Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Léon Bopp à Jean Paulhan, 1936-10-03 Bopp, Léon (1896-1977) 1936-10-03 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1936-10-03 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
ce 3 oct. 36.

Mon cher ami,

Ou encore, à propos de ce vous appelez votre goût pour l'énigme, l'allégorie, un certain hermétisme, on pourrait peut-être dire : que la N.R.F., procédant du symbolisme, succédant au Parnasse, et au réalisme - naturalismea, souvent, essayé, contre ces mouvements, écoles qui l'avaient précédé, de restaurer les valeurs de l'implicite, de l'obscur, dédaignées ou omises par ces écoles.

Valéry est obscur par contraction. Claudel l'est par l'entassement des images, souvent. Gide l'est par l'hésitation. Peut-être l'êtes-vous quelquefois par la sinuosité, l'arabesque de vos démarches spirituelles…

Avez-vous reçu ma note ? Vous convient-elle ?

Vu la prière d'insérer pour le thibaudet. L'avez-vous lu et qu'en pensez-vous ?

Autre chose : la nomination de Marcel RaymondMarcel Raymond (1887-1981) à Genève a créé une vacance à Bâle. On a cherché quelqu'un et jusqu'ici il ne semble pas qu'on ait trouvé. Alors il est question de nommer un allemand ! On m'a parlé à mots couverts de CurtiusErnst Robert Curtius (1886-1956). Mais il a contre lui, paraît-il, ses… mœurs. Verriez-vous, en France, quelqu'un de premier ordre, si possible, ou tout au moins capable de contrebalancer Curtius. On ne voudrait pas, à Bâle, d'un israélite car il y a là-bas, déjà, beaucoup de juifs. (Non qu'on y soit "de droite", au contraire, la municipalité baloise est rouge). On aimerait aussi quelqu'un qui fût disposé à rester longtemps à Bâle & non pas qui n'y vînt qu'en "mission temporaire", pour quelques années. (On se plaint que les français nommés en Suisse, n'y restent, en général, que fort peu de temps).

Bien entendu, je ne prends aucun engagement vis-à-vis d'un candidat que vous pourriez suggérer. Je n'aurais aucune qualité pour le faire, n'ayant point voix au chapitre. Mais je parlerai de lui à la personne qui, hier, m'a dit la perplexité du conseil universitaire de Bâle. D'ailleurs il n'y a pas extrême urgence, car M. Raymond continuera, pendant quelques temps, à enseigner 2 ou 3 h. par semaine à Bâle.

Il serait tout de même un peu chagrinant d'avoir recours à un allemand pour l'enseignement de la littérature française, c'est ce que j'ai fait valoir. Mais s'il n'y a personne en France (et je me rappelle que StrowskiFortunat Strowski (1866-1952) me disait il y a quelques mois : "Indiquez-moi quelqu'un pour la Sorbonne & je le fais venir aussitôt" !...) mais peut-être à la N.R.F, êtes-vous mieux placé pour juger de certaines valeurs françaises jeunes. Enfin, j'attends un mot de vous.

Ai communiqué la chose à de TrazRobert de Traz (1884-1951), aussi car il m'avouait, il y a quelques temps, qu'une place de professeur ne serait point pour lui déplaire. (mais il n'a point de titre universitaire).

Avez-vous du soleil ? Parlez-moi de Port Cros. Homme heureux que vous êtes, dans votre vigie, d'où, de haut & de loin, et dans quelle sérénité, je pense, vous devez regarder tous les conflits d'Europe.

Nos amitiés à tous deux Léon Bopp.