Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Au Seigneur de Ronssard, Contre l'Amour</em> Pasquier, Étienne 1555 chargé d'édition/chercheur Lagnena, Michela PARIS
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1555

AVAu SEIGNEVRSeigneur DEde RONSSARDRonssard, CONTREContre l'Amour.

LAiſſonsLaissons, RonſſardRonssard , les amours

Des humains la ſeuleseule rage,

LaiſſonsLaissons Venus &et ſesses toursfaçons d'agir, actions,

Sans que plus facions l'homage,

Que le ſotsot monde pretend

EſtreEstre deu au dieu, qui tend

Et ſonson arc &et ſesses eſpritsesprits,

Pour les nostres rendre eſprisespris :

Dieu qui prend droit ſasa viſéevisée

Au coeur, pour à vnun inſtantinstant

Le rendre le mal content,

Et du monde la riſéerisée.

Lors queLorsque ieje l’appelle dieu,

RonſſardRonssard , c'eſtest la poëſiepoësie

Qui l'a ainſiainsi dit, au lieu

De le nommer frenaiſiefrenaisie,

FaiſantFaisant ſonson renom voler

Par la terre, puis par l’air,

Le haulſanthaulsant iuſquesjusques esdans les cieux,

Voire par deſſusdessus les dieux,

Encores qu’il n'ait eſſenceessence

Que celle que luy donnons,

Lors queLorsque nous habandonnons

Du tout deſſoubsdessoubs ſasa puiſſancepuissance.

Par noſtrenostre follie il naiſtnaist,

En elle prend ſasa paſturepasture,

Et ſanssans elle iamaisjamais n'eſtest,

Puis augmentant ſasa nature,

Petit à petit s’accroiſtaccroist,

Et de telle ſortesorte croiſtcroist,

Que ny plus ny moins que l'œil

Ne peut attaindre au ſoleilsoleil

Quand vers le midy s’auanceavance :

AinſiAinsi tant plus hault le fol

LaiſſeLaisse à l’amour prendre vol,

Plus en perd il cognoiſſancecognoissance :

Et meſcognoiſtmescognoist non point ſoysoy

(Qui eſtest choſechose trop petite)

Ains le hault dieu, &et ſasa foy,

Ou noſtrenostre esperance habite :

FaiſantFaisant comte ſeulementseulement

Du motif de ſonson torment,

Et ſanssans gouuernergouverner ſonson frain,

Ne peut tenir autre trainmouvement, allure,

Que vers vneune ſeuleseule dame

Ou touſiourstousjours taſchetasche adreſſeradresser 

Le meilleur de ſonson penſerpenser

Et tout ſonson corps &et ſonson ame :

AinſiAinsi permettant voler

Son esprit à la vanvoleau hasard,

Se laiſſelaisse l'homme couler

Soubs les aiſlesaisles d'vneune fole,

Qui n'ayant compaßioncompassion

De ſisi ſottesotte paßionpassion,

Ains ſese nourriſſantnourrissant au mal

De ce großiergrossier animal,

Qui pas ne le peut cognoistre,

Luy fait faire mille eſcritsescrits,

Mille bons ioursjours, mille cris,

Comme s'il venoit de naiſtrenaistre.

TantoſtTantost d’vnun faint entretien

Le ſçaurasçauraſoysoy attraire,

Puis d’vnun offenſifoffensif maintien

Ne taſcherataschera au contraire

Que le ietterjetter des arçonsle troubler,

Plus muable en ſesses façons

Qu'vnun Prothée : ſese paiſſantpaissant

Comme l’oiſeauoiseau rauiſſantravissant ,

En ſonson douloureux martire,

Pour puis eſtantestant en torment ,

SçauoirSçavoir ſeulementseulement comment

AÀ ſoysoy elle le retire.

Si que l’homme bien prudent,

Si du hault dieu ne ſese voile,

Tombe en naufrage euidentevident

Lors quLorsqu'il met au vent la voile.

Ou eſtest ce grand roy DauidDavid ?

Ou eſtest celuy, que lonl'on veit

AÀ vnun inſtantinstant ſanssans effort

Au parauantAuparavant le ſeulseul fort ?

Ou eſtest ce ſagesage parfait ?

Ou eſtest ce vaillant Hercule,

Qui ſese rendit ridicule

Par le ſuccessucces de ſonson faict ?

Ou ſontsont vneune infinité,

Et vnun million de brauesbraves

Qui tant auoientavoient merité ?

LeſquelsLesquels ſese rendants eſclauesesclaves

AÀ ce ſotsot dieu, que lonl'on dit

AuoirAvoir ſursur nous tout credit,

Se ſentirentsentirent ſisi ſurprissurpris,

Qu'ou ils emportoient le pris,

Soit enſcienceenscience, ou aux armes,

Soudain retournants leurs ieuxjeux ,

AdreſſerentAdresserent tous leurs vœus

Aux pleurs, triſteſſestristesses, &et larmes.

Tel bien n'eſtest-ce le guerdon

Que lonl'on trouuetrouve en la boutique

De ce vaillant Cupidon,

Quand vnun ſubietsubjet il pratique ?

Ne promet il tout plaiſirplaisir ?

Mais apresaprès tout à loiſirloisir

Ne nous fait il repentir,

Nous faiſantsfaisants par trop ſentirsentir

Sa venimeuſevenimeuse nature,

Quand ſoubssoubs la mercy du vent

LaiſſeLaisse flotter bien auantavant

NoſtreNostre cœur à l’auentureaventure ?

Amy, ceſteceste grand rigueur

EſtEst ſeulementseulement en vengeance

De ceux, qui du bon du cœur

N’ont mis en Dieu leur fiance,

Ains ſese laiſſantslaissants ſubiuguersubjuguer,

LaiſſentLaissent leur eſpritesprit voguer,

Sans contempler le ſeigneurSeigneur

Duquel depend tout noſtrenostre heur,

En qui ſeulseul nous deuonsdevons mettre

Nostre amour de part en part,

Sans que voulions autre part,

NoſtreNostre penſéepensée commettre.

Cupidon tende ſonson arc,

Et que ſursur nous il deſcochedescoche,

Nous ne ſeronsserons de ſonson parc,

Mais que luy coupions la broche :

Ne nous rendants ocieux,

Mais haulſantshaulsants nos cœurs aux cieux,

Suplions le Dieu puiſſantpuissant

Que touſiourstousjours nous repaiſſantrepaissant,

De ſasa diuinedivine parole,

Ne nous permette y entrer,

Ains vueille nous ſequeſtrersequestrer

De ceſteceste opinion fole.