Mon cher ami, voici des jours et des jours que j'aurais voulu courir à vous et vous dire la part que je prends au deuil qui vous frappe. Les mots, quoiqu'on en aie, ont en de telles circonstances un son de banalité qui les rend aussi pénibles – et horribles – à écrire qu'à lire écrits. Et c'est cette banalité même que j'aurais voulu nous éviter, à vous comme à moi. Car le sentiment qu'ils traduisent n'a rien – je voudrais que vous le sentiez, – de convenu ni de conventionne[l].
Je ne sais rien des rapports qui existaient entre votre père et vous : je veux parler de ces rapports d'homme à homme, où les liens familiaux interviennent si peu, et qui pour chacun d'entre nous, pour chaque paire de nous, empruntent un visage si particulier, cela en dehors des ou au-dessus des parentés. Mais si, hors la chaîne naturelle je ne sais pas quelle sorte de chaîne liait vos deux esprits, je sais très bien quelle sorte de perte, quelle sorte de vide la disparition de votre père a creusé. Et c'est devant ce creux brutalement imposé que je voudrais vous dire combien je désirerais que vous me sentiez proche de vous. La seule fois où il m'ait été donné d'approcher votre père – ce déjeuner du Palais Royal de l'an dernier – j'ai été infiniment frappé par la haute affabilité de son accueil et par cette
Je voudrais que vous sachiez, mon cher ami, avec quelle intensité j'ai pensé à vous depuis que j'ai su votre père mortellement atteint, et combien je crois être proche de vous et des vôtres