À Monsieur Buisson, Advocat en Parlement.
Et bien : pour vous faire plaisir je vous accorde que ces lettres estoient une vraye folie. Mais pour me rendre la pareille, je veux aussi que vous m'accordiez que c'estoit une belle folie dont oiseux je trompois l'oisiveté de ma jeunesse, par faulte de meilleur subjet. Et afin que je vous descouvre librement ce qui en est, lorsque je les feis imprimer, je ne mis mon nom sur le frontispice du livre, pour sonder, avecq' moins de hazard de ma reputation, quel en seroit le jugement du peuple. Et de fait j'ay longtemps depuis estimé que la memoire en feut perdue, toutesfois puis nagueres fueilletant quelques livres en la boutique de l'Angelier, je trouvay qu'on les avoit fait reimprimez avec celles de Parabosco Italien, et qui plus est que l'on y avoit mis contre ma volonté, mon nom. Qui me feit penser qu'elles avoient eu meilleur succes que je ne m'estois promis. Je repasse lors sur aucunes : [j]e voy là, tantost un amour, tantost un desdain, puis tous les deux pesle meslez ensemblement, ores un amant reblandir gayement sa dame, ores s'en mescontenter : [e]nfin un homme peu resolu se resouldre de quitter l'amour, avec un profond repentir d'avoir aimé. Je commençay adonc à me moquer de moy-mesme, et faire ce jugement, que quand je detestois l'amour, je n'estois pas moins amoureux que quand je le reblandissois. Car à bien dire si j'ay encores quelque [ZZ3v°]