Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1925-09-10 Arland, Marcel (1899-1986) 1925-09-10 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1925-09-10 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
IMEC, fonds PLH, boîte 92, dossier 095001 – 10 septembre 1925
Français

Il me semble que j’exagère.

Jeudi 10 sept. 25


Mon cher Ami,

Voici les manuscrits de Pia et de Lecomte. J'ai lu le dernier n° de la nrf. La correspondance de Rivière et de Claudel mise à part, je l’aime assez peu. Peut-être est-ce cette correspondance, et tout ce qu’elle renferme de grave et d’essentiellement humain, qui me fait traiter le reste avec un peu de dédain. Alibert, Carco (Quelle, et si fine et si cruelle, que soit ta pointe, fine abeille – Pique du sein etc.) : c’est beaucoup moins joli que Voiture et même que Benserade. Les pages de Cassou sont à peu près insignifiantes. (On dira que cela rappelle la mousse du champagne – mais je n’aime que le vin de bourgogne, qui enivre le corps et l’âme, et par dessus tout l’eau, qui enivre bien plus (voir Gide). Vitrac, je n’en dirai rien, parce que vous m’avez paru goûter ses pages ; je dois donc me tromper, moi qui ne vois là que vent et trompette en carton. Quant à la lettre d’Aragon, j’en suis vraiment déçu ; on

n’y trouve même pas ces exercices habiles de littérature qui sont le meilleur de lui-même. Ça ne vaut pas mieux que le Drieu.

Je Voici les épreuves de ma note autour de Hardy (je voyais et j’espérais que vous y auriez fait de larges coupures).

Si vous voulez bien m’écrire à propos de Monique, je vous demanderai de le faire le plus nettement qu’il ne vous soit pas déplaisant de faire. Je voudrais savoir, en particulier, si vous accordez à ce récit la même sympathie que vous vouliez bien donner à Terres Etrangères. Au reste, la petite préface que j’ai mise en tête de ces 2 récits a pu vous montrer que je ne les tiens l’un et l’autre que pour des ébauches, par rapport à ce que je rêverais de faire.

Je pars dans 2 ou 3 jours. Donc, l’épreuve corrigée de mon Essai, ou l’épreuve définitive, que je vous avais demandée, puis-je vous prier de me l’adresser d’ici à 15 ou à 20 jours, c’est à dire d’ici à mon retour ? Je voudrais m’en débarrasser, le plus tôt possible, en le donnant en plaquette. Sinon je serai obligé de le recommencer. D'ailleurs cette plaquette ne paraîtrait guère, comme vous me le disiez, qu’en janvier.

Votre ami

M. Arland

Puis-je aussi savoir si Commerce publie ou non les pages que je lui avais données ? – Et toute cette lettre est bien pleine de littérature.

T.S.V.P

J'ai poursuivi la remarque que vous avez ébauchée dans l’une de vos dernières lettres à propos de la vie et de l’humain dans l’oeuvre d’art. Vous avez raison. Ce sont là non des qualités d’ « extérieur », et à peine même des qualités volontaires ; elles se dégagent de la structure intime de l’oeuvre. Le théâtre de Marivaux, par exemple, m’apparaît cent fois plus vivant et plus humain que celui de Regnard et de Le Sage.

+ Quand ce méridional d’Aragon (et pardon, je sais que vous êtes de Nîmes) s’engage à mourir pour le mot : république, comment ne voit-il pas qu’il fait le même abus de mot que Drieu commet en parlant des « belles disciplines de la joie » et en parlant de Dieu.

Aragon est bien de l’époque Cocteau. Ils se prennent à leurs grimaces.