51, rue Boussingault
Paris XIIIe
Cher Ami,
Pardonnez-moi de ne vous remercier qu’aujourd’hui de La Preuve par l’Etymologie : je voulais, pour lire votre livre, avoir un moment tout à fait tranquille, et c’est seulement hier que j’ai trouvé ce moment.
Depuis le jour où j’ai reçu votre envoi, j’étais du reste, agréablement occupé par le problème fondamental que pose le titre : peut-on prouver même dans la mesure très limitée de toute preuve un tant soit peu valable – quoi que ce soit sur les mots par les mots – car ce sont bien les mots qui se présentent d’abord dans la preuve.
Il me semble que Dieu seul se prouve par Dieu.
Puis à mesure que je vous lisais, de très courts poèmes, poèmes de mots seulement, hantaient mon esprit, en compagnie de curieuses étymologies que je connais et dont je vous parlerai.
Puis, j’ai été ému par le combat que se livrent dans vos pages une interprétation trop rationaliste, à mon sens, du langage et de ses phénomènes si divers et de secrètes tentations, mais puissantes, qui vous entraînent fort loin.
Enfin, vous m’avez fait sentir, mieux encore, le mystère des mots, et j’aime ce mystère.
Je vous remercie donc de tout ce que La preuve par l’étymologie m’a rappelé, révélé ou promis, et du plaisir de sa lecture ; et je vous remercie de l’envoi même de ce signe qui m’est plus précieux que vous ne le pensez.
Je compte sur vous, vendredi 10, pour dîner et je me réjouis de cette heureuse perspective, il y a trop longtemps que les complications de la vie nous ont empêchés de nous voir.
Avec la fidèle affection de votre bien dévoué
P. S. : Pardonnez cette affreuse écriture : j’ai un stylo qui ne marche pas.