Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Julien Benda à Jean Paulhan, 1931-02-13 Benda, Julien (1867-1956) 1931-02-13 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1931-02-13 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français

13.2.31

[carte postale « Leysin, Hotel du Mont-Blanc »]

Cher ami,

je compte rentrer la semaine prochaine. Je crois que vs serez content de mon Renouvier, du moins de certaines parties. J’aurai encore beaucoup à y retoucher.

La lettre de votre père m’impressionne, par son refus absolu de reconnaître l’improbité fondamentale de H. [Halévy]J.B. accusait D. Halévy d’avoir manipulé des textes de Renouvier pour faire valoir une prétendue indifférence de la gauche républicaine à la France. – improbité [mots biffés illisibles] inspirée par un fanatisme politique, qui me semble imprégner tous ses écrits, encore qu’il soit le plus souvent insaisissable, moins peut-être par calcul de l’auteur que par la nature de son esprit. (Ce fanatisme n’est d’ailleurs nullement « insaisissable» à ceux qui ont étudié pour leur compte connaissent les sujets traités par H.: consulter Guéhenno au sujet de Michelet«  Notes de lectures, Michelet et le XIXème siècle » de Jean Géhenno, in Europe, 15 mars 1929., R[obert] Dreyfus au sujet des débuts de la 3ème Rép., Mme J[eanne] Alexandre au sujet de Proudhon .. Un professeur d’histoire moderne, que je rencontre ici, fidèle lecteur de la N.R.F., me dit que ce que j’ai relevé dans sa transcription de la lettre de Renouvier est constant chez H. (Il m’en enverra [biffure] de nombreux exemples ; rassurez-vs, je n’en ferai rien pour la revue ; [biffure] elle en a assez comme cela.)

Un dernier mot sur le fameux périraitpérira. S’il me souvient

[suite sur carte postale « Leysin en hiver »]

bien, H. termine son commentaire (nov. 1930) ainsi (il le dit mieux) : L’essentiel (pour R. [Renouvier] et son école ce n’est pas la France; l’essentiel c’est de tenter sur la France une expérience et d’amener un peuple superstitieux, un peuple sensuel et sans mœurs au régime de la moralité totale, de la bonne volonté pure. Au pis-aller, la France périra comme nation .. (souligné par H.), qui ajoute aussi les 2 points.)

[Je me permets de poser à votre pèrela question suivante :

[ L’effet n’eût-il pas été incomparablement moindre considérablement moindre (et H. ne le savait-il pas) si le mouvement se fût terminé par Au pis-aller, la France périrait comme nation ..

C’est la différence du spéculatif et de l’implacable, laquelle semble très perceptible.

Et puis, en y réfléchissant, j’aime bien mieux ne poser aucune question à votre père, mais m’entretenir avec lui des sujets où nous sommes d’accord, et qui sont nombreux et autrement importants.

Bien amical souvenir à tous deux. J.B.