D’Orion.
DAuantage pour expliquer la generation des elemens, des vents, & de ce qui s’engendre és regiõs de l’air, ils ont introduit Orion fils de trois peres, lequel n’eſt autre choſe que la matiere des vents, des pluyes, des foudres & tonnerres. Car les ſemences de toutes choſes ſont contenuës en la mer, parce que toutes choſes ſont faites & conſtruites de tous les elemens ; mais cela ſe void plus manifeſtement en la mer, d’autant qu’à veuë d’œil on deſcouure l’eau par la vertu du Soleil ſouffrir mutation. La vertu d’Apollon, c’eſt à dire du Soleil, attire les vapeurs de l’eau, & les extenuant non ſans quelque eſprit qui les guide, les eſleue en l’air. Que Iupiter ſoit l’air, nous l’auons aſſez ſouuent expoſé ; & Neptun cet eſprit qui ſe proumene ſur les eaux. Et d’autant que la plus deliee partie de l’eau eſt celle qui ſurnage, on dit qu’Orion impetra de ſon pere de pouuoir cheminer ſur les eaux. Cette matiere s’eſpand emmy l’air : & dés qu’Orion attente de violer Aërope, on le bannit les yeux creuez hors de la region : car il faut neceſſairement que les vapeurs paſſent à trauers l’air, & qu’elles montent iuſques au plus haut & la matiere des pluyes & autres meteores s’eſpandant par ce lieu-là, ſent que la premiere vertu du feu s’affoiblit peu à peu. Et pour exprimer le mouuement circulaire & la generation des Elemens, ils ont dict que Vulcan le recueillit, & le fit cõduire vers le Soleil, qui luy fit recouurer la veuë, puis il s’en retourna en l’iſle de Chio : d’autant que les vapeurs attirees par la chaleur montent en haut, puis aprés par vne antiperiſtaſe, c’eſt à dire par le froid qui les entoure, emmoncelees derechef & raſſemblees en la plus haute region de l’air qu’elles peuuent atteindre, ſe verſent en pluye, & d’autant que cela ſe faict par les effects de la Lune, ils ont forgé qu’Orion preſuma tant que d’attenter contre Diane, & que pour cette cauſe elle l’acrauanta à grands coups de fleches. Car il nous ſemble que les vapeurs atteignent iuſques à la Lune, la force de laquelle ſert comme de leuain pour paiſtrir les vapeurs & faire leuer les pluyes, ainſi que les autres Planetes auancent ou retardent ſa force. Or qu’Orion ait eſté pris pour la matiere des pluyes, cela ſe verifie de ce qu’ayant eſté tranſmué en ſigne celeſte, il nous ſuſcite encore pour le iourd’huy à ſon leuer des pluyes, des vents, tonnerres & foudres.
Expoſition Morale.
ORion ſouffrit beaucoup de maux, d’autant que les plaiſirs charnels & la cõuoitiſe de choſes raiſonnables ne peut apporter que dommage à ſes pourſuiuans. Puis aprés cette Fable tend à rembarrer l’arrogance humaine, car ſi tu n’as perſonne qui te ſurpaſſe en quelque art ou ſcience, & que tu deuances de beaucoup & precelles tout le reſte des hommes en quelque choſe, tu as neantmoins Dieu qui te laiſſe de bien loing en arriere, & ſurmonte ſans peine toutes les forces du monde vnies & iointes enſemble.