Jean ARABIA
67, rue de Billancourt
BOULOGNE (Seine)
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Tél : mol.27.24
31-XI-53-19Très tenu ces temps-ci par mes travaux professionnels je n’ai pu venir vous surprendre à La N.R.F.
J’espère cependant venir Mercredi prochain et retirer le 3 poëmes qui doivent dormir du bon sommeil des fatigués dans votre bonne armoire aux manuscrits qui a abrité et abrite encore une fameuse encre à noms retentissants.
J’ai enfin reçu le manuscrit des Étoiles en retour, au frais de l’Editeur, en R[ecommandé], (ce qui est gentil), mais sans un seul mot, (même pas lettrique – quel dommage), à croire que Monsieur [Stève ?], des Éditions de la Nouvelle Chance, n’aime pas donner l’ombre d’une appréciation, au sujet des manuscrits qu’il reçoit.
Ce Monsieur, (c’est encore peut-être une idée de poëte non-commercial – titre que m’a très généreusement accordé Corti ‑) ne doit pas aimer répondre aux lettres, et m’a tout l’air d’un Editeur d’un genre très spécial ‑ enfin, il se peut
Je lis toujours avec plaisir la N. N [Nouvelle Nouvelle Revue Française], et dans le n° d’octobre, Jean Guehenno, a retenu mon attention et j’ai aimé entre autres :
« ….. pour cette idée de l’homme qu’il a été donné aux Français de tirer au clair. Je confesserais dans quel péril elle est au milieu d’un monde ridiculement efficace où les hommes ne seront bientôt plus que des mains. »…..
Pour moi, confesser ne suffit pas ; (sans action rien ne vaut), aussi faut-il venir à bout de tous ceux qui mettent cette auguste idée de l’homme, en péril. (J’entends tout au moins en venir à bout par la douce persuasion – mettons celle du sorcier ou du mage.)
Je veux encore essayer de confier les Etoiles aux Edions K. (quoique je sache maintenant qu’elles sont invendables, et que même elles ne puissent que trouver [décri ?] chez les meilleurs marchands du panier à sciure).
On ne sait jamais – car s’il y avait chez K quelque fou dans mon genre – moi pour écrire, lui pour courir le risque : le miracle aurait lieu : Les Étoiles seraient éditées !......
J’espère que votre dame va assez bien, que vous allez parfaitement bien, ce que je souhaite.
Ma femme se rappelle à votre bon souvenir.
Et quoique Guéhenno se méfie beaucoup des mains – en quoi il a parfaitement raison – mes deux bonnes mains fraternelles, qui sont ou se veulent les agiles courrières de l’esprit.
P.S : Bravo pour votre vieille et inoubliable victoire en moto.....