Des Cyclopes.
CHAPITRE IX.
Les Cyclopes, ainſi nommez de kyklos, qui ſignifie vne figure orbiculaire, ou ronde ; & de Ops, œil, ou veuë, pour ce qu’ils n’auoient qu’vn œil placé au milieu du front, furent fils du Ciel & de la Terre, teſmoin Hesiode en sa Theogonie :
Puis la terre engendra la trouppe forgeronne, Bonte, Sterope, Argés le fier, race felonne, Qui battent au marteau les tonnerres grondans, Armes de Iupiter, & les foudres ardans, Au reſte eſgaux aux Dieux : mais ils n’auoient en face Qu’vn œil chacun au front aßis en ronde maſſe. Et pource que leurs yeux eſtoient ainſi formez En cycle, ou rond, Cyclops ils furent ſurnommez.
Toutefois Euripide és Cyclopes les fait fils du Dieu marin, à ſçauoir, de Neptun ; mais il y a apparence que c’eſt ſuiuant la raiſon ailleurs alleguee, que les gens d’vn naturel barbare & cruel, ſont ordinairement qualifiez de tel tiltre. Entre iceux, qui eſtoient iuſques au nombre de cent, Polypheme eſtoit le plus robuſte & de plus grande taille que tous les autres. Quant à ſes parents, on ne ſçait bonnement quels ils furent. Apollonius au premier liure des Argo-Nauchers dit que Polypheme, homme de monſtrueuſe taille, fut fils de Neptun & d’Europe, fille du Geant Titye ;
Ce faict, voicy venir Polypheme, Cyclope LLe plus viſte de tous, que Neptun eut d’Europe. LOn l’euſt veu voltiger ſur le dos de la mer LQuand l’orage luy fait ſes boüillons eſcumer, LEt tracer vn chemin d’vne carriere iſnelle, LSans moüiller qu’vn bien peu de ſon pied la ſemelle.
Andro Teïen & Poſſidonius font Polypheme fils d’Elatas, & de la Nymphe Stilbé : Conon en ſon Heraclee, d’Elaſis & d’Amymoné, Homere au premier de l’Odyſſee, de Neptun & de la Nymphe Thooſe. Au reſte que les Cyclopes n’euſſent que chacun vn œil, Apollodore le declare ainſi au premier liure : Aprés ceux-cy la Terre engendra du Ciel les Cyclopes, Harpe, Sterope, Bronte : chacun deſquels auoit vn œil au front.
Callimache au bain de Diane eſcrit qu’ils faiſoient leur reſidence en l’iſle de Lipare, qui eſt l’vne de celles d’Æole, laquelle eſtoit iadis nommee Meligunis. Là eſtoient les forges & enclumes de Vulcan, ſur leſquelles les Cyclopes auoient ſans ceſſe quelque ouurage à forger. Euripide en ſon Cyclope ſemble faire les autres Cyclopes enfans de Polypheme, l’introduiſant ainſi parlant :
Ie voy ia mes enfans qui gardent leurs troupeaux.
Il faiſoit ſa retraite en vne grotte, & nourriſſoit grande quantité de beſtial qui paiſſoit és montagnes de Sicile. Onaſus au premier liure des geſtes des Amazones eſcrit qu’il auoit eſpouſé Latonomé, ſœur d’Hercule, fille d’Amphitryon & d’Alcmene. Leurs viures eſtoient des fruicts que la terre produiſoit, & n’auoient aucunes loix, ſuiuant le teſmoignage d’Homere au 9. liure de l’Odyſſee : ils n’auoient que faire de paſſer la charruë à trauers leurs terres, ny de leur commettre de la ſemẽce en depoſt : la terre de ſon bon gré & propre mouuement leur produiſoit de l’orge, du froment, des raiſins, & autres fruits que Iupiter venoit aſſaiſonner d’vne pluye ſouëfue & agreable. Ils ne connoiſſoient ny parquet ny barreau, ny palais ny plaidoyé, ny procés ny droict, ou couſtumier ou ciuil ; vne femme, vn enfant pouuoit appointer leurs differends. Polypheme ayma Galathee, Nymphe marine, fille de Neree & de Doris, ſuiuant le teſmoignage de Theocrite en ſon Cyclope ; mais cette creance veint de ce que Philoxene Cytherien ayant veu que le Cyclope auoit baſty & dedié vn Temple à ladite Nymphe, n’en ſçachant pas le ſujet, ſe fit acroire, & à d’autres auſſi, que Polypheme auoit faict l’amour à Galathee, & que pour cette cauſe il auoit dedié ce Temple en l’honneur & memoire de ſa Dame, comme eſcrit Alcime au 3. liure de l’hiſtoire de Sicile. Mais comme la Nymphe preferoit au Cyclope vn beau ieune berger nommé Acis, il tua ce mignõ , ſien corriual auec vn gros quartier de pierre qu’il arracha d’vn rocher. Les Dieux marins ayans pitié de l’auenture du ieune homme, le tranſmuerent en vne riuiere de meſme nom, (les autres diſent en vne fontaine) qui deſcendant du Montgibel ſe va deſcharger dans la mer de Sicile. Toutefois Bacchylide eſcrit que Polypheme n’ayma pas ſeulement Galathee : mais auſſi qu’il en eut vn fils qui fut nommé Galathe, les autres luy en adiouſtent encore quatre ; Celte, duquel deſcendirent les Celtes, peuples de la Gaule cheueluë, habitans au cœur de la France, entre la Garonne & la Seine : Illyre, duquel deſpendoient les Illyriens, auiourd’huy Sclauons : Henet, qui ſuiuant l’opinion de quelques-vns ſe veint habituer vers la mer Adriatique, & de ſon nom, changeant la premiere lettre en V, la contree fut dicte Veniſe : & Paphlagon, qui donna nom à la Paphlagonie, Prouince d’Aſie la mineur, parmy leſquels habitoient les anciens Henetes, deuant qu’ils ſe tranſportaſſent là où eſt à preſent Veniſe ; toutefois les autres diſent que Paphlagon fut fils de Phinee, Roy de Paphlagonie. Dauantage quelques-vns veulent dire que Hylas fut mignon, non d’Hercule, mais bien de Polypheme. Item les Cyclopes baſtirent la ville de Tyrins en la Moree, les murailles de laquelle eſtoient baſties de ſi gros quartiers de pierres que deux cheuaux attellez n’en euſſent peu trainer ſeulement la moindre, teſmoin Pauſanias és Corinthiaques. Quelques-vns eſtiment auſſi qu’ils baſtirent les fortes murailles de Mycene, que ceux d’Argos ayans donné la chaſſe aux Myceniens ne peurent abatre. Polypheme Prince des Cyclopes.Or Polypheme eſtoit le Prince & plus apparẽt des Cyclopes, homme non ſeulement ſauuage & felon, mais auſſi du tout brutal & inconſidéré, qui s’amuſoit quelquefois à deuiſer auec ſes brebis, cõme dit Ciceron au 5. des diſputes Tuſculanes. Luxurieux.Luxurieux & laſcif au poſſible ; qui meſme appelloit ſes beliers heureux, pource qu’ils pouuoient ſaillir la premiere brebis qu’ils rencontroient. I’ay dit qu’il eſtoit brutal & inconſideré ; car qui pourroit qualifier du nom de ſage celuy qui penſeroit que la felicité de l’homme conſiſtaſt en vne ſale & orde laſciueté ? Et celuy qui plongé entre des flaſcons & des bouteilles de vin, ou qui farciſſant ſes tripes d’vne quantité deſmeſuree de viures deſtinez par nature pour la conſeruation & nourriture des corps, s’eſtime bienheureux quand il a le ventre bien remply, & que l’yureſſe (le plus deteſtable vice qui ſoit) l’atterre : ne le faut-il pas nombrer entre les beſtes brutes pluſtoſt qu’entre les hommes ? Or que peut-on imaginer de plus difforme que de voir vn ſi grand & prodigieux corps de Polypheme eſtendu tout de ſon long dans ſa cauerne, deſgorgeant parmy ſon vin de gros lopins & quartiers d’hommes par luy deuorez, ſoüillant par vn hideux & vilain vomiſſement, ſa poitrine, ſa barbe puante, infecte, & luy-meſme ſe veautrant & tantoüillant parmy ſon vomiſſement ? Auſſi ſon impudence & yurongnerie conuiennent fort bien au meſpris des loix, d’equité, voire des Dieux & de toute l’impieté qu’Homere luy attribuë, l’introduiſant ainſi reſpondant à Vlyſſe priſonnier en ſa grotte :
Tu n’es pas ſage, ou bien tu viens d’eſtranges lieux, Qui m’auertis de craindre & reuerer les Dieux. Les Cyclopes n’ont point appris cette habitude De trembler ſous leur main, ny ſous l’ægide rude De Iupiter leur Roy, non : car en vn beſoing Nous les dejetterons de leur ſiege bien-loing. Ie ne flechiray point mon cœur à ta requeſte Pour eſpargner de toy ny de tes gens la teſte, Sinon que ie vueille eſtre enuers toy gracieux, Non point pour éuiter la cholere des Dieux.
Or celuy qui ne veut entendre raiſon, qui n’a cure aucune ny de Dieu ny des hõmes , qui ne craint ny loy ny iuſtice, il ne faut trouuer eſtrange s’il met toute ſa felicité au cõtentement de ſon ventre. Mais outre cette enorme diſſolution de gueule, il eſtoit ſi fier & ſi arrogant, que ſans aucunement reſpecter la largeſſe & bienfaicts de Dieu, ny la benignité du Ciel enuers les hõmes , il ſe vantoit dans Euripide de contraindre la terre à luy rapporter ce qui luy eſtoit neceſſaire, cõme ſi la ſeule diligence de l’hõme eſtoit ſuffiſante pour rẽdre les terres fertiles.
La terre me doibt, vueille ou non, Fournir de paſture à foiſon Pour mes oüailles que i’engraiſſe, Non pour quelque diuin’hauteſſe. Ie ne fais offrande ne vœux Fors qu’à moy ſeul, non point à ceux Qu’on tient pour Dieux, & à ma Pance, Demon de plus grande puiſſance Qui ſoit au celeſte pourpris. Le Iupin des gens bien appris, N’eſt que de faire bonne chere Iour & nuict ſans ſoing, ſans affaire. Quant à ceux qui veulent orner Les hommes de loix et borner La façon qu’ils doiuent enſuiure, Qu’ils ſe lamentent en leur viure. Ie veux poſſeder quant à moy Mon ame loin de ton eſmoy.
Mais toutefois cette importune outrecuidance a finalement ſenty la main & vengeance diuine ; car aprés que Polypheme eut deuoré quelques-vns des compagnons d’Vlyſſe paſſant par là : il experimenta le dire de Theoguis veritable :
Qui trompe les paſſans ou bien l’humble priere De l’affligé ne peut en aucune maniere Deceuoir les grands Dieux.—
Aueuglé par Vlyſſe.Et de faict celuy qui cheminoit à pied tout à trauers de la mer ſans y moüiller la ceinture, qui ne tenoit conte de Iupiter ny de toute la troupe celeſte, qui penſoit commander ſur la terre vniuerſelle, qui n’auoit ſoucy de la douceur & benignité du ciel, le voicy deſpoüillé d’vn pauure œil qu’il auoit, par l’aſtuce d’vn homme de petite taille, Vlyſſe ; & pourtant ceux qui par temerité s’eſleuent outre leur deuoir & condition, ils ſont en fin contraints de ceder non ſeulemẽt au conſeil & volonté de Dieu, mais auſſi à ceux leſquels ils ont iadis nazardé. Apollodore au 1. liu. des Dieux eſcrit, que les Cyclopes fraiſchement nez furent abyſmez au tartare, puis aprés par le moyen de Iupiter, & par l’interceſſion de la Terre, pource qu’elle luy auoit predict la victoire qu’il obtiendroit contre ſon pere, ils furent remis en liberté aux deſpens de la vie de Campé, qui les auoit en garde. Pourquoi les Cyclopes ſont eſtimez forgerons.Alors ils firent preſent à Mars d’vn habillement de teſte, tel que quiconque s’en armoit, perſonne ne le pouuoit deſcouurir : à Iupiter des tonnerres, des eſclairs, des foudres, pour eſtonner & tenir en ceruelle tout le monde : à Neptun, du trident, pour commander toutes les eaux qui ſont ſous le ciel. Voila pourquoy les Cyclopes ont la reputation de forger à Iupiter les foudres quand il en a beſoin, entre leſquels les principaux forgerons ſont ; Bronte, Sterope, & Pyracmon, tenans leur boutique au Montgibel en Sicile, comme le teſmoigne Virgile au huictieſme de l’Æneide :
Du haut ciel deſcendit icy le Dieu flammeux. Le fer remanioit au creux antre fumeux Des Cyclopes noircis la mareſchale trope, Bronte, & aux membres nuds Pyracmon, & Sterope. Rude encor ils auoient entre les mains forgeurs Ia poly en partie vn des foudres vengeurs, Qui ſouuent Iupiter du Ciel en terre iette. Vne partie encor en reſtoit imparfaite. Trois raiz d’aqueux nuage, et trois de feu brillant Ils auoient adiouſtez, trois de l’Auſtre volant, Et trois de torſe pluye, à l’œuure ils mettoient ore Les eſclairs foudroyans, le Bruit, la Peur encore, Et l’Ire auec ſes feux qui cheminoit aprés.
Voyez liure 4. chap. 10.En fin pource qu’ils auoient forgé le foudre par lequel Æſculape fut occis & conſumé, Apollon indigné de la mort de ſon fils leur fit vne cruelle guerre, & les tua tous à grands coups de fleches, qui fut le rincipal ſuiect de ſon banniſſement des cieux, comme nous auons declaré en ſon endroit.
¶Mythologie hiſtorique des Cyclopes.Or voila les fabuloſitez que les Anciens nous ont appriſes touchant les Cyclopes : tirons en maintenant la verité. Nous auons dict cy-deſſus, que toutes les feintiſes fabuleuſes ſont fondees ſur quelque verité, ou apparence de verité ; comme pour exemple ce que nous auons ouy d’Æole, qu’il a iadis regné és iſles voiſines & contigues de celles de Lipare. Pareillement Scylle & Charybde ont eu le bruit d’engloutir les paſſans, non ſeulement pour les cauſes ſuſdites, mais auſſi pource que toute cette coſte-là eſtoit fort affligee de corſaires & de voleurs qui deſtrouſſoient les vaiſſeaux paſſans. Auſſi dit-on que les Læſtrygons & Cyclopes, voiſins du Mont-gibel eſtoient hommes barbares, inhumains, malfaiſans, voleurs, & fort outrageux aux eſtrangers. Mais pource que Dieu ne laiſſe aucun forfaict humain longuement impuny, afin que Polypheme ſouffriſt vne plus longue punition de ſes demerites & cruautez, Dieu n’inſpira pas Vlyſſe de luy coupper la gorge, quoy qu’il en euſt bien le moyen (c’euſt eſté trop peu paty pour vn ſi meſchãt & deteſtable gourmand) mais bien de luy creuer cet œil vnique & monſtrueux qu’il auoit. Les Poëtes le depeignent auec vne eſtrange cruauté, & remply d’vne impieté du tout incroyable deuant qu’il euſt receu tel ſupplice ; furieux par maniere de dire en amour, vaincu d’yurongnerie, enclein tout ce qui ſe peut dire à toutes les voluptez de ſa chair, & tres-malauiſé ; comme ainſi ſoit que perſonne ne puiſſe eſtre en meſme temps mauuais & ſage. Neantmoins les autres ayment mieux rapporter cette Fable aux raiſons naturelles, diſans que les Cyclopes ſont les vapeurs engendrans les foudres, les eſclairs, & les tonnerres. On les fait fils du ciel & de la Terre, d’autant que les vapeurs ne ſe peuuent eſleuer de terre, ny ſe ſubtilier en air, que par le moyen de la chaleur celeſte. Et pource qu’il en ſort grande quantité des eaux ainſi ſubtiliees, c’eſt à bons tiltres que le Cyclope Polypheme eſt dict fils d’Europe ou de la Terre, & de Neptun. Sa mere eſt nommee Stilbé, nom qui vaut autant comme reſplandiſſante ou brillante : ou bien Thooſe, c’eſt à dire, viſte & courante, parce que les vapeurs montent en abondance & viſteſſe lors que les foudres ſe preparent. Ils demeuroient (dit-on) au Montgibel en Sicile, montagne abondant en feu, pource qu’ils ne ſe font que durant les chaleurs, puis le froid les entaſſe en vn & les pouſſe du ciel en bas. Les trois principaux forgeurs des foudres de Iupiter eſtoient Harpe, Bronte, & Sterope : d’autant que Harpe eſt celuy qui rauit à ſoy les vapeurs ; au lieu duquel les autres ſubſtituent Pyracmon ; & Polypheme (cõme le nom le montre) ſignifie vn grand bruit, & Pyracmon vn grand feu. Car s’il ne s’y rencontre grande quantité de feu, & de vapeurs, il ſe fait bien des eſclairs & tonnerres, mais les foudres ne ſe peuuent faire ny former par le defaut de quelqu’vn de ces trois miniſtres. Bronte vient de Brontân, c’eſt à dire tonner. Sterope eſt l’eſclair & ce brillement qui precede les foudres. Et pource que telles choſes ſe font en l’air à l’endroit des foudres, les Anciens ont mis en auant cette Fable pour expliquer ce qui ſe faict là haut ; car c’eſt autant comme s’ils euſſent dit : Les vapeurs de l’eau & de la terre extenuees s’eſleuent & montent en haut par la vertu de la chaleur, c’eſt à dire du Soleil ; leſquels venans à s’eſpaiſir en deſrompant cette chaleur, produiſent des tonnerres, des eſclairs & des foudres, qui de la plus haute region de l’air, qu’on appelle Iupiter, ſont pouſſez & iettez ça-bas. On dit que leur pere les enfondra toſt aprés leur natiuité dans l’abyſme du tartare, puis Iupiter les fit remonter au monde ; pource que durant l’hyuer la chaleur attire les vapeurs ſous la terre en bas, où la rigueur du froid les retient : mais Iupiter les appellant, c’eſt à dire, l’air temperé & bien diſpoſé, ils ſont deliurez du tartare, & remis en liberté, au prix de la vie de Campé, ou pluſtoſt la glace & la crouſte de la terre venãt à ſe fondre & liquefier. On nous conte que Polypheme fut par l’aſtuce d’Vlyſſe vaincu, luy qui auparauant tenoit tout le monde en ceruelle, & ſe faiſoit craindre par tout : d’autant que la prudence des hommes a deſcouuert les ſecrets de la nature, que l’on a de couſtume trouuer admirables & pleins de frayeur deuant qu’on connoiſſe leurs effets, comme eſtoient les eclipſes deuant que Thales Mileſien euſt deſcouuert la nature & cauſe des defauts du Soleil & de la Lune, lequel ce faiſant oſta vn grãd ſcrupule du cerueau des hommes, & les deliura d’vn eſtrange eſtonnement qui leur ſaiſiſſoit le cœur en tels euenemens. Cependant telle eſtoit la folie & eſtourdiſſement d’eſprit de ces pauures Payens, qu’ils dedierẽt vn Autel aux Cyclopes, ſur lequel ils leur ſacrifioient, & leur decreterent des ſeruices diuins, comme dit Pauſanias és Corinth. pourquoi les Cyclopes occis par Apollon.Enfin Apollon tua les Cyclopes pour la mort de ſon fils ; parce que les vapeurs ſe congregent par la vertu du Soleil ; car les Cyclopes ſont les vapeurs deſquelles ſe font les foudres, les vents, les pluyes, ainſi nommees pource qu’elles vont touſiours piroüettans en rond, que les Grecs appellent cyclos ; car quelquefois elles montent rarefiees par la force du Soleil : quelquefois elles s’eſpaiſſiſſent en pluyes, & tournoyans ſe conuertiſſent en Elemens, deſquels Lucrece parle ainſi au troiſieſme liure :
Et font en premier lieu qu’en vent le feu deuient, Dont s’engendre la pluye, & que d’icelle vient La terre ; et de rechef chaque choſe retourne De terre, l’humeur, l’air & le chaud qui l’entourne.
Voila quant aux Cyclopes : diſons de Lycaon.