Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - IX, 21 : De Momus Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Images : BnF, Gallica
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De Momus.

CHAPITRE XXI.

Ordinaire des inutiles & gens de neant.Mome fils du Sommeil & de la Nuict, ſelon le teſmoignage d’Heſiode en ſa Theogonie, ne faiſoit aucune œuure de ſes doigts, mais comme tres-mordant & clairvoyant és affaires d’autruy, faiſoit profeſſion de controoler & reprendre les actions des autres Dieux & hommes ; & s’il y deſcouuroit quelque defaut il le brocardoit fort librement, cõme de fait ayant eſté choiſi pour iuge des chefs-d’œuure de Neptun, Vulcan & Minerue, il n’en trouua pas vn accomply. Car Neptun ayant faict vn taureau, Minerue vne maiſon ; & Vulcan vn homme, il trouua quelque choſe à ſyndiquer en tous ; pour cette cauſe les Grecs le nommerent Mômos, c’eſt à dire reprehenſion. Lucian dict qu’il reprenoit l’ouurier du taureau, de ce qu’il ne luy auoit pluſtoſt mis les cornes au deuant des yeux : & ſelon le teſmoignage d’Ariſtote au troiſieſme liure des parties des animaux, il tançoit Nature d’auoir planté les cornes des taureaux ſur la teſte pluſtoſt que ſur les eſpaules ; car ſi elles euſſent eſté placees ſur les eſpaules, quand ils viennent à s’entrechoquer, ils heurteroient auec beaucoup plus de force. Pareillement il reprit Vulcan de ce qu’en la fabrique de ſon homme il auoit oublié le plus neceſſaire, de preuoir la pepiniere des dols & des fraudes qui germeroient dans la poitrine cloſe de ſa creature : & que la beſongne euſt beaucoup mieux valu s’il luy euſt faict vne feneſtre, par laquelle on peuſt voir ce que chacun a dans ſon courage, & quand il dict verité ou menſonge. Quant à la maiſon de Minerue, il la blaſma de ce qu’elle n’eſtoit pas faicte en facon de meule à bras, afin qu’on la peuſt aiſément rouler & tranſporter quand on auroit vn mauuais voiſin. Semblablement il trouuoit à redire en Venus, que quand elle marchoit ſes patins menoient trop de bruit. En vn mot toute ſon autorité & licence giſoit à contrerooler les œuures & beſongnes d’autruy, & pour cette raiſon les Poëtes le qualifient du ſurnom de Stygien, comme qui diroit odieux, d’autant que tous les autres Dieux & hommes le hayſſoient.

¶Ils le font fils du Sommeil & de la Nuict, pource qu’il faiſoit l’office d’vn faineant & malauiſé, & d’vn cerueau ſans iugement ; d’autant que c’eſt choſe humaine de pecher ou faillir quelquefois, Dieu ſeul eſtant parfaict & de tous poincts accomply en ſes œuures, & celles des hommes touſiours manques & imparfaictes de quelque partie ; mais ceux, non qui ſe trouueront entiers & ſans replique, veu qu’il ne s’en void point de tels, ains qui plus prés approchent de la perfection & integrité, ſont dignes d’eſtre mis au rang des gens de bien. Intentiõ des Anciens en la Fable de Momus.Or pour expliquer l’intention de cette fabuloſité, les Anciens ont voulu ſignifier, qu’il n’y a choſe humaine, ny bonne ny mauuaiſe qui ſe puiſſe entierement garantir de la meſdiſance & calomnie des mal-vueillans, attendu que Dieu meſme, fondement & autheur de nature, tres-bon & tres-ſage, n’a pas eſté exempt de l’impoſture des calomniateurs. Ils vouloient doncques dire que l’homme de bien ne ſe doit point ſoucier des médiſans ou gens oyſifs, autrement il ne faudroit rien entreprendre de vertueux ny d’honorable. Auſſi puis que celuy qui taſche à s’accommoder pluſtoſt à l’opinion du commun & ignorant vulgaire, qu’à ce qui eſt de iuſtice & d’integrité, eſt ſans doute vn pauure & miſerable iuge ; ie me ſuis dés long-temps reſolu de ſecouer l’oreille à tout ce que les ignorans & de mauuaiſe volonté voudront cageoler. Car i’ay touſiours faict eſtat que c’eſt le deuoir d’vn galant & ſage homme, de ne s’eſtonner aucunement ny s’offenſer des iniures & calomnies des ſots, enuieux & mal-veuillans.