les autres, chaſſant vn iour dans les bois, rencontra vne Nymphe Hamadryade, qui luy fit entendre qu’elle eſtoit en danger de nourir, pource que le Cheſne auec lequel elle auoit pris naiſſance, eſtoit preſt d’eſtre emporté par la violence de la riuiere ſur laquelle il eſtoit, le ſuppliant de toute ſon affection de le vouloir ſauuer : & qu’à ſa requeſte il deſtourna la riuiere ailleurs, & rempara le Cheſne tout-autour à force de terre. La deſſus la Nymphe en recompenſe d’vn ſi grand bien-faict eut ſa compagnie, & conceut de luy Elate & Aphidas. Que cela ſoit vray ou faux, qui le voudroit aſſeurer pour certain ; car ſi c’eſt vanité & menſonge, comme ie croy quant à moy, ce n’eſt que la ſuperſtition des Anciens qui l’a fait mettre en auant, leſquels ont inuenté tout ce qui leur a eſté poſſible pour induire les hommes à la crainte de leurs Dieux, enſeignans qu’il n’y auoit choſe aucune en la nature ſur laquelle quelque Dieu ne preſidaſt. Que ſi ceux qui ont imprimé cette creance és cœurs des hommes, l’ont tenuë pour verittable, on pourroit bien diſputer auec beaucoup de raiſons contre leur opinion, ſi c’eſtoient point pluſtoſt des Demons ou Genies qui leur apparoiſſoient. Mais parce que telles queſtions ne ſont pas du ſuject de noſtre œuure, nous nous en deportons pour le preſent, pour traiter des Nymphes en general.