Transcription
Transcription des fichiers de la notice - 1555_<em>Tout me flatoit : Amour masqué en face_</em>[Sonnet III]
Pasquier, Étienne
1555
chargé d'édition/chercheur
Lagnena, Michela
PARIS
http://eman-archives.org
1555
Sonnet III
Tout me flatoit : Amour maſquémasqué en face Au lieu de fleche vneune fleur me dardoitme frappait comme un dard, Et en pitié ma dame m'œilladoit, D'vnun œil tenant ſasa contenance baſſebasse. Elle s'eſtoitestoit parée d'vneune grace AÀ l'auentageaventage, &et pinſantpinsant de ſonson doigt Pour m'allecher, ſursur vnun lucluth mignardoitexprimait avec grâce Tout ce qu'amour à vnun pauurepauvre amant braſſebrassetrame. Qu'euſſeeusse ieje fait ? au ſonson de ce fredonchant IeJe me laißaylaissay couler à l'habandon Sous la faueurfaveur de ſisi douce Sereine Mais malheureux, ieje ne preuoyoisprevoyois pas, Que tels acueils, ne m'eſtoientestoient qu'vnun apasce qui attire, séduit Pour me nourrir en eternelle peineDans le chant XII de l'Odyssée, Circé prévient Ulysse de la mélodie dangereuse des Sirènes : « Qui par folie se rapproche et entend la voix des Sirènes, / plus jamais sa femme ni ses enfants en bas âge / ne connaissent la joie de le voir revenir sur sa terre, / car les Sirènes le tiennent captif de leur charme sonore ». Quoique Ulysse se laisse séduire, dans un premier temps, par le chant des Sirènes, il n'y succombe pas, grâce aux indications préalablement données par Circé : « L'un après l'autre, à tous mes gens je bouchai les oreilles. / Sur le bateau ils m'attachèrent les bras et les jambes / contre le mât, et arrimèrent au mât mes entraves / […] Elles proféraient un chant merveilleux, et mon âme / désirait écouter ; j'ordonnais qu'on délivre mes membres, / […] d'un plus grand nombre d'entraves m'attachant m'enserrèrent » (Homère, L'Odyssée, trad. et éd. Philippe Brunet, Paris, Éditions du Seuil, 2022, XII, v. 41-44 ; 177-179 ; 192-196, p. 272-277). Le mythe des Sirènes est reproduit dans la poésie amoureuse du XVIe siècle. Dans un huitain des Fleurs de Poesie Françoyse (1534), attribué à Victor Brodeau, les Sirènes sont associées à la dame louée dans le poème ; elles symbolisent, par opposition aux Charites, le pouvoir maléfique de la séduction et du désir amoureux : « Trois graces de Venus, et trois belles Seraines / De blandissant regard, les hommes attirant / Avec une qui a trois beaultez souveraines, / Resident en mon cueur, et le vont martyrant » (Les Fleurs de Poesie Françoyse, Hécatomphile, éd. Gérard Defaux, Paris, Société des Textes Français Moderne, 2002, XXIII, v. 1-4, p. 65). En ce qui concerne la production des "Amours", dans les recueils de Ronsard (1552) et d'Olivier de Magny (1553) la dame aimée est identifiée, comme dans le sonnet de Pasquier, à la figure homérique des Sirènes, témoignant ainsi de la ruse d'amour : « Je veulx de miel mes oreilles boucher / Pour n'ouir plus la voix de ma Sereine » (Pierre de Ronsard, Œuvres complètes, éd. Paul Laumonier, Paris, Hachette, 1925, t. IV, Les Amours (1552), XVI, v. 3-4, p. 19-20) ; « Si douce ouys la chanson agreable / D'une Sirene en forme humaine et vive / Que m'oubliant en douceur si naïve, / Je vis ma barque en danger incroyable » (Olivier de Magny, Œuvres poétiques, éd. François Rouget, Paris, H. Champion, 1999, t. I, Les Amours, XVIII, v. 5-8, p. 73)..