Epistre III.
Je m'esbatois dernierement avec quelques miens amis, et estoit mon esbat tel, qu'après une longue suitte du jeu, je trouvay que cest esbat tournoit en [K1r°] ma grande perte. En façon qu'après avoir employé tous mes cinq sens de nature (comme on dit) je n'ay peu ce neantmoins trouver en moy aucun moyen de recousse : Quand soudain remettant en ma memoire vostre grande beauté (voyez je vous supplie, Madame, quels miracles exercez en moy) toutes les fois que j'invoqueray [j'invoquay]Nous avons corrigé sur la base des éditions précédentes, ainsi que de celles de 1610 et de 1723. vostre nom (vostre nom pourtant couvert, et celuy sous lequel j'adore vostre divinité) autant de fois rencontray-je le hazard de la fortune s'encliner en ma faveur. Mais quoy? telle fut l'issue du jeu, que gaignant sour vostre protection, je me senti si perdu, que depuis ce temps ne m'est demeuré espoir ou envie de jamais m'y retrouver. Que di-je toutesfois perdu, si je me retrouve en vous? Dame, Dame, qui d'un mesme trait m'avez perdu et gaigné, si encores pour ce coup le son de mon bruit et clameur peut penetrer en voz oreilles, pour Dieu ne permettez perdre celuy, en la perte duquel ne pouvez butiner autre chose que repentance à l'advenir : quand après [K1v°] longues prieres et instances recognoistrez pour tout profit de vostre gain, avoir sans plus desarroyé et mis en fuitte l'un de vos meilleurs serviteurs. [K2r°]