Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Pierre-André Benoit à Jean Paulhan, 1950 Benoit, Pierre-André (1921-1993) 1950 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1950 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français

D’abord je suis antipathique.

Je ne suis ni beau ni laid, mais ma physionomie est répulsive.

- Ai-je une tête d’inverti

- Non vous avez une tête d’enfant (mon docteur)

Mes cheveux me donnent un aspect dur, je suis en réalité très autoritaire. Mes yeux, autrefois, contrariaient maman.

On devine mon anormalité. Les uns disent : « il est homosexuel », les autres « il est pur ». Ceux-ci devinent ma virginité, les premiers mon penchant.

Les jeunes et les médiocres ne me supportent pas. Ils ont peur…

Car j’ai des amis, des deux sexes. Ils ont au moins 20 ans de plus q [que] moi et sont des êtres d’exception.

Mon impuissance à séduire un être jeune est cuisante. [rature] Un torrent de tendresse [rature] est refoulé.

Avoir au moins l’impression d’être aimé.

Je suis l’indésirable pour tous ceux q [que] je voudrais aimer

Enfant, durant les récréations je restais seul. Tous les écoliers se tutoyaient. Je leur disais « vous » et ils ne me disaient pas « tu ». Ce « vous » était une distance entre eux et moi. Eux, le monde. Quand Robert accepta de me tutoyer je [rature] connus une brève joie sans borne.

Robert que j’adore

Et si un jour on m’aime, m’aimera-t-on pour moi.

Je n’ai rien à faire pour un monde auquel je suis hostille [hostile].

Ma haine q [qui] n’est q [que] de l’amour impuissant.

Il faudrait peut-être apprendre à plaire. J’ai en face de moi un beau garçon. Je n’ose pas le regarder. R. [Robert?] me dirait fixez-le sans cesse.

Mes yeux sauraient-ils parler.

Essayer.

Je n’ai pas d’assurance et puis j’ai peur, peur de l’échec. Je le regarde à la dérobée. Cette nuit je le retrouverai et il sera bien à moi puisq [puisque] je le recréerai.

Une réalité pour détruire ou fertiliser mes rêves.

Être un autre en écrivant, littérature

Quand on s’aime vraiment peut-on se lasser.

Je croyais en Robert pour croire en moi cela n’aurait été q [que] si à son tour il avait cru en moi.

Ne plus penser à Robert[.?] L’avoir en moi, un autre, sage et fidèle : mon Robert.

Robert q [qui] a refusé la grâce.

Je n’ai jamais pu dire : « mon chéri »

On est séduit puis le dégoût s’en mêle on se sépare ou l’on s’aime.

Si j’ai dit non à la chair est-ce parce q [que] je n’ai pas vaincu le dégoût.

L’autre jour je souhaitais ce q [que] jamais je n’avais désiré : des lèvres.

Quel plaisir n’ai-je pas [eu?] à 8 ou 10 ans en caressant les fesses d’une petite fille. Plaisir très partagé.

J’ai honte de croire q [que] j’ai des mains faites pour toucher avec [rature] délice.

La chair est de qualités très différentes. Viande de 1ère qualité etc...

Il passe, repasse et je n’arrive point à voir ce q [qui] pourrait me le faire détester