Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1928-07-02 Arland, Marcel (1899-1986) 1928-07-02 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1928-07-02 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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nrf

Lundi 2 juillet [1928]

Mon cher ami, je ne vous enverrai pas de notes ce mois-ci. Je voulais en faire une sur Constant ; mais la lecture du Journal intime m’a entraîné à celle des écrits politiques, de la correspondance, et de divers ouvrages sur Constant. Le temps que je mets à faire certaines de mes notes ne m’est pas une garantie de leur valeur, mais pour user de leur honnêteté décence. Et je ne crois pas que ce caractère d’honnêteté de décence soit absolument fastidieux dans la nrf. J'ai lu consciencieusement les notes et notules du n° de Juillet. Il en est, comme celle de Cassou, qui me semblent insignifiantes; je n’aime décidément pas Dupeyron, je ne sens rien en lui, qu’opinions acceptées par mode et non révisées, suffisance et expression aussi détesttable que celle de Duron. Je n’aime pas non plus Bounoure (je le trouve d’ailleurs un des meilleurs critiques en poésie qu’ait eu la nrf.) Gobeur, avec tous les défauts de la province, et quel cacographe ! Je n’aime pas Thérive : ça pue le pédant, l’homme sans coeur, sexe ni esprit. Je donne la note 12/20 à Crémieux, et lui préfère Fernandez.

Vous m’avez prié de vous indiquer les écrivains qui me paraîtraient de bonnes recrues pour la revue. Demandez donc à Jean Paulhan (je vous en prie vivement) de faire, à partir d’octobre, la critique de la poésie.

Je n’ai pas encore lu la première partie de la nrf ; je vous en parlerai quand ce sera fait.

Je suis content des critiques que vous m’avez faites de la seconde partie de mon roman. A ce propos, dites-moi s’il est entendu que le fragment que vous voulez en publier passe en octobre et novembre. Je voudrais en être sûr, afin de faire paraître auparavant en volume ce qui précède.

- Je n’ai pas eu de bourse Blumenthal. Cela m’a déçu pendant 5 minutes, hier, à la gare de Versailles, où je lisais les noms de Guilloux, Chadourne et Beucler, qui ont été choisis. Pendant le reste de la soirée, j’y ai songé encore trois ou quatre fois avec ennui. Aujourd’hui, cela me semble extrêmement naturel. Je crois avoir le droit de dire que je n’attache presque aucune importance au plus ou moins d’argent que je puis avoir. - Aujourd’hui, même, je suis content de n’avoir pas eu ce prix, un peu du même contentement que j’éprouvai à me retrouver libre à l’égard des Annales. - Je regrette pourtant que vous n’ayez pas plus de chance quand vous vous occupez de moi. Hier, j’étais aussi un peu frappé enconstatant le peu de sympathie que l’on a pour moi, - encore que je ne cherche pas à m’en attirer, au contraire. - Mais c’est très bien, je n’avais rien à faire dans cette galère. - Je ne m’y serais pas embarqué si Gaston Gallimard ne me l’avait demandé en novembre dernier (depuis lors il ne m’en a jamais reparlé), si d’autre part je n’avais reçu, à trois reprises, une lettre du Comité des bourses, qui était manifestement une invitation à poser ma « candidature ». Enfin (car je vous dois cette explication) je n’aurais pas consenti à rien accepter de ces gens, si, jusqu’au mois d’avril dernier, je n’avais eu la conviction (et je l’avais depuis plusieurs années) qu’il allait me falloir subir une opération (non pas d’ailleurs celle que le médecin me conseille de subir à présent) et si je n’avais voulu avoir de l’argent en vue de cette opération. et de mon indisponibilité

Tout cela n’empêche pas que je ne sois pas satisfait de moi. Candidature à une bourse, candidature à la publication dans les Annales, après-midi perdues la nrf, soucis de bonne publication d’un roman : c’est beaucoup pour une demi-année. Et je m’aperçois que je ne peux pas compter sur mes amis, pour me signaler ce qu’il y a de vraiment sale sous certaines apparences douteuses.

Port-Crois doit être beau. Dites à ses propriétaires que je me souviens d’eux avec plaisir. Mes cours finissent le 12, mais la session américaine commence aussitôt après, je n’aurai de vacances que le mois de septembre.

J'aurai 29 ans Jeudi. Je n’ai pas encore fait Andromaque, ni conquis la Perse, ni fait une belle grande action. Je n’accepte pas ma vie, je ne m’accepte pas moi-même.

Affectueusement m.a.

Je voudrais bien savoir, pourtant, qui a pu me soutenir voter pour moi aux bourses Bl. [Blumenthal] Si vous l’apprenez, ne manquez pas de me le dire.