Je vous envoie, mon bien cher ami, avec beaucoup de retard, une note sur les deux derniers livres de Tristan Derême. La Folie Tristan mais comme ce Tristan a peu de folie, peu de cette folie sans quoi il n’est point de poësie. Peut-être aurais-je dû me borner aux deux premières lignes de cette note. Ou même au silence. Il vaut beaucoup mieux se taire, lorsque l’on n’aime point. Le courage & la lâcheté du critique sont souvent voisins, si communicants, si portés à se camoufler l’un l’autre & l’un en l’autre qu’il faut avoir mille fois raison pour user de sévérité. On devrait uniquement se montrer sévère quand il y a usurpation criante de la gloire temporelle
Je tiens mal mes promesses, celles que je vous ai faites de vous envoyer régulièrement quelques notes. Il faut m’excuser : j’ai trouvé en arrivant ici une besogne fort accablante et voici que les étudiants de Damas, entrainés par ceux du Caire, nous donnent beaucoup d’ennui. Il faut que je me fasse l’avocat de ces enfants pour les défendre contre les conceptions que la Sureté Générale & la Police se font de l’ordre. Un collégien de quatorze ans a été tué avant hier. Tout cela est affreux, d’une absurdité sans nom & on a honte d’y être mêlé.
Cependant Beyrouth est plein de narcisses & de roses. La mer où je me baignais aujourd’hui était élastique, souriante, charnelle & fleuve de vie. Et toute la campagne
Nous avons un délicieux petit chat d’Angora, tout blanc, né à l’automne en notre absence sous les frangipaniers du jardin.
N'avez vous pas aimé le poëme de Georges Schehadé. Il est né lui aussi sous les frangipaniers.
A vous deux, nous envoyons nos vœux les meilleurs & nos vives, nos fidèles amitiés