Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - X [20] : Des rivieres Infernales Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Images : BnF, Gallica
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

Des riuieres Infernales.

OR afin qu’il fuſt euident que l’integrité & innocence eſt non ſeulement fort duiſible durãt la vie de l’homme pour bien viure & en repos de cõſcience ; mais auſſi que c’eſt vn tres-certain & agreable ſaufconduit & paſſeport à ceux qui ſont preſts de rendre l’eſprit, de porter ce teſmoignage en leur ame d’auoir veſcu ſaintement & ſelon Dieu ; ils ont enſeigné que les defuncts eſtoient effrayez de diuerſes terreurs & dangers, & qu’il y auoit és Enfers des monſtres appareillez à les bourreler ſelon la qualité de leurs fautes commiſes. L’onde de la riuiere d’Acheron emportoit auec vn eſtrange bruit les ſcelerats, pource que la conſcience & memoire des vilainies, cruautez & autres malefices tourmente merueilleuſement l’ame preſte à ſortir de ſa priſon corporelle. C’eſt ainſi qu’ils ont voulu ſignifier que nous deuons conformer noſtre vie, en ſorte que la reſſouuenance du temps paſſé conſole nos ames quand nous ſerons en l’article de la mort, les certifiant auec verité d’auoir veſcu en innocence & integrité, & nous donne l’aſſeurance de nous pouuoir preſenter la teſte leuee & ſans vergogne deuant le ſiege de ces rigoureux Iuges infernaux. Mais quiconque auoit mené vne vie diſſoluë & criminelle, il trauerſoit auec pleurs & lamentations les riuieres deſcrites en ſon lieu. Car ſous cette fiction ils ont exprimé les ſoucis & chagrins attriſtans voire bourrelans les conſciences à l’article de la mort, pour deſtourner les ſuruiuans de toutes maluerſations. Et dés que les treſpaſſez arriuoient ſur le bord deſdites riuieres, s’il ſe trouuoit quelque ame qui fuſt là deſcenduë par quelque moyen illegitime, à laquelle on n’euſt rendu le dernier deuoir, elle auoit tout loiſir de ſe proumener deuant qu’eſtre receuë en la barque de Charon. Mais toutes celles qui eſtoiẽt touchéees d’vne vraye repentance de leurs pechez, & colloquoient toute leur eſperance en la clemence & bonté de Dieu, il les paſſoit volontiers. Tout cela ne tend qu’à nous rendre gens de bien ; comme ainſi ſoit que la preud’hommie eſt ordinairement accompagnee de ioye, de contentement en l’ame, & de confiance : & combien que nos forces ſoient trop debiles pour atteindre à ce poinct, toutefois quand nous y apportons vne bonne volonté, Dieu ſupplee à nos imperfections & à nos defauts.