Il ne fut onq' que la gentillesse et courtoisie ne rendissent aymable à vous la personne en qui elles se retrouvent : et croy que ce soyent les deux choses du monde qui peuvent mieux ennoblir et illuster [illustrer] ceux, lesquels sont tant favorisez du Ciel, que de s'en pouvoir acoster, et dont les esprits sont dignes de les recevoir. Ainsi (monsieur et amy) taisant icy ce-que voz vertus manifestent assez, je lairray à penser à ceux qui, comme moy les admirent, combien vostre honnesteté ha gaigné sus moy. De tant pourray-je bien dire, qu'elle ne me laisse chose, par laquelle je m'en puisse bonnement aquiter. Ce qui ne m'apporte petite fascherie : car de tant plus s'acroit en moy [A2r°] le desir, quand moins je me trouve le pouvoir de recognoistre par effect la grandeur de vostre merite en mon endroict. Toutesfois l'affection grande que j'ay d'y satisfaire, en partie, m'a tant peu commander, que je me suis senty volontairement forcé en recognoissance d'iceluy, de vous presenter (puisque je ne peux mieux) ces Lettres amoureuses : me faisant à croire, que l'addresse n'en sera que bienseante, à qui voudra considerer voz gentiles qualitez. Et s'il estoit ainsi qu'on peust persuader la vehemence d'une bonne affection par une grande parade de parolles : asseurez-vous qu'elles ne me defaudroyent : et mesmement pour monstrer, que je ne vous eusse fait offre d'un tel subject, si je ne l'eusse senty digne de vous, et tel que bien difficilement s'en trouveroit un autre, qui se peust parangonner à iceluy. Mais quictant cette curiosité à ceux-là, dont l'effect gist plus à langager, qu'autrement : je me tiendray à ce peu : tant à cette occasion, comme pour ne confondre au chaos de telle matiere. Et bien que j'eusse encor envie de m'arrester à la poursuitte d'icelle, j'en serois detourné par les aigres cris, et plainctes amoureuses des Amans passionnez : lesqueiz je voy me fai- [A2v°] re signe, supplier, et adjurer de traduire, et faire Françoys leurs douloureux escrits, qui furent premierement Tuscans : afin que les Dames Françoyses en ayent l'intelligence avec la lecture, pour les mouvoir (sinon à mercy) au moins à compassion, qui leur tournera (comme ils esperent) à tres-grand hoeur : estimans qu'ils pourront par là rapporter quelque soulagement à leur amoureux martyrePhilippe Hubert de Villiers accorde un poids significatif à la visée édifiante des Lettres amoureuses de Parabosque. En revanche, dans la version originale du volume, l'auteur insiste moins sur la portée didactique des lettres que sur le plaisir de la lecture en langue vernaculaire (voir Lettere amorose di M. Girolamo Parabosco, Venise, G. Giolito de Ferrari, 1545, f. A2r°). . À Dieu. [A3r°]