Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Jean Arabia à Jean Paulhan, 1952-11-24 Arabia, Jean (1898-1975) 1952-11-24 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1952-11-24 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
IMEC, fonds PLH, boîte 91, dossier 096843 – 24 novembre 1952
Français

Jean ARABIA

67, rue de Billancourt

BOULOGNE (Seine)

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Tél : mol. 27.24.

Cher ami,

La mort d’Éluard que j’aimais, malgré ses erreurs, m’a fortement frappé.

Toutefois, aucune ombre, ni plus troublants éclairs de certains « Fiat-lux », ne sauraient altérer en moi le combat qui m’anime depuis toujours : justice, libération totale et fraternelle, vérité une, PAIX, me sont charnellement indivisibles au souffle révélateur de la Déesse.

Je ne sais si les petitesses des faillibles nous guettent et amoindriront mes seuls fleuves de pureté.

Si elles nous peuvent porter à la crainte, à la tristesse ou à l’indigne désespérance ?

Ce que je sais, c’est que – à moins que toutes les puissances du mal, ne le murent, ne l’enchaînent dès avant de le clouer à la croix des martyrs – le lutteur qui désarme ne mérite point d’indulgence.

C’est pourquoi je ne désarme en rien, et veuille le destin qui me reste – long ou bref – que cette chose sacrée que j’aie dite et me paraît seule valable – m’étreigne jusqu’au tombeau.

Je vous joins le sonnet que la brutale disparition du grand poëte m’a inspiré.

Je suis en toute affection fidèlement vôtre.

Jean Arabia

Oraison de l’archage [archange ?] du doute

Hommage intemporel à Paul Eluard

Peut-être qu’en ce jour de novembre où il neige

Un grand poëte est mort que nous ne savions pas

Luth triomphal génie et ombre à nos trépas

Nos matins seront clairs grâce à ce sortilège

Il faut choisir éviter la douleur ses pièges

[Pur l'oubli ?] Élysée aux danseurs d’ici-bas

Ou bien dans le réel s’arc-bouter aux combats

Holocaustes dieux noirs et régents sacrilèges

Suicide… Fiers mutins la muse vous conduit

De plein ciel au bercail des douceurs et des nuits

Quand l’orme et le forum inventent l’autre messe

Et suffit-il de croire au TEMPS DE LIBERTE

S’aguerrir de tyrans – O MON PEUPLE INDOMPTE –

Pour que l’Amour linceul, cher Eluard, nous blesse !

Jean ARABIA
Paris, mardi, 18 novembre 1952.