Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - V, 20 : D’Aristee Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

D’Ariſtee.

CHAPITRE XX.

Parents d’Aristee.ON dit qu’Ariſtee fut fils d’Apollon & de Cyrene, teſmoin Virgile au 4. liure des Georgiques :

Mere Cyrene, mere, habitant de ces flots Le moite fond, pourquoy (ſi ta parole eſt vraye, Qu’Apollon Thymbreen à propre pere i’aye) Pourquoy m’as-tu produit du noble ſang des Dieux, Pour eſtre en cette ſorte aux deſtins odieux ?

Apollonius au 2. liure des Argo-Nochers raconte comment Apollon deuint amoureux de Cyrene, lors qu’elle gardoit ſes brebis le long de la riuiere de Penee, & la rauiſſant l’emmena en Lybie :

Es paſtis verdoyans tout le long de l’arene Du fleuue de Pené menoit iadis Cyrene, Ses laineuſes toiſons, de ſa virginité Voulant garder la fleur en toute integrité, Et ſans auoir ſoucy d’Amour en ſon courage, Fuyoit le nœud d’Hymen patron de mariage. Mais Phœbus la rauit, Phœbus puiſſant Demon, Et l’emportant bien loing ſur les confins d’Hémon, Des Nymphes au milieu de Lybie la poſe Qui paiſſoient leurs trouppeaux ſur le mont de Myrtoſe. Or autant qu’elle met ſon amant à meſpris, Autant eſt Apollon de ſon amour eſpris : Si conceut-elle en fin de Phœbus, Ariſtee, Que l’on tiltre de noms de Nomie & d’Agree.

Mais Ciceron en la 6. Action contre Verrés, dit qu’Ariſtee fut fils du pere Liber : Ariſtee, qui (ſelon l’auis des Grecs, fils de Liber, fut inuenteur de l’huile) eſtoit chez eux auec ſon pere Liber conſacré en vn meſme Temple. Theagene au liure des Dieux eſcrit qu’Ariſtee fut fils du Roy Cyrne, & de la Nymphe Theramene, qui donna nom à l’vne des Iſles de l’Archipel ; & fut premierement nommé Battus, à cauſe de l’empeſchement qu’il auoit à la langue. L’expoſiteur de Theocrite dit que les Nymphes nourrirent Ariſtee, & luy apprirent à faire l’huile & le miel : c’eſt pourquoy il a eu le bruit d’en eſtre inuenteur, ſelon le teſmoignage de Iuſtin au 13. liure de ſon hiſtoire. Pindare és Pythiques eſcrit que Cyrene auoit accouſtumé d’aller à la chaſſe auec Apollon, & qu’elle garda fort long-temps ſa virginité : mais ayant vne fois lutté corps à corps auec vn Lyon, Apollon en deuint amoureux, & l’emportant en Libye l’engroſſa, dont naſquit Ariſtee. Pherecyde dit qu’Apollon luy donna le choix du lieu où elle aymoit mieux qu’il l’emportaſt, & qu’elle choiſit la Lybie, en vne ville qui depuis de ſon nom fut nommee Cyrene. Agretas maintient qu’elle fut tranſportee en Candie, au premier liure de l’hiſtoire Lybique. Elle auoit vne ſœur dicte Lariſſe, du nom de laquelle fut nommee vne ville de Theſſalie. Les autres veulent dire qu’Euripyle offrit de donner ſon Royaume en recompenſe à celuy qui feroit mourir ce Lion qui gaſtoit tout ſon pays : ce que Cyrene ayant entrepris, elle obtint par ce moyen la Couronne. Outre Ariſtee elle eut vn autre fils d’Apollon, dict Authuque : auſquels les autres adiouſtent Eutoque, Nomie & Agree. Pluſieurs Ariſtees.Or il y a eu pluſieurs Ariſtees : le premier de ce nom fut fils de Caryſte ; le ſecond de Cheron ; le troiſieſme du Ciel & de la Terre ; le quatrieſme (qui eſt celuy que nous tenons en main) d’Apollon ; lequel ayant vne fois inuoqué les Eteſies en l’Iſle de Cee, pour refraiſchir le pays, à cauſe que l’ardeur du Soleil & de la Canicule faiſoit mourir de peſte vne infinité de perſonnes, ils commencerent incontinent à ſouffler, & depuis il fut appellé Iupiter Ariſtee, & Apollon Agree & Nomie, Dieu des paſtres & païſans : leſquels ſurnoms ſont neantmoins auſſi donnez à ſon pere Apollon. Les autres le font fils de Bacchus : toutefois aucuns ſouſtiennent qu’il ne fut pas ſon fils, mais bien ſon pere nourriſſier. Autonoé fut ſa femme, qui le fut auſſi de Cadmus, de laquelle il eut Acteon. On dit que cet Ariſtee, fils d’Apollon, mourut en la boutique d’vn foullon, & que depuis il apparut en chemin à vn homme allant à Crotone. Pauſanias és Arcadiques eſcrit qu’il fut receu au nombre des Dieux, pour auoir inuenté & mis en vſage beaucoup de choſes fort neceſſaires à la vie humaine. Car (comme nous auons ſouuent dict) c’eſtoit l’ordinaire des bonnes gens du temps paſſé d’honorer comme Dieux les gens de bien & ſages, deſquels ils forgeoient puis-aprés tels contes que bon leur ſembloit. Suiuant cela on luy attribuë l’inuention du benjoin & du miel. Le benjoin (dit Dilphe) eſt vne racine de bonne odeur, qui croiſt en Lybie, ayant la vertu de preparer & de purger. La meilleure eſt celle de Cyrene, & ſe ſert-on de ſon ſuc, de ſa tige & de ſa racine. Dauantage les vns diſent que ce fut Promethee, les autres Ariſtee, qui immola le premier vn Taureau aux Dieux, au lieu qu’auparauant on ne leur offroit que des herbages & des fleurs, auec de precieux parfums qu’on leur bruſloit, comme eſcrit Androtion au liure des Sacrifices. Il habita depuis en Sardeigne & en Sicile : où aprés auoir montré au peuple tout plein de choſes commodes, il reuint en Thrace, & y apprit les Orgies ou ceremonies ſecrettes de Bacchus. Mais s’y eſtant enamouré d’Eurydice, femme d’Orphee, comme elle s’enfuyoit deuant luy, vn ſerpent la picqua, dont elle mourut, par deſpit, dequoy les Nymphes tuerent toutes les mouſches à miel d’iceluy. Et depuis ayant par l’auis de l’Oracle de Prothee, ſacrifié quatre Taureaux & autant de Genices à l’ame d’Euridice pour l’appaiſer, il en ſortit vn grand eſſaim d’abeilles, qui luy reſtaurerent ſes ruches.

Mythologie d’Ariſtee.Or les vns le font fils d’Apollon, les autres de Bacchus, & de la Nymphe Cyrene, parce qu’Ariſtee a eſté tenu par les Anciens pour le conſeil & prudence des hommes, qui eſt la meilleure partie que l’homme puiſſe auoir, c’eſt ce que le nom ſignifie. Et comme le Soleil extenuë & deſſeiche les humeurs des corps humains ; auſſi la force de l’ame doüee de raiſon emporte le deſſus, & demeure maiſtreſſe. Voila comment le Soleil eſt pere d’Ariſtee. En aprés Apollon deuint amoureux de Cyrene ſur le riuage de la riuiere de Penee, ou pluſtoſt de Cyrene, fille de cette meſme riuiere, & l’engroſſa, d’autant que cette force ſuſdite eſtant rarefiee engendra Ariſtee : qui depuis inuenta l’huile, c’eſt à dire, la diligence & vigilance neceſſaire és affaires humaines ; & l’vſage du miel, c’eſt à dire, le moyen de viure plus humainement, & auec plus de ciuilité & courtoiſie qu’auparauant, lors que les hommes diſperſez, qui çà qui là viuoient comme beſtes farouches, ſans hantiſe ne frequentation ; leſquels il raſſembla comme en vn corps, & leur apprit à nourrir & garder les troupeaux des beſtes domeſtiques, deſquelles ils ne ſçauoient encor tirer aucune commodité. D’autre part ie ne ſuis pas ignorant que quelques-vns ont voulu accommoder tout ce diſcours à l’hiſtoire, diſans qu’Apollon engendra Ariſtee, lors qu’il rauit Cyrene, tres-belle fille, & la tranſporta en Lybie : & que cette fiction vint de la tranſmigration des Theſſaliens, qui trouuans l’aſſiette & l’air du pays beau, plaiſant & ſain, reſolurent de s’habituer au lieu où depuis Cyrene fut baſtie. Mais il n’y a rien de ſingulier en cette hyſtoire, ny qui la puiſſe tant recommander que d’en pouuoir eterniſer la memoire. Or par la Fable d’Ariſtee les Anciens nous exhortoient à eſtre ſages & bien-auiſez, attendu, que pour le dire en vn mot, la ſeule prudence faict que nos affaires ſe portent bien, & nous donne moyen de plus facilement & plus doucement paſſer cette vie : au contraire, l’imprudence eſt touſiours accompagnee de pluſieurs dommages, incommoditez & faſcheries. Parlons maintenant de Tellus.