Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Bisiaux à Jean Paulhan, 1952-10-04 Bisiaux, Marcel (1922-1990) 1952-10-04 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1952-10-04 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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M. Bisiaux2 Avenue de la Porte BrunetParis 19e

4 octobre 52 Bien cher Jean P.

Merci. Je suis heureux d’avoir pu résoudre, grâce à vous, une grosse partie des difficultés. Me voici enfin convenablement logé. Le secrétaire de Debu-Bridel, M. Krieg, a pu faire une demande efficace tout du moins quant à l’accélération, et j’ai déménagé dimanche. Quel artiste qu’un chef déménageur ! Il fait tout mettre devant lui sur la route. Il monte alors sur son camion, et médite quelques instants. Puis c’est l’enchantement. Pas de paroles. Il fait un signe que seules ses aides comprennent, et les objets, gros et petits viennent et se placent, presque d’eux-mêmes dans le camion. J’étais émerveillé.

Je vais tenter de me tirer des très graves ennuis d’argent dans lesquels je suis. J’ai été contraint de faire un terrible emprunt à très court terme. Enfin, puisque tout a bien marché jusqu’ici ! Si Gallimard m’avait consenti l’avance que je lui ai demandée, je serais maintenant en train d’écrire ce roman pour bientôt le lui remettre. Mais il me contraint de ce fait à travailler pour les éditions de Minuit à cette collection des réussites françaises. Je suis en train d’écrire de courtes biographies de Georges Carpentier, Jean Taris, Marcel Cerdan, Suzanne Lenglen etc. Ensuite un livre sur les images d’Épinal. Ensuite, une histoire de la bicyclette. Ensuite, le roman ? Je n’arrive pas à faire plus d’une chose à la fois. Et pourtant, mon seul but est de l’écrire. L’ennui est peut-être juste d’avoir un trop grand éditeur, mais où je peux trop tard [sic]. Quand se découvrent les impossibilités, aveugle que l’on était par une sorte de confiance admirative et tellement naïve, et que l’on voudrait bien garder, on ne sait pourquoi. De toutes façons, on est pris au piège.

Pardon de cette lettre décousue. Je suis tellement déçu d’avoir à toujours débrouiller taut de fils pour ne jamais avoir finalement le temps d’écrire la moindre page que je puisse aimer. Ô je sais bien que j’y arriverai quand même mais alors, que de temps perdu et de projets abandonnés.

Je serais heureux de vous voir très bientôt. Il faudrait aussi que je vous parle de la radio : une nouvelle émission sur des faits divers. Et j’espère qu’un jour, vous voudrez bien venir jusqu’ici. Je vous dis toute mon amitié.

M. Bisiaux