Ste Genevivèe-Petit-Fercourt
1 rue du Placeau Oise
Nuit du quatre août 51 Bien cher Jean Paulhan
Je ne sais si vous êtes à Paris. Je suis allé passé une quinzaine de jours dans le beau château de madame Heurgon, avec ma femme, à Cerisy la Salle en Normandie. Je pense que cela a dû me reposer. J’ai un peu travaillé et fait de bonnes parties de boules et ping pong avec Georges Lambrichs déchaîné. Depuis je repique des salades, je lis et corrige le Michelet de la Pléiade. Quant je le puis, je viens un jour à Paris. Tout est plus dur que jamais, mais le jardin est plein de légumes. Je trouve fort édifiants les mémoires d’Harriet Wilson. Je vous envoie un texte dont la première partie avait paru dans Botteghe Oscure. Peut-être y ajouterais-je un ou deux textes plus courts du même vent. Je ne sais. J’ai écrit quelques contes aussi. Travaillé un peu, par discipline, à un roman que je n’aime pas beaucoup. Mais j’ai peur de devoir abandonner tout cela bientôt. Il faudrait fabriquer quelque miracle de vie. J’ai peur que la fatigue l’emporte, malgré les sursauts. Et les stimulants sont des farces. Même bons à prendre. Je serais bien content, si, un jour, vous passiez par le département de l’Oise.
Je vous dis bonjour cher Jean Paulhan et à bientôt.
Marcel Bisiaux.