Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Gabriel Bounoure à Jean Paulhan, 1936 Bounoure, Gabriel (1886-1969) 1936 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1936 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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[36] Mon bien cher ami

Il est très vrai : notre amitié reste, comme dit Al Hallay « entre les parois du cœur & le coeur », sur la limite de la vraie intimité. Au moment où nous l’allons franchir, voici de nouveau que m’appelle cette Asie maternelle, à laquelle je me sens lié de plus en plus, surtout depuis que j’ai découvert mes origines sémitiques, comme je vous ai dit. Mais il faudra nous entendre afin de vivre ensemble dans une île, durant quelques semaines, Port Cros, ou Amorgos, ou l’une des îles Aran ou bien l’île Rouad habitée par des Phéniciens pêcheurs d’éponges

Soyez le bon champion de Georges Schehadé. Les gens tristes & abstraits, ceux qui ne sont pas persans, ni fils du soleil, ceux qui n’ont de sensations que données par les idées, lui reprochent, je sais bien, de faire le vers trop beau, trop caressant, trop parfumé, trop Doudou & Suleïka. Mais enfin il ne faudrait pas mépriser les joies de ce divan oriental-français. Au fond, pour moi, je m’en tiens à Stendhal : son principe est le plus sain, le plus juste, le plus profond. Appelons supérieure l’oeuvre d’art qui nous donne le plus grand plaisir. Il est vrai que nous sommes alors renvoyés aux conditions de ce plaisir et conduits à nous demander pourquoi nous ne prenons aucun plaisir à Tristan Derême (au contraire il nous gêne et nous attriste), mais beaucoup à lire des poëmes comme ceux de Jean Wahl, que j’ai trouvés dans Mesures. Et beaucoup aussi à lire Georges Schehadé. Je suis très asiatique.

J'envoie à mon fils deux ou trois cartes que vous m’avez remises. Je lui dis d’en remettre une à une jeune fille juive d’Alexandrie, à qui il apprend la honte de la richesse (si bien qu’elle ne sait plus que faire de l’argent qu’elle économise sur ses toilettes!) Il est vrai que c’est tellement bête d’être riche à vingt ans. - et même à tout âge -

Bien affectueusement. Et nos fidèles amitiés à Madame Paulhan dont l’accueil est un des bons souvenirs des dernières vacances

GB