Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1932 Arland, Marcel (1899-1986) 1932 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1932 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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mon cher Jean,

voici une note, qui m’a fait beaucoup de peine. Tu me diras peut-être que je suis vaniteux. Je le suis ; mais cela ne dure presque jamais plus de quelques heures ; aussitôt après, c’est une vie même la plus humble, la plus décriée, que je réclame, pourvu qu’elle soit vraie. - Si cette note me touche tant, c’est parce que je m’y sens moi-même atteint, non pas mon livre ; je suis près de la reconnaître exacte (à un détail près : la Nvlle Eurydice [Nouvelle Eurydice], qui a paru plusieurs mois après l’achèvement de mon livre), et les remarques que tu m’as faites au sujet de mon du livre que j’écris à présent m’y inclinent. Sentir qu’un livre, en l’écrivant, vous tient aux os, est dans vos os, puis reconnaître que ces os ne sont pas les vôtres – c’est assez atroce. - Peux-tu savoir qui a fait cette note ? Hirsch te le diras peut-être, qui ne me le dirait pas. Voilà 3 mois, dans ce même journal, sous cette même « signature », avait paru sur Antarès une note enthousiaste.

Ecolier, je me sens l’être encore en ceci : la seule pensée d’être regardé, de ne pas être compris immédiatement,

de ne pas être aimé, d’être aimé pour ce que je ne suis pas, me fait trembler. Par cela seulement ; au fond, c’est la crainte, l’horreur de n’être qu’un petit tas de boue que je serai un jour. [1932]

Pardonne-moi de t’ennuyer quand tu as déjà ta part d’ennuis.

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Je ne ferai sans doute plus de critique ; je ne veux pas faire éprouver à d’autres ce que j’éprouve. Si j’ai la faiblesse d’écrire encore des histoires, je songe à ne plus les signer (C'est ce que je voulais faire, pour plus d’une raison, pour mon livre actuel).

Nous partirons vendredi samedi matin, sans doute. Nous passerons d’abord à douze jours à Cusset, 8 rue de la Révolution.

Au revoir Jean. Je t’embrasse et j’embrasse Germaine.