Jean ARABIA
67, rue de Billancourt
BOULOGNE (Seine)
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Tél : mol. 27.24.
Cher ami,La mort d’Éluard que j’aimais, malgré ses erreurs, m’a fortement frappé.
Toutefois, aucune ombre, ni plus troublants éclairs de certains « Fiat-lux », ne sauraient altérer en moi le combat qui m’anime depuis toujours : justice, libération totale et fraternelle, vérité une, PAIX, me sont charnellement indivisibles au souffle révélateur de la Déesse.
Je ne sais si les petitesses des faillibles nous guettent et amoindriront mes seuls fleuves de pureté.
Si elles nous peuvent porter à la crainte, à la tristesse ou à l’indigne désespérance ?
Ce que je sais, c’est que – à moins que toutes les puissances du mal, ne le murent, ne l’enchaînent dès avant de le clouer à la croix des martyrs – le lutteur qui désarme ne mérite point d’indulgence.
C’est pourquoi je ne désarme en rien, et veuille le destin qui me reste – long ou bref – que cette chose sacrée que j’aie dite et me paraît seule valable – m’étreigne jusqu’au tombeau.
Je vous joins le sonnet que la brutale disparition du grand poëte m’a inspiré.
Je suis en toute affection fidèlement vôtre.
Oraison de l’archage [archange ?] du doute
Hommage intemporel à Paul Eluard
Peut-être qu’en ce jour de novembre où il neige
Un grand poëte est mort que nous ne savions pas
Luth triomphal génie et ombre à nos trépas
Nos matins seront clairs grâce à ce sortilège
Il faut choisir éviter la douleur ses pièges
[Pur l'oubli ?] Élysée aux danseurs d’ici-bas
Ou bien dans le réel s’arc-bouter aux combats
Holocaustes dieux noirs et régents sacrilèges
Suicide… Fiers mutins la muse vous conduit
De plein ciel au bercail des douceurs et des nuits
Quand l’orme et le forum inventent l’autre messe
Et suffit-il de croire au TEMPS DE LIBERTE
S’aguerrir de tyrans – O MON PEUPLE INDOMPTE –
Pour que l’Amour linceul, cher Eluard, nous blesse !