Mon cher vieux frangin, Je t'envoie l'informe chose intitulée "Thérèse Donati". C'est un sale bouquin, décidément, fait pour le public, et par conséquent, immonde. Si j'ai barré "roman corse" sur la première page, c'est que, réellement, c'est si peu corse que j'en suis honteux. Ce n'est pas en six ans qu'on "apprend la Corse". Je crois qu'il faudrait pour cela passer des vingt-cinq ou trente ans dans cette île excellente mais compliquée au point de vue des moeurs et idées courantes. ça change tout le temps et l'étranger se "gourre"!
Je ne suis donc pas ravi du bouquin dont je t'encombre encore une fois, mon pauvre vieux; car c'est décidément une chose bien médiocre. Comme je te l'ai dit, je voudrais bien que Humblot, Pellerin et Cie pussent en tirer 300 pages. Les bourgeois ne lisent ni les livres de 450 pages ni ceux de 270. Il leur faut 300 pages à ces..., "bas du dos", -de 300 à 370! Oui, -c'est leur taux! Quelle race! Quelle race! Mais, hélas! Je la connais!
Tu dois me trouver bien sans-gène. Voici que je t'afflige encore d'un petit tas de...matière dont Humblot, Pellerin, Ollendorff ne voudront peut-être pas.
Crois-tu qu'une revue prenne cette saloperie et m'en donne 3 ou 400 francs? Moi je ne crois pas!
C'est un bouquin jeté à l'eau, mais comme c'est un détesttable livre et que j'ai besoin de quelques centaines de francs, je marche. En temps de paix ça aurait pu faire sa "petite affaire". La bêtise du sujet aurait, peut-être, plu à l'idiot public. Mais actuellement, je serai bien content et bien fier, si, -grâce à toi, -je touche quelques fafiots bleus. (Aujourd'hui jaunes, verts et d'un rouge rose sale.)
Nous sommes toujours mal fichus, Yette et moi, dans cet abominable Ajaccio. Nous ne sommes plus malades, puisque c'est l'été, mais nous subissons le contrecoup d'un hiver et d'un printemps horribles. La guerre nous rend encore plus malheureux. Penser que qu'à chaque instant des gens plus intéressants, beaucoup plus
Pardonne-moi la vilenie de mon âme grossière et embrasse bien pour Yette et pour moi l'amie Boudette et la gentille Guezitte.
Nous t'embrassons aussi de tout coeur, comme nous t'aimons.
Ton vieux frangin,
John-Antoine Nau
Copeau de la "Nouvelle Revue Française" m'a écrit jadis une lettre gentille. Voudrait-il de mon bouquin ??????????
Tisserand m'a écrit qu'il t'avait vu et en était fort heureux. Connais-tu sa nouvelle adresse, à la campagne?
Je crois que Palandrie, fort attristé, serait heureux si tu lui écrivais un petit mot cordial comme tu sais les écrire au "Chalet du Pas de l'Ourse" Montana (Valais), Suisse.