Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre d'André Berne-Joffroy à Jean Paulhan, 1950-08-16 Berne-Joffroy, André (1915-2007) 1950-08-16 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1950-08-16 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
Paris, 16.VII.[19]50 Cher Ami,

Était-ce : « Je ne vois pas où il veut en venir » ? Ou : « Je ne vois pas bien où il veut en venir » ? –Je ne sais plus. Le mot ne m’avait pas semblé si « épatant ». L’interprétation postume[première feuille, horizontalement en bas de page] orth. [orthographe] valéryenne, que j’en donne, est purement mienne. Je crois que je saurais la défendre contre votre argument galiléen : mais ce ne serait que pour mon propre compte. De la part de Valéry, ce mot n’était peut-être qu’une boutade, une façon de s’esquiver.

Même toute chronologie mise à part, il va de soi que vous n’aviez pas attendu Valéry. Vous n’aviez pas à l’attendre. L’indépendance l’originalité de vos recherches sont parfaitement évidentes. – J’ai simplement voulu indiquer que la rencontre, chemin-faisant, du phénomène Valéry, n’avait pas été sans infléchir certains de vos développements ; que, n’eût été cette rencontre, votre portrait du Rhétoriqueur (Il joue volontiers le mystérieux…) serait des plus improbables. Les références datées pp277 et 284 sont surtout là [rature] pour situer ma riposte à votre : « Personne, ni Valéry lui-même, (n’a) jamais songé à donner à Valéry son vérittable nom ».

Quant au bas de la p.295, il me faut bien convenir de ma légèreté. L’opinion que je vous y attribue, vous l’aviez au moins incidemment soutenue : je donne la référence. Mais il est évident[deuxième feuille, horizontalement en bas de page, à gauche] Et j’eusse dû la videre plus tôt !que l’opposition P.V.-J.P. [Paul Valéry – Jean Paulhan] est tout autre. – Et autrement compliquée ! Car la rhétorique valéryenne est à 2 paliers : 1° la rhétorique gladiatorienne 2° une seconde rhétorique destinée à cacher la première. Et votre loi est à 2 tranchants…

Bien ingénieuse, en son cheminement, votre « Petite préface.. » Particulièrement efficace, au départ, votre analyse si ordonnée des faux-fuyants de la critique. – Mais les philosophes me semblent bien gros[à droite] ou si vous préférez leur cas me semble trop spécial. Les prendre comme principal exemple c’est prêter à méprises. pour faire comprendre l’illusion des « grands mots » à qui n’en aurait jamais entendu parler. (Tous les lecteurs de « la Table ronde » sont-ils censés avoir lu « les Fleurs.. »?)

In fine… Je me demande bien comment vous pourrez répondre (sans esquive) à cette question vôtre : « ..si l’erreur porte de tels fruits, comment la vérité n’aurait-elle pas les siens ? »

Le problème inverse (Pourquoi faut-il de telles erreurs à l’origine de tels fruits?) me séduirait davantage. Il me semble que : telles circonstances, tels tempéraments, réclament – pour établir leur équilibre – telles erreurs compensatrices.

Je pars le 27 pour Meynard, par Ribérac (Dordogne).Bonnes vacances, à vous aussi.