Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - VIII, 17 : Des Alcyons Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Images : BnF, Gallica
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
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Des Halcyons.

CHAPITRE XVII.

Genealogie de Halcyon femme de Ceyx.HALCYON fut fille de Canobe & de Mæole, ou d’Æole, comme dit Lucian au dialogue de Halcyon, ſuyuant le teſmoignage d’Alexandre Myndien ; & femme de Ceyx Roy de Thrachynie, qui ſe voyant eſleué en dignité, puiſſant en richeſſes, & d’vne belle taille de corps, deuint tant outrecuidé qu’il oſa bien s’egaler aux Dieux immortels, s’appellant Iupiter, & ſa femme Iunon. Or d’autant qu’vn ſien frere auoit nouuellement eſté mué en eſperuier, il luy prit enuie de s’aller conſeiller à l’Oracle d’Apollon ; duquel voyage ſa femme le diuertit le plus qu’elle peut. En fin ayant promis d’eſtre de retour dans deux mois au plus, elle y condeſcendit. Mais Iupiter ne pouuant ſupporter l’enorme outrecuidance de Ceyx, luy ſuſcita vne ſi furieuſe tourmente allant à Delphes, que luy & tous ceux de ſa compagnie perirent par naufrage. Cependant Halcyon faiſoit inceſſamment des vœux, des prieres, & des ſacrifices aux Dieux pour l’heureux voyage & proſpere retour du Roy ſon mary. Et voyant le terme des deux mois expiré, ſe tranſportoit tous les iours ſur la greve pour voir s’elle pourroit deſcouurir la venuë d’iceluy. Adonc Iunon meuë de compaſſion, luy enuoya de nuict vne viſion ſous la ſemblance de Ceyx, qui luy repreſenta toute ſa deſconuenuë. Elle y adiouſtant foy, s’en courut à ſon reſueil vers vne haute roche auancee ſur la mer, & là faiſant ſes doleances & complaintes, apperceut de loing vn corps flotant ſur l’eau, que les ondes pouſſoient droit au riuage. Neantmoins elle n’eut pas la patience de le reconnoiſtre de plus prés ; ains s’eſlança au deuant, les bras eſtendus pour l’embraſſer. Tranſmuee en oyſeau de ſon nom.Mais les Dieux induits à commiſeration ne permirent pas qu’elle cheuſt dans la mer ; car ainſi ſuſpenduë qu’elle eſtoit en l’air toute pleine de vie, la tranſmuerent en vn oyſeau de ſon nom : & ſon mary pareillement, qu’ils r’animerent aux baiſers de ſa femme ; luy en maſle ; elle en femelle, generalement appellez Halcyons, & particulierement le maſle Ceryle ; la femelle, Damar. Lucifer & Thetis deſployerent principalement leur miſericorde en cette metamorphoſe. Deſcription des Halcyõs.Ces oyſeaux (dit Pline au 10. liure cha. 32.) ſont vn peu plus gros qu’vn moineau, de plumage preſque tout azuré, horſmis quelques plumes incarnates & blanches, entremeſlees par endroits ; le col long & greſle : ſi charitables au reſte, que quand la vieilleſſe ſurcharge & appeſantit le maſle, le rendant inutile au trauail, la femelle en prend le ſoing, le ſouſtient & l’alimente, le porte ſur ſon dos çà & là, & luy aſſiſte iuſques à la mort. Or Halcyon muee en cet oyſeau, ſe print incontinent à pondre : & parce que ſes œufs alloient ſans ceſſe flottans ſur l’eau à cauſe de la tourmente, Iupiter en ayãt compaſſion, luy octroya l’eſpace de 14. à 15. iours au milieu de l’hyuer, appellez Halcyoniens, à ſçauoir ſept deuant la Brume, & autant aprés (c’eſt le Solſtice d’hyuer, le plus court iour de l’an, enuiron l’onzieſme de Decembre) durant leſquels elle pourroit pondre, couuer & eſclorre, en laquelle ſaiſon encore qu’il deuſt naturellement faire vn rude & dangereux temps ſur la mer, neantmoins elle ſe rend toute bonace en faueur des Halcyons, deſcendus iadis de la race d’Æole, Roy des vents, on les nomme communément Martinets peſcheurs, mais peut eſtre abuſiuement. Ils font leurs nids auec vne admirable induſtrie, durant les ſept premiers iours dudit Solſtice & ponnent les autres ſept d’aprés : Leur induſtrie admirable.leſquels nids ſont façonnez en forme d’vne petite naſſe à peſcher ou pelote vn peu eminente, l’entree fort eſtroitte, & le baſtiſſent ſur des eſcailles de ces poiſſons qu’on appelle Aiguilles de mer, & n’y laiſſent d’ouuerture ſinon autant qu’il leur en faut pour entrer dedans. Plutarque qui en a veu & manié pluſieurs en ſon temps, penſe que ce ſoient des areſtes de quelque poiſſon, qu’ils conjoignent & lient enſemble, les entrelaſſans : les vnes de long, les autres de trauers, y adiouſtans des courbes, & des arrondiſſemens : tellement qu’en fin ils en forment vn vaiſſeau rond, preſt à voguer, puis quand ils ont paracheué de le conſtruire, ils le portent au battement du flot marin, là ou la mer le battant tout doucement, leur enſeigne à radouber ce qui n’eſt pas bien lié, & à mieux fortifier aux endroits où ils voyent que leur ſtructure ſe deſment & ſe laſche pour les coups & heurtemẽs de la mer : & au contraire ce qui eſt bien ioinct, le battement de la mer le vous eſtreint & ſerre de ſorte qu’il ne ſe peut ny rompre ny diſſoudre, ou endommager à coups de pierre ny de fer, ſi ce n’eſt à toute peine. En cela voyons nous vn ſingulier priuilege que Dieu a donné à ces oyſeaux, voulant que toute la mer ſoit arreſtee, affermie & applanie, ſans vagues, ſans vents & ſans pluye, cependant que l’Halcyon faict ſes petits : & par ſon priuilege nous auons ſept iours & ſept nuits, au cœur de l’hyuer eſquels nous pouuons nauiger ſans peril. Au demeurant on dit que les maſles ſont ſi paillards qu’encores qu’ils ſoient vieux par delà ſe pouuoir plus remuer, toutefois ils meurent appariez auec leurs femelles. Si ne faut-il oublier ce qu’en dit Hegeſander en ſes commentaires ; que les Halcyons furent filles du Geant Halcyonee, leſquelles apres la mort de leur pere ſe precipiterent dans la mer, & furent par Amphitrite trãsformees en oyſeaux de leur nom. Voicy ſes paroles : Le geant Halcyonee eut pour filles, Phthonie, Anthe, Methone, Alcippe, Palene, Drimo, Aſterie ; leſquelles apres le decez de leur pere monterent ſur le haut Canaſtre promontoire de Pallene, & s’eſlancerent en la mer. Mais Amphitrite les tranſmua en oyſeaux, & du nom du pere les nomma Halcyons, mot compoſé de hals, c’eſt à dire la mer ; & de kyein, enfanter.

Mythologie des Halcyõs.Voila touchant les Halcyons. Quant à ce qu’on raconte de ces oyſeaux-là, il le faut entendre comme de la nature d’iceux qui concerne leur couſtume : pour le regard des iours Halcyoniens, il ne s’en faut pas beaucoup eſtonner, pource que durant les Solſtices on ne void gueres auenir de changemens de temps. Car quand toutes choſes ſont venuës à leur perfection & comble, elles commencent à perdre de leur vigueur, & ont quelque temps de repos : ce que nous voyons auenir és fleches & pierres eſlancees en l’air, lors qu’elles viennent à prendre le commencement d’vn autre mouuement pour rechoir. C’eſt doncques pour humilier l’arrogance des orgueilleux qu’on dit que Ceyx tumba en ſi piteux eſtat, ne ſe pouuant comporter modeſtement en ſa proſperité. Car Dieu bien ſouuent a renuerſé les hommes du plus haut grade de leur felicité à cauſe de leur orgueil & fierté, eſleuant les humbles & debonnaires par deſſus tous autres. Ainſi doncques les Anciens ont inuenté cette Fable pour ne nous enorgueillir point ny des commoditez de la vie preſente, ny de noſtre nobleſſe, ny de noſtre force ou puiſſance, ny de noſtre beauté, ou autres graces que Dieu nous aura donnees, veu que ce ne ſont que qualitez, leſquelles Dieu nous preſte pour vn temps ; & pour nous faire entendre qu’il n’y a ſi ferme ne ſi grande felicité que Dieu ne puiſſe quand il luy plaira tournebouler en vn clain d’œil. Diſcourons cy-aprés d’Aſope.