Transcription Transcription des fichiers de la notice - 1555_<em>Qui eut jamais estimé</em>_[Epître I] Pasquier, Étienne 1555 chargé d'édition/chercheur Lagnena, Michela PARIS
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PREMIERE EPISTRE.Premiere Epistre.

QVIQui eut iamaisjamais eſtiméestimé, que telle eut eſtéesté la ſottiesottiesottised'vnun homme, de non ſeulementseulement estre fol, &et auoiravoir cognoiſſancecognoissance de ſasa folie, mais außiaussi d'apeterdésirer vivement que le monde en eut cognoiſſancecognoissance? Vrayement fault il que l'extremité de folie ſese range dans vnun tel cerueaucerveau : Et ce d'autant plus que nature nous instruit tous en general couurircouvrir nos deffauts &et pechez. Il fault certes que ieje confeſſeconfesse, que grande feut celle rage, qui s'imprima dans mon eſpritesprit, lors quelorsque luy laſchaylaschay la bride, pour me ſoubmettresoubmettre à la volunté d'vneune femme, mais toutesfois excuſableexcusable, m'eſtantestant celle faulte commune auecquesavecques tous. Maintenant qu'eſtest il de beſoingbesoing donner à entendre à vnun peuple, de quelle ſortesorte de paßiõspassions &et pointureblessure ieje feu naurénavré, ſi nonsinon pour deſcouurirdescouvrir plus apertement ma beſtiſebestise? ExcuſezExcusez pour Dieu cette faulte meßieursmessieurs, &et ne l'imputez à moy, ains à la force de mon deſtindestin, qui guide mes œuuresœuvres celle part. Et bien que pour mon regard ieje n'en attende aucun fruit, qu'vnun meſprismespris &et contemnementdédain de mon faictconduite : ſisi pourrez vous vous rẽdrerendre ſagessages par ma folie, quand recognoistrez parces lettres (diſcoursdiscours certes de mes amours) d'vneune effrenée affectiõaffection la fin s'estre cõuertieconvertie en vneune deſdaigneuſedesdaigneuse haine. C'eſtest vneune hiſtoirehistoire, m'en croyez, vneune hiſtoirehistoire de ma folie, et ne dreſſaydressayet ne composai oncques ces epiſtresepistres qu'ainſiainsi ou qu'amour, ou que deſdaindesdain les dictoit : DeſquellesDesquelles ſisi les aucunes feurẽtfeurent (peut estre) enuoyéesenvoyées, les autres non, &et les vnesunes &et les autres ſeulementseulement faites pour plaiſirplaisir, ſisi feurent elles baſtiesbasties ſoubssoubs la charge de ces deux trahiſtrestrahistres capitaines, qui à l'enuyenvyavec rivalité ont commandé ſussus mes esprits. Que pleuſtpleust à Dieu que par esbatamusement, &et non aux deſpensdespens, &et de mon temps, &et de mon corps, ieje les euſſeeusse façonnées. Pour le moins ne ſentiroysentiroy-ieje en moy l'amertume d'vnun regret : d'vnun regret dy-ieje, non point d'auoiravoir eſtéesté amoureux (ia ne plaiſeplaise à Dieu que parole ſisi mal digerée ſortesorte iamaisjamais de ma bouche) mais d'auoiravoir employé mes vœuz alendroità l'endroit de celle, de laquelle pour recompenſerecompense ieje n'ay receu que deffaueurdeffaveur. Ce neantmoins vous verrez de quelle ſortesorte ieje me ſuissuis eſperduesperdu &et idolatré en elle. Voire vous diray plus, qu'encores eſtest ce icy le moins de ce que ieje fey oncques pour elle. D'autant que iamaisjamais baſteleuxbasteleux ne feit faire plus de tourdionsmouvements qui tordent le corps à vnun Cinge, comme elle àa fait de mon eſpritesprit. ChoſeChose à la verité merueilleuſemerveilleusesurprenante, ieje ne diray point monſtrueuſemonstrueuse, qu'à la pourſuitepoursuite d'vnun obietobjet, vnun eſpritesprit ſese ſoitsoit diuerſifiédiversifié en ſisi cõtrairescontraires manieres. Or ſisi tel feut vnun tems ſonson priuilegeprivilege d'ainſiainsi ſese plaiſanterplaisanter de moy, maintenant eſtest-ce la raiſonraison qu'vſantusant quelque peu de mes droits, außiaussi ieje me iouëjouë de moy, &et m'en iouantjouant me ſubmettesubmette au langage de tous les hommes, deſquelsdesquels les aucuns me prendront parauenturepar aventure à riſéerisée, &et les autres à compaßioncompassion. Mais quant à moy, ieje proteſteprotesteje m'engage à reſſemblerressembler ceux qui ayants commis quelque faulte, qui de ſoysoy n'eſtest point pardonnable, taſchenttaschent à trouuertrouver quelque ſatisfactionsatisfaction pour vaguer nuds parmy le monde : AinſiAinsi me proſternantprosternant à vnun publicq, pour le moins penſepense-ieje acomplir le deuoirdevoir de ma penitence : laquelle ne me ſerasera point trop griefuegriefvepénible, ſisi ieje puis aperceuoirapercevoir vnun pauurepauvre amant ſeulementseulement, liſantlisant ces preſentespresentes epiſtresepistres, ſese donner telle conſolationconsolation que tout miſerablemiserable s'ordonne.