Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1928 Arland, Marcel (1899-1986) 1928 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1928 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français

[1928]

Varennes

samedi

Mon cher ami,

Je viendrai lundi après-midi, à la nrf. Je lisais hier les pages de Goethe, du dernier n°. Quel hommage que vous n’ayez pas pu les publier sous la signature Louis Roussel : on n’aurait pas manqué de vous blâmer de leur « insignifiance ». Je les aime et les admire beaucoup.

J'ai vu la note des Nouv. Litt. [Nouvelles Littéraires] sur le Retour. Me voilà enrôlé parmi les écrivains catholiques. Patience. Le chameau (qui d’ailleurs me semble un des moins sots parmi les collaborateurs des Nouv. Litt. [Nouvelles Littéraires], malgré son séné) use (innocemment, je crois) d’un procédé infect : celui d’attribuer à un auteur les paroles et pensées d’un de ses personnages.

Je relis du Valéry des poèmes : il n’en restera pas grand chose. Je relis les Jeunes filles en fleurs, qui me prennent plus que naguère (mais quelle réaction contre Proust dans quelques années !). Ah! Et j’ai relu beaucoup de Jammes. Mauriac l’appelle un grand poète, mais on appelle bien M [Mauriac] un grand romancier. Vous rappelez-vous les Notes d’Algérie, à la fin du Roman du lièvre? Si elles sont écrites avant les Nourrit. Terr. [Nourritures terrestres] mon admiration pour ce dernier livre baissera d’un tiers.

A Varennes, les conseillers municipaux et autres gens sérieux m’appellent monsieur Arland, les jeunes gens qui ont de 0 à 3 ans plus ou moins que moi m’appellent par mon

 prénom (et cela me trouble, car je n'en reconnais pas le tiers), les enfants restent bouche bée. Tout cela est bien intimidant. Quand je vais sur l'une des deux places de Varennes, j'ai peur qu'on ne s'imagine que je pense à la place de ma statue future. Il est vrai que je vais beaucoup plus souvent au cimetière.

- Il faudra que vous veniez à Varennes ; je vous donnerai une maison tout entière pour vous installer ; et vous aimerez mes grands-parents, s'ils vivent encore.

- J'ai songé, ces jours derniers, à transformer la 3ème partie de mon roman. Gilbert serait interdit de séjour ; il vivrait avec Renée en banlieue (lui, secrétaire dans une usine) sous une menace (celle d'être découvert et conduit hors de France) dont il s'exagérait l'importance, et qui donnerait à sa vie une couleur un peu romantique qui flatterait son orgueil. (Je montrerais d'ailleurs à la fin que cette menace était vaine, et qu'on avait toujours connu son adresse à la préfecture de police). - Le métier de professeur que je fais faire à G. [Gilbert] me gêne. - Dites-moi ce que vous pensez de cette modification.

- J'ai perdu la lettre où, à propos de l'article que G. [Gide] écrit, et qui doit amener les poursuites, vous me citez une dizaine de lignes d'un article de... (Tailhaide ?). Je vudrait que vous me les écriviez de nouveau.