Genève.
ce 2. I. 34.
Mon cher ami,
Excusez-moi, je vous prie, de vous accabler de tant de lettres et ne voyez là qu'un témoignage de ma parfaite confiance en vous.
J'ai donc envoyé à G. Marcel une longue lettre de quelques huit pages, à laquelle il m'a répondu, assez faiblement à mon sens. J'ai répondu à sa réponse & lui ai dit un mot de son "monde cassé"Marcel Gabriel, Le Monde cassé, 1933. & de la méditation ontologique qui fait suite à cette pièce. Mais je ne sais encore s'il publiera ma première lettre, comme je le souhaite, dans l'Europe Nouvelle. Je ne veux pas que mes lecteurs aient l'impression que je n'ai rien à répondre à son article d'éreintement méthodique.
Dans Marianne silence complet. J'espère bien que, si R. Fernandez ne veut point parler de mon livre, Gallimard pourra obtenir d'un autre critique, qu'il fasse un compte rendu de J. Arnaut.
Reçu d'A. Lhote son volume sur "La Peinture", qui m'a fait plaisir. Je lui écrirai dès que je l'aurais lu.
Et maintenant une double petite question, si vous le permettez :
1°/ Estimez-vous que le Traité du Roman mérite d'être publié, dans l'état où il est ?
Si oui, que penseriez-vous de la "combinaison" suivante : le Traité serait tiré à 550 exemplaires numérotés (in quarto illisible sur Lafuma). 50 ex. seraient réservés au S. [service de presse] de Presse (aux critiques qui ont parlés de J. Arnaut et, éventuellement, à deux ou trois autres). Les 5.00 autres seraient vendus à 50 fr. français. Recette : 25.000 sur lesquels M. Gallimard me verserait 15.000 fr. Cette somme me serait furieusement utile, ne serait-ce que pour pouvoir me maintenir en contact plus étroit avec Paris, je veux dire, aller vous rendre visite, à vous et à quelques amis, une ou deux fois cette année. Accepteriez-vous – le cas échéant – de dire deux mots de cette suggestion à M. Gallimard ? Depuis dix ans que je m'évertue dans cette sacrée carrière littéraire, je n'ai pas encore gagné de quoi payer la dactylo qui tape mes mss. [manuscrits] (Cette phrase est équivoque, mais vous comprenez ce que je veux dire)... Enfin, si M. Gallimard accueillait favorablement ma proposition, cela me rendrait heureux. Il va de soi que le Traité ne serait pas réédité en exemplaires ordinaires. (On enverrait des bulletins en souscription. Je crois que je pourrais compter sur un assez grand nombre de souscripteurs en illisible).
Ma documentation pour le roman d'un politique avance doucement. Mon dessein, dans ce livre, sera énorme. Espérons qu'il ne illisible pas !
Nous vous envoyons à tous deux nos amitiés très dévouées.
L. Bopp.