Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1954 Arland, Marcel (1899-1986) 1954 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1954 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français

Brinville [1954]

samedi

Cher Jean,

Si, jeudi, ma réaction à ta lettre a été trop vive, je te prie de m’en excuser. Je reviens sur cette lettre, plus calmement.

Non, pas un instant, je n’avais établi de rapports entre Landolfi et Claire. Je ne suis pas fou du roman de Landolfi ; mais, si nous le [coupons?] attentivement, ce sera une oeuvre charmante et c’est un nom honorable. Simplement 1° : je préfèrerais un roman français de même qualité ; 2° il va nous gêner pour publier en même temps d’autres oeuvre étrangères, qui attendent (Lorca, Heidegger...). Mais enfin, faute de mieux, je suis d’avis de le publier. J’aimerais bien l’avis de Dominique A. [Aury] Janine, qui l’a lu, et qui représente un bon public, même un public assez exigeant, pense à peu près comme moi – et comme toi.

Claire. Là aussi, mon sentiment est très proche du tien. On ne peut dire que Fr.[France] ait repris sérieusement son roman. Paresse, facilité, complaisance. Je vois assez bien comment on eût pu tirer de là une oeuvre remarquable. Voilà un an, j’étais prêt à aider Fr. [France] ; elle n’a rien voulu entendre. J’y ai complètement renoncé. Me demanderait-elle aujourd’hui, je refuserais. Mais aucun danger qu’elle le demande !

Avant qu’elle le recopiât, c’est-à-dire quand j’espérais encore qu’elle ferait un vrai travail, il m’est arrivé de penser que nous pourrions en donner un fragment dans la revue. Peut-être n’y aurais-je pas pensé, si tu n’y avais pensé toi-même, si tu ne me l’avais dit, et à elle. Mais je crois que tu as tout à fait raison quand tu dis que, le roman fût-il mille fois meilleur, il conviendrait encore de n’en rien publier dans la revue.

[page manquante?]

qu’il énonce, je les ai vingt fois jetés sur mes papiers, sur mes carnets. Je me proposais même, au début de l’été, avant d’avoir lu cette lettre, de les exprimer dans une chronique libre. Publions donc cette lettre, et tenons-en compte, d’abord tous deux, puis gagnons nos amis, nos collaborateurs. Allumons un esprit de foi et de dévouement, une volonté de servir (que d’actions nécessaires pour effacer la confusion de ces mots !)

Je regrette que la N.R.F ne publie pas le poème de Larronde – quelques réserves qu’il m’inspire. Mais le donner en tête ? Je maintiens mon objection. (N’avais-tu pas projeté toi-même de le publier au milieu de la revue?)

- Bref, rien qu’il n’ait dit déjà, et il le disait gentiment – et conviens qu’il le disait parfois avec raison, conviens que Duvignaud est trop rapide et s’en tient à quelques vues, à quelques effets – surtout depuis qu’il s’occupe d’une revue de théâtre - ; que Nourissier est trop facile ; que la chronique des arts manque de ton, de variété, de vie, d’efficacité.)

Nous avons ainsi parlé une dizaine de minutes. Puis, le lendemain, j’ai posé une petite lettre sur son bureau. A peu près ceci : « Très ennuyé que la revue ne marche pas, matériellement. Mais d’abord pourquoi ne nous tient-on pas au courant, chaque mois, des abonnements, des invendus, etc ? Quant aux frais, voyez-vous comment ils pourraient être diminués ? (Ma formule était meilleure que celle-là). J’en viens à me demander, de loin en loin, si la revue est vraiment souhaitée dans la maison. Vous savez ce que nous y mettons de nous-mêmes. Si la revue ne devait pas trouver une totale adhésion (dans la maison) je préférerais ne plus m’en occuper du tout ».

C’est à la suite de cette lettre qu’il est venu me dire, fort gentiment, que je méritais parfois d’être grondé.

- Petit problème : si nous nous soucions trop du public, nous trahissons notre rôle. Si nous ne nous en soucions pas assez, la revue tombe et le rôle ne peut être exercé. - Cela ne doit pas être insoluble.

Je t’embrasse

Marcel

Une des amertumes de G [Gaston] : c’est que la publicité faite sur les textes de Malraux n’a rien donné. Et là-dessus il signalait le prestige (et la vente) de Camus.