AVAu SEIGNEVRSeigneur DEde RONSSARDRonssard, CONTREContre l'Amour.
LAiſſonsLaissons, RonſſardRonssard , les amours
Des humains la ſeuleseule rage,
LaiſſonsLaissons Venus &et ſesses toursfaçons d'agir, actions,
Sans que plus facions l'homage,
Que le ſotsot monde pretend
EſtreEstre deu au dieu, qui tend
Et ſonson arc &et ſesses eſpritsesprits,
Pour les nostres rendre eſprisespris :
Dieu qui prend droit ſasa viſéevisée
Au coeur, pour à vnun inſtantinstant
Le rendre le mal content,
Et du monde la riſéerisée.
Lors queLorsque ieje l’appelle dieu,
RonſſardRonssard , c'eſtest la poëſiepoësie
Qui l'àa ainſiainsi dit, au lieu
De le nommer frenaiſiefrenaisie,
FaiſantFaisant ſonson renom voler
Par la terre, puis par l’air,
Le haulſanthaulsant iuſquesjusques esdans les cieux,
Voire par deſſusdessus les dieux,
Encores qu’il n'ait eſſenceessence
Que celle que luy donnons,
Lors queLorsque nous habandonnons
Du tout deſſoubsdessoubs ſasa puiſſancepuissance.
Par noſtrenostre follie il naiſtnaist,
En elle prend ſasa paſturepasture,
Et ſanssans elle iamaisjamais n'eſtest,
Puis augmentant ſasa nature,
Petit à petit s’accroiſtaccroist,
Et de telle ſortesorte croiſtcroist,
Que ny plus ny moins que l'œil
Ne peut attaindre au ſoleilsoleil
Quand vers le midy s’auanceavance :
AinſiAinsi tant plus hault le fol
LaiſſeLaisse à l’amour prendre vol,
Plus en perd il cognoiſſancecognoissance :
Et meſcognoiſtmescognoist non point ſoysoy
(Qui eſtest choſechose trop petite)
Ains le hault dieu, &et ſasa foy,
OuOù noſtrenostre esperance habite :
FaiſantFaisant comte ſeulementseulement
Du motif de ſonson torment,
Et ſanssans gouuernergouverner ſonson frain,
Ne peut tenir autre trainmouvement, allure,
Que vers vneune ſeuleseule dame
OuOù touſiourstousjours taſchetasche adreſſeradresser ,
Le meilleur de ſonson penſerpenser
Et tout ſonson corps &et ſonson ame :
AinſiAinsi permettant voler
Son esprit à la vanvoleau hasard,
Se laiſſelaisse l'homme couler
Soubs les aiſlesaisles d'vneune fole,
Qui n'ayant compaßioncompassion
De ſisi ſottesotte paßionpassion,
Ains ſese nourriſſantnourrissant au mal
De ce großiergrossier animal,
Qui pas ne le peut cognoistre,
Luy fait faire mille eſcritsescrits,
Mille bons ioursjours, mille cris,
Comme s'il venoit de naiſtrenaistre.
TantoſtTantost d’vnun faint entretien
Le ſçaurasçaura à ſoysoy attraire,
Puis d’vnun offenſifoffensif maintien
Ne taſcherataschera au contraire
Que le ietterjetter des arçonsle troubler,
Plus muable en ſesses façons
Qu'vnun Prothée : ſese paiſſantpaissant
Comme l’oiſeauoiseau rauiſſantravissant ,
En ſonson douloureux martire,
Pour puis eſtantestant en torment ,
SçauoirSçavoir ſeulementseulement comment
AÀ ſoysoy elle le retire.
Si que l’homme bien prudent,
Si du hault dieu ne ſese voile,
Tombe en naufrage euidentevident
Lors quLorsqu'il met au vent la voile.
OuOù eſtest ce grand roy DauidDavid ?
OuOù eſtest celuy, que lonl'on veit
AÀ vnun inſtantinstant ſanssans effort
Au parauantAuparavant le ſeulseul fort ?
OuOù eſtest ce ſagesage parfait ?
OuOù eſtest ce vaillant Hercule,
Qui ſese rendit ridicule
Par le ſuccessucces de ſonson faict ?
OuOù ſontsont vneune infinité,
Et vnun million de brauesbraves
Qui tant auoientavoient merité ?
LeſquelsLesquels ſese rendants eſclauesesclaves
AÀ ce ſotsot dieu, que lonl'on dit
AuoirAvoir ſursur nous tout credit,
Se ſentirentsentirent ſisi ſurprissurpris,
Qu'ou ils emportoient le pris,
Soit enſcienceenscience, ou aux armes,
Soudain retournants leurs ieuxjeux ,
AdreſſerentAdresserent tous leurs vœus
Aux pleurs, triſteſſestristesses, &et larmes.
Tel bien n'eſtest-ce le guerdon
Que lonl'on trouuetrouve en la boutique
De ce vaillant Cupidon,
Quand vnun ſubietsubjet il pratique ?
Ne promet il tout plaiſirplaisir ?
Mais apresaprès tout à loiſirloisir
Ne nous fait il repentir,
Nous faiſantsfaisants par trop ſentirsentir
Sa venimeuſevenimeuse nature,
Quand ſoubssoubs la mercy du vent
LaiſſeLaisse flotter bien auantavant
NoſtreNostre cœur à l’auentureaventure ?
Amy, ceſteceste grand rigueur
EſtEst ſeulementseulement en vengeance
De ceux, qui du bon du cœur
N’ont mis en Dieu leur fiance,
Ains ſese laiſſantslaissants ſubiuguersubjuguer,
LaiſſentLaissent leur eſpritesprit voguer,
Sans contempler le ſeigneurSeigneur
Duquel depend tout noſtrenostre heur,
En qui ſeulseul nous deuonsdevons mettre
Nostre amour de part en part,
Sans que voulions autre part,
NoſtreNostre penſéepensée commettre.
Cupidon tende ſonson arc,
Et que ſursur nous il deſcochedescoche,
Nous ne ſeronsserons de ſonson parc,
Mais que luy coupions la broche :
Ne nous rendants ocieux,
Mais haulſantshaulsants nos cœurs aux cieux,
Suplions le Dieu puiſſantpuissant
Que touſiourstousjours nous repaiſſantrepaissant,
De ſasa diuinedivine parole,
Ne nous permette y entrer,
Ains vueille nous ſequeſtrersequestrer
De ceſteceste opinion fole.