Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1927 Arland, Marcel (1899-1986) 1927 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1927 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
IMEC, fonds PLH, boîte 92, dossier 095001 – 1927
Français

ÉCOLE DU MONTCEL

ENSEIGNEMENT SECONDAIRE DES GARÇONS

JOUY-EN-JOSAS

(S. & O.)

TÉLÉPHONE 30

DIRECTION

[1927]

mon cher ami,

Si, pour répondre à Prévost (– à ce propos il m’écrit qu’il n’aurait jamais osé traiter Pascal comme je fais), je m’étais placé sur son propre terrain, j’aurais pu dire :

– D'un côté la réalité d’une perte (celle des biens terrestres), de l’autre la possibilité d’un gain infini. Voilà entre quoi je dois choisir. Vous ajoutez, Prévost, que cette possibilité est très faible. Et vous dites : « allons-nous sacrifier un bien certain, à l’espoir presque chimérique d’un souverain bien ? Si je parie pour la Terre, je gagne 1 et perds une toute petite chance d’infini ; si je parie pour Dieu, je pers 1 et il y a mille chances contre une pour que je ne gagne rien. »

Je réponds : « Vous trichez. Car d’un côté, il y a 1 à gagner, oui ; mais de l’autre il y a d’abord la petite chance d’infini, dont vous parlez, et surtout l’espoir lui-même de cette chance. Et j’ai le droit de considérer cet espoir comme un bien réel, comme un bien à gagner immédiatement, comme un bien

de valeur au moins aussi grande que celle des biens terrestres. « Au moins aussi grande », je ris de la concession que je vous fais. Car je sais, je sens bien – que ce bien à 2, 10 fois plus de valeur que les biens terrestres. (Et remarquez, Prévost, que je ne parle que du bien : espoir. Mais il y a aussi le bien : sacrifie, le bien : dénuement etc.)... Et j’accepte, Prévost, l’image du père et des fils, dont vous usez. « Un père voudra-t-il parier la vie de son fils unique contre plusieurs une infinité de fils ? » Je prétends qu’il le fait, que nous le faisons tous, que le berger quitte cent brebis dans l’espoir d’en retrouver une cent-unième, que nous quittons presque à chaque instant un bonheur réel pour courir après l’ombre d’un autre bonheur, et que les chiffres raisons des mathématiciens n’ont rien à faire ici, mais celles-là seules qui, viennent pour venir du cœur, n’en sont pas moins aussi fortes ne doivent pas être prises en moindre considération que les autres. »

votre ami

m.a.