Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - VIII, 10 : De Castor & Pollux Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De Caſtor & Pollux.

CHAPITRE X.

Genealogie de Caſtor et Pollux.LES anciens mariniers prenoient pour bon augure ſi ces deux Deïtez leur apparoiſſoient iointes enſemble. Mais pour diſcourir de leur origine, Iupiter aymant Leda, fille de Theſtie, & femme de Tyndare Roy de Laconie, ſe transforma en Cygne priué, & ſe prit à chanter deuant elle ſi doucement, & auec telle melodie, qu’elle le prit, le mania & cherit extremément à cauſe de la ſuauité de ſon chant : mais plus fin qu’elle, il meſla ſa ſemence auec la ſienne, dont elle ponut vn œuf, duquel naſquirent Caſtor, Pollux & Helene. Toutefois les autres diſent que le Cygne battu de l’Aigle s’enuola vers Leda comme au ſecours, & qu’aprés l’auoir deceuë ſous telle forme, Iupiter le tranſporta au Ciel parmy les autres Eſtoilles. Il y en a qui ſont d’opinion qu’elle engendra deux œufs, de l’vn deſquels naſquirent Caſtor & Pollux : de l’autre, Helene & Clytemnæſtre : quelques-vns leur adiouſtent encore vne autre ſœur, Timandre. D’autres auſſi veulent dire qu’elle n’eut qu’vn œuf, duquel ſortirent Pollux & Helene, ſouſtenans que Caſtor & Clytemnæſtre furent enfans de Tyndare. Ceux-cy doncques ſuiuãt ce dernier auis ont eſté reputez mortels, comme engendrez d’vn homme mortel ; & ceux-là immortels, comme conceus d’vn Dieu immortel. Neantmoins on les nomme tous Tyndarides, & dit-on qu’ils furent conceus prés de la montagne de Tayget és marches de Lacedæmone, ſuiuant ce qu’en dit Homere en vn Hymne :

Sus Nymphe entonne moy les gemeaux Tyndarides, Que l’eternel Iupin par ſes flammes auides Eut jadis de Leda ſur le haut Tayget, S’esbatant auec elle en amoureux proiet.

Ceux-ci nez à Pephne, ville & iſle du reſſort de Lacedæmone (combien que les Lacedæmoniens & les Meſſeniens euſſent vne grande querelle pour la natiuité des Dioſcures, c’eſt à dire de Caſtor & Pollux, les inuoquans & les vns & les autres, non ſeulement comme leurs citadins, mais auſſi leurs patrons & protecteurs de leur patrie) furent par Mercure emportez à Pellene pour eſtre là nourris Puiſ-apres lors que Iaſon fut preſt de faire le voyage de la Colchide à la toiſon d’or, & que la fleur de la nobleſſe Grecque le veint trouuer pour luy faire compagnie, ces deux-cy furent auſſi du nombre, & firent en ce voyage beaucoup d’exploits valeureux & memorables. Exploicts des Dioſcures.Entre autres, arriuez en la coſte de Bithynie ils rencontrerent Amyc Roy du païs, fils de Neptun, qui ayant prouocqué tous les Argo-Nochers, fut par Pollux combatu & tué. Cet Amyc auoit accouſtumé d’aſſaillir ainſi tous les paſſans eſtrangers, & les defier, les contraignant de faire à coups de poing auec luy : & lors meſme s’approchant de la nef d’Argo, les défia par ce cartel :

Eſcoutez, ô Nochers, ce qu’il vous faut entendre, Iamais ne fut permis ſes cordages d’eſtendre, Pour ſingler en quittant de Bebryce le bord Apres auoir mouillé l’anchre ſur noſtre port, Sans faire de ſes mains auec les miennes preuue, Choiſiſſez entre vous quelque preux qui s’eſpreuue, Et s’en vienne eſcrimer : ie le veux terracer Pluſtoſt à coups de poing que de le menacer.

Theocrite dit que Pollux deſcendit pour aller à l’eau, & qu’il trouua Amyc auprés d’vne fontaine, lequel le contraignit de combattre à coups de poing auec luy. Quoy qu’il en ſoit tous conſentent que Pollux occit Amyc auec quantité d’autres Bithiniens, qui pour lors ſe nommoient Bebryciens ; & leur prouince, Bebrycie. Helene recouuree par ſes freres.Puis au retour de leur voyage, ſçachans que Theſee auoit enleué leur ſœur Helene, firent la guerre aux Atheniens pour la recouurance d’icelle : & pour ce faire aſſiegerent & prindrent la ville d’Aphidne, où Theſee l’auoit laiſſee, auec Æthre ſa mere pour la gouuerner : ce faict ils pardonnerent à tout le peuple Athenien, horſmis à ladite Æthre qu’ils emmenerent priſonniere. Et en cõſideration d’vne ſi nottable courtoiſie, les Atheniens qualifierent depuis leurs Roys & bienfaicteurs du nom de Dioſcures. Vangeurs du rapt, eux-meſmes rauiſſeurs.Ayans recouuré leur ſœur, ils s’amouracherent en la meſme ville des filles de Leucippe & d’Arſinoë, Phœbé & Elayre, commettans és perſonnees d’autruy ce qu’ils auoient blaſmé en Theſee. Elayre eſt par aucuns nommée Talayre ; par d’autres, Naire, & par d’autres encore, Ilaire. Leurs enfans.Pollux eut de Phœbé Mneſibe, que d’autres appellent Mneſinoë, d’autres Aſinee : Caſtor eut de l’autre ſœur, Anogon, ou, ſelon les autres, Anaxis, ou Aulothe. Elles eſtoient fiancees à Lyncee & Idas fils d’Apharee, leſquels pour vanger vne iniure tant infame faicte à leurs maiſtreſſes, attaquerent armes au poing les Dioſcures rauiſſeurs, & ſe battirent à bon eſcient au pied de la montagne de Tayget où finalement Lyncee tua Caſtor ; puiſ-apres Lyncee bleſſé d’vne colomne de pierre par Pollux, mourut ; de laquelle victoire Pollux dreſſa vn trophee. Pollux ſe veid bien prés d’eſtre occis par Idas : mais Iupiter foudroya cettuy-cy pour ſauuer ſon fils. Les autres diſent que Pollux y fut auſſi tué ; & que s’eſtans tous deux cachés dans vn cheſne creux & ventru, Lyncee ayant la meilleure veuë qu’homme qui fuſt au monde, les deſcouurit, comme le teſmoignent ces vers de Staſin qui a deſcrit l’hiſtoire de Cypre en carmes Grecs :

—außi-toſt que Lincé Monte ſur le couppeau du mont de Taygete D’vne courſe volage, & que ſes yeux il iette Pour deſcouurir au loing ce que l’iſle encernoit De Pelops Tantalide, alors il reconnoit Ses deux galands muſſez dedans le creux d’vn cheſne, Pollux vaillant lutteur, & Caſtor qui la reſne Des cheuaux indomptez, tres-habille eſcuyer, Leurs frains, & mors entend comme il faut manier.

Or il ne ſe faut eſtonner ſi les enfans d’Apharee ont eſté ſi vaillans, ne ſi Lyncee a eu la veuë ſi penetrante pour deſcouurir ſi loing, veu que par la Nymphe Gorgophone ils eſtoient ſortis de Perſee, qui tua Meduſe : deſquels voicy la genealogie. De deux freres, Hyacinthe & Cynortés, le dernier eut vn fils nommé Perier ; qui de Gorgophone fille de Perſee engendra Leucippe, Icar, & Apharee : de Leucippe & Philodice, fille d’Inache naſquirent Phœbé & Ilaire : d’Icar & Peribœe Nymphe Naïade iſſirent cinq fils, & Penelope depuis femme d’Vlyſſe : d’Apharee & de la Nymphe Arene, fille d’Oecale (les autres l’appellent Arne & fille d’Ætole) Lyncee & Idas : par ce moyen ils ſont tous extraits d’vne meſme ſouche. Neãtmoins Didyme eſcrit que Lyncee ne deſcouurit ſinon Caſtor ſeul : Caſtor larron.mais Peindare en la 10. des Nemees raconte que Caſtor s’eſtant vn iour mis à deſrober les aumailles d’Idas, Lyncee ſon frere l’apperceut de deſſus le mont de Tayget, tant loing portoit la pointe de ſa veuë, dequoy ayant auerty ſon frere Idas, tout deux s’en allerent charger à grands coups de iauelines Caſtor, & l’occirent. Mais Pollux ſuruenant, quoy que trop tard, les aſſaillit courageuſement : & eux faiſans rempart du tombeau de leur pere, en arracherent vne colomne qu’ils ruerent cõtre Pollux ſans toutefois l’offenſer : ce qui l’anima tellement que d’vn coup de dard il tranſperça d’outre en outre Lyncee, & le porta roide mort par terre. Là deſſus Iupiter aſſiſtant ſes enfans reſlança ſes foudres, accabla Idas, & le reduiſit en cendre auec le corps de ſon frere. Pollux ſe voyant tout ſeul, & priué de la compagnie de celuy qu’il aimoit autant ou plus que ſoy-meſme, requit Iupiter de luy laiſſer gouſter la mort auſſi bien qu’à ſon frere, s’il n’aimoit mieux le luy rendre viuant. Iupiter ne pouuant ou ne voulant violer les loix de la fatale deſtinee, le mit au choix, ou de iouïr au Ciel d’vne immortalité perpetuelle auec Minerue & Mars ; ou de communiquer la ſienne à ſon frere, viuans & mourans alternatiuement l’vn apres l’autre. Il accepta ce dernier party. Ainſi fut Caſtor remis en demy-vie, & Pollux aſſujetti à demy-mort, iouyſſans de l’vne & l’autre condition chaſcun à ſon tour là haut au Ciel en l’Olympe, & icy bas en la terre aux enfers. Ces Dioſcures eurent pour eſcuier deux vaillans perſonnages, Rhecas & Amphiſtrate : l’vn deſquels fut chef de cette peuplade de Phthie ville de Theſſalie qui s’alla habituer en l’Achaïe : l’autre, de ces Laconiens qui occuperent Heniochie. Inuẽtions des Dioſcures.Au demeurant on dit que ces Dioſcures trouuerent les premiers la façon de l’arc, & qu’ils dreſſerent les chiens à la chaſſe, Quant au Cæſte voyez le 1. cha. du 5. Liure& l’eſcrime du cœſte. Or aprés que Lincee eut occis Caſtor, Pollux inſtitua vne ſorte de dance qu’on appelloit le bal de Caſtor, en l’honneur du defunct ; où les ieunes hommes danſoient tous armez. Toutesfois les autres diſent que les Dioſcures inuenterent tous deux enſemble cette danſe aprés la defaicte des Geans, & que Pallas ordonna que le bal ſe feroit en armes, laquelle ordonnance les Lacedæmoniens obſeruerent depuis danſans en armes au ſon du fifre quãd ils alloient à la guerre ; neantmoins les autres veulent dire que cette inuention vint des Curetes, & ſouſtiennent que les Candiots inuenterent non ſeulement la danſe de Caſtor, mais auſſi celle de Pyrrhique, laquelle quelques-vns attribuent à vn citadin nommé Pyrrhique : les autres à Pyrrhe fils d’Achille, laquelle il danſa tout armé aprés auoir défaict Telephe & Eurypile pere & fils. Les autres, qu’Achille danſa le premier ce bal Pyrrhique autour dn bucher de Patrocle quand il fit bruſler ſon corps, ſelon l’ancienne couſtume. Au reſte Caſtor & Pollux pour leurs beaux faits d’armes ont eſté mis au rang des Dieux, ainſi que pluſieurs autres preux & vaillans perſonnages, non moins mortels que le reſte du monde. Vertu de ces Gemeaux.Leur ſouueraineté & puiſſance diuine putatiue s’eſtend ſur la mer, & ſont reputez Dieux des Nauchers, & de tous ceux qui voyagent ſur mer, leſquels pour le ſuject ſuiuant les inuoquoient anciennement. Lors que les Argonauchers deſmarerent du cap de Sigæe, vne groſſe tourmente les accueillit, ce que voyant Orphee, il ſe mit en deuotion, & fit certains vœux pour leur ſauueté : adonc apparurent deux flammes de feu ſur les teſtes de Caſtor & de Pollux ; & dés lors la tourmente s’appaiſa, & les vents poſerent leur malignité, cela fut cauſe qu’on eſtima ces deux ieunes Seigneurs auoir en eux quelque choſe de diuin. Et auoit-on tant de creance en eux, que de croire qu’ils ſauuaſſent les nauigeans en quelques dangers qu’ils ſe trouuaſſent, comme le monſtre Theocrite au poëme des Dioſcures, adjouſtant que c’eſt ſigne de beau temps & de tranquillité quand la Creche paroiſt entre les Aſnes.

Vous ſauuez toutefois du milieu du naufrage Les vaiſſeaux agitez du boüillonneux orage, Et tirez les nauchers des abois de la mort ; Adonc les tourbillons et les ſouſpirs du Nort Acoiſent leur courroux, & l’hideuſe menace De Neptun bourſouflé contreſchange ſa face En vn doux air benin ; l’orage diſparoiſt, D’vn front ſerain & l’vne & l’autre Ourſe paroiſt ; Puis entre les Aſnons vne Creche on remarque, Denotant bon voyage à la ſinglante barque.

Gemeaux paroiſsãs enſemble de bon preſage.Quand ces deux feux apparoiſſent enſemble, les mariniers en tirent bon preſage : mais s’il ne s’en montre qu’vn, il y a du haſard pour eux & pour leur voyage ; & plus encore ſi cette mauuaiſe & dangereuſe peſte qu’ils appellent Helene chaſſe par ſon auenement leſdites deux flammes : combien qu’Euripide die en ſon Oreſte qu’Helene eſt auſſi bien que ſes freres ſalutaire & fauorable aux mariniers :

Helene que par boüillante ire Tu t’és efforcé de deſtruire En irritant Menelaüs, La voila ſauuee là ſus Au plus haut de l’airee plage Elle n’a pont ſenty la rage De ton bras felon inhumain, Elle n’eſt morte par ta main ; J’ay ſouſtrait ſa bien-heureuſe ame De ſous ton outrageuſe lame, La retirant par la faueur De Iupin ſon pere & Sauueur. Et ne fuut penſer qu’elle gouſte (Puiſque cil qui regne en la voûte Des Cieux entre les Souuerains, L’a engendree de ſes reins) Iamais la rigueur Plutonienne Viue donc touſiours, & ſe tienne Auprés de ſes deux freres chers, Et ſauue de mort les nochers.

Horace au premier liure des Carmes appelle ces deux feux, eſtoille, ou flambeau :

Ie diray meſme Alcide, & les Gemeaux, la race De Lede, aux cheuaux l’vn, l’autre aux poings l’outrepaſſe ; Dont aux paſles nauchers n’a faict ſi toſt ſa face Luire le flambeau radieux, Que des moites rochers coule l’onde agitee, Que le vent tumbe coy, fuit la nuë eſcartee, Et s’abaiſſe le flot de la mer irritee : Tel eſt le bon plaiſir des Dieux.

Leurs Sacrifices.On ſacrifioit à ces beaux Dieux des aigneaux blancs, comme à Dieux propices & fauorables, comme il ſe void dans l’hymne d’Homere, où il deſcrit la puiſſance des Dioſcures :

Chantez ſur voſtre lut, Muſes Heliconides, Entonnez-moy gayment ces freres Tyndarides Que la belle Leda conceut de Iupiter, Pollux le preux, Caſtor qui ſceut ſi bien domter Les plus fougueux cheuaux : cette vaillante couple, Se ioignant à Iupin d’vne amoureuſe accouple Lede engendra iadis pour ſauuer les nauchers, Et les nerfs d’eſchouër encontre les rochers, Quand des boüillons ondeux l’hyuernale tempeſte Hideuſement fremit, & menace leur teſte ; Adonc ſur le tillac les nauchers redoutans, Inuoquent de Iupin ces deux fils eſcoutans, Et des agneaux negins dont ils les pacifient, Par offrande deuote en leur nom ſacrifient.

Ceux de Cephalene, iſle de la mer Ionique, les reueroient ſur tous autres, & les nommoient grands Dieux, par les noms deſquels les hommes iuroient en leur pays, & en quelques autres, comme ailleurs il n’eſtoit permis qu’aux femmes. Au demeurant on dit qu’Hercule ayant remis ſus les Dieux Olympiques, Pollux emporta le prix du cæſte, & Caſtor fut declaré victorieux à la courſe & à l’eſcrime des coups de poing : car encore qu’ils fuſſent tous deux iſſus d’vn meſme part & d’vne meſme couuee, toutefois leurs inclinations furent diuerſes, ſelon ce qu’en dit Horace au deuxieſme des Sermons :

Le Cheualier Caſtor des cheuaux auoit ſoing, Et le né du meſme œuf faiſoit à coups de poing ; Autant d’affection il y a que de teſtes,

Pauſanias és Laconiques eſcrit que le ſepulchre de Caſtor piteuſement occis auec Pollux par les enfans d’Apharee, eſtoit en vn lieu de Laconie nommé Scias : neantmoins ils ne furent pas mis au rang des Dieux que quarante ans aprés leur treſpas. Voila donc les contes que les Anciens font de ces 2. freres, deſquels taſchons à tirer le vray ſens.

Mythologie des Dioſcures.Caſtor, Pollux & Helene furent tous trois couuez & eſclos d’vn meſme œuf, duquel Iupiter eſtoit le pere. Bon Dieu ! quel monſtre eſt-ce là ? Certes à peine peut-il eſtre vray qu’ils ſoient nez tous d’vn meſme part, d’autant que nature ne permet que peu ſouuent aux meres d’enfanter plus d’enfans d’vne ventree qu’elles n’ont de mammelles : que ſi cela auient, les derniers venus ne viuent pas longuement. C’eſt doncques choſe ridicule de dire qu’vne femme ait pondu vn œuf, & que tant d’enfans ſoyent eſclos d’vn œuf, & nez d’vne meſme portee, & qu’ils ayent tous veſcu. Or quelques-vns diſent que cette fiction proceda de ce que Leda enceinte auoit le ventre rond en forme ouale ; ou bien (comme d’autres ayment mieux dire) pource que ces deux enfans naſquirent enſemble enueloppez d’vne meſme pellicule reſſemblant à la creuſe d’vn œuf. Ils dient que Iupiter transformé en Cygne coucha auec elle, parce que tous les Rois portoient anciennement le nom de Iupiter : & d’autant que quelque petit Roy ou Prince ſe ioüa auec elle, non ſur vn lit de parade ou royal, mais biẽ ſur le bord de la riuiere d’Eurotas és marches de Lacedæmone, comme font les Cygnes en lieux humides & mareſcageux : cela fit croire que Iupiter mué en Cygne l’auoit cognuë & embraſſee. Apres les couches d’icelle, ſes enfans furent de Pephne portez à Pallene pour eſtre là nourris, pource que comme adulterins ils furent tranſportez ailleurs, pour eſtre eſleuez. Quant à ce qu’on raconte de leurs vaillances, cela n’eſt pas hors d’apparence, ſinon qu’Idas fut frappé de foudre : toutesfois Zezes en la 48. hiſtoire de la 2. Chiliade dit que cela tient auſſi de l’hiſtoire, veu que le nom de Ceraune a donné ſuiet à cette fable, lequel veint au ſecours de Pollux, d’autant que les Grecs appellent la foudre Ceraunos. Pourquoy l’on a attribué telle perſpicacité de veue à Lyncee.Au reſte on dit que Lyncee auoit la veuë tres-ſubtile, & qu’il voyoit meſme ce qui eſtoit ſous terre, parce qu’il trouua le premier les metaux d’or, d’argent & de fer. Et pource que quand il emportoit les metaux qu’il auoit extraits des mines, il laiſſoit vne lanterne allumee ſous terre ; on creut qu’il voyoit meſmement ce qu’elle cachoit dedans ſes entrailles. D’autre coſté parce que le pere de ces deux freres eſtoit homme bien verſé en l’Aſtrologie ; il luy fut bien aiſé de perſuader au ſimple peuple en celebrant les funeralles de ſes enfans, qu’ils auoiẽt eſté tranſportez aux cieux, & placez entre les eſtoilles. Les autres cuident que cela ſoit aduenu par la debonnaire & courtoiſe humeur de Pollux, que les Grecs appellent Polydeuces, comme qui diroit Beaucoup-doux, à cauſe de la douceur & humanité de ſon eſprit, & de la clemence par laquelle il ſe rendoit aymable à toutes perſonnes. Les flammes ſuſdites brillans autour de leurs teſtes au voyage de la toiſon d’or, firent croire aux ignorãs que Caſtor & Pollux rauis aux cieux les faiſoient apparoiſtre aux voyageans ſur mer pour leur denõcer bon heur & ſauueté. Or il faut noter qu’on apperçoit quelquesfois és armes deux bluettes ou flammes de feu au deſſus des picques ou lance, ou des tentes ; & quelques-fois és nauires autour des antennes, ou ſur le feſte du mas, ou bien auprés de la hune : Bons & mauuais ſignes pours les mariniers.& quand les mariniers voyent ce ſigne, ils ont tres-bonne eſperance d’auoir la mer calme & tranquille, & de reüſſir à bon port. Mais s’il ne leur apparoiſt que l’vne de ces deux flammes, ils cuident que c’eſt ſeulement Caſtor le mortel, ce qui leur cauſe vn extreme apprehenſion de danger : ſi toutes deux ſe montrent, elles ſont ſalutaires & de bon preſage, ſi la troiſieſme ſuruient, ſçauoir la flamme d’Helene, & qu’elle rechaſſe les autres deux, ils font eſtat de mourir, ou pour le moins de faire naufrage. Ce ſont ces deux feux que les Mariniers appellent auioud’huy communément S. Nicolas & S. Herme. De ſçauoir que c’eſt, ou comment ils apparoiſſent, les Autheurs en ont touſiours eſté fort en doute & controuerſe. Ceux de noſtre temps qui ont beaucoup voyagé ſur mer, & qui font profeſſion de les inuoquer l’vn aprés l’autre, croyent que telles flammes ſont ces Saints, aux noms deſquels elles s’euanoüiſſent. Eſprit effrayé imagine maint fantoſme, que puis apres il croid comme choſe advenuë.Les Anciens qui ont plus ſubtilement recherché ce faict, & Xenophane entre autres, ont eſtimé qu’à cauſe de la crainte qui eſtonne & effraye les eſprits des hommes, certaines viſions & fantoſmes ſe preſentent à leurs yeux (comme ſonges & reſueries de vieilles gens( qu’ils ſe forgent en leurs phantaiſies. Car quel inconuenient y a-il de dire, que quand l’eſprit eſt atteint d’vne frayeur extraordinaire, le ſens ſe trouble extremément auſſi & ſe faict acroire de voir ie ne ſçay quels monſtres & prodiges ? & de faict le ſens troublé eſt volontiers accompagné d’horribles & eſtranges viſions. Quant à moy ie croy que ce n’eſt rien de tout cela : mais bien quelques vapeurs qui de l’air s’amoncelent en ſubtiles & tenves flammeches, qui de leur propre mouuement montent au deſſus des mas & antennes : comme ainſi ſoit que parfois l’on en a veuz autant comme il y auoit de vaiſſeaux, non pas ſeulement deux ; car ſi ce n’eſtoient que des apparitions que les perturbations du cerueau fourniſſent ; il s’enſuiuroit par neceſſité, que non ſeulement les vns de ces feux paroiſtroient moindres, les autres plus grands : les vns en verroiẽt plus, les autres moins : mais auſſi ſelon que les corps ſeroiẽt diſpoſez, & ſelon les humeurs qui leur domineroient, les vns verroient des feux ardens, les autres des hommes armez & combattans, les autres des beſtes hideuſes & d’eſtranges formes : pource que quãd nos corps ſont malades & en mauuaiſe habitude, telles viſions ſe preſentent ſouuent à nous en dormant, voire quelquefois en veillant. Apparition des gemeaux, que deſigne.Quand doncques ces feux apparoiſſent gemeaux, ils ſignifient que la matiere qui s’eſtoit amaſſee pour cauſer la tourmente ſur mer, eſt preſque conſumee : quand il n’y en a qu’vn, qu’elle n’eſt pas encore congregee : quand il y en a pluſieurs, qu’il reſte grande quantité de ceſte matiere. Si l’air eſt eſpais & plein de vapeurs, à cauſe de l’abondance de la matiere ramaſſee, Helene ſuruient & diſſipe les autres deux feux, laquelle ne s’eſleue point que d’vne grande quantité de vapeurs. Gemeaux pourquoi deifiez.Caſtor & Pollux ont eu la reputation d’auoir eſté plaſlez au rang des Dieux, à cauſe des biens qu’ils auoient faicts aux hommes, ayans mis à mort & repurgé le monde de pluſieurs garnemens & gens de mauuaiſe vie, & vſans de ſinguliere clemence enuers les peuples qu’ils ſubiuguoient. Mais cõment eſt-ce que les Anciens ont voulu par cette Fable corriger les mœurs & complexions des hommes ? Ils ont enſeigné que la beneficence & liberalité exercee enuers toutes ſortes de perſonnes, & principalement la concorde eſt fort agreable à Dieu : & c’eſt auſdites vertus qu’ils nous exhortent par cette Fable : Paſſons deſormais à Æole.