Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Gabriel Bounoure à Jean Paulhan, 1933 Bounoure, Gabriel (1886-1969) 1933 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1933 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
[1933]

Thiers (Puy de Dôme)

18, rue Conchette

Bien cher ami

Je viens d’arriver à Thiers où j’ai trouvé, qui m’attendait votre lettre du 25. Il faut que je vous dise enfin aujourd’hui toute la reconnaissance que je vous ai vouée dans le meilleur de mon cœur pour les lettres pleines d’inquiétude amicale que vous m’avez écrite pendant les longs mois douloureux. Dans ce deuil où j’étais depuis le mois de janvier, il me fallait le profond silence et je ne pouvais finir par accepter une telle amertume qu’à force de la rendre inaccepttable dans une solitude infinie. Mais il est vrai que votre affection m’a beaucoup touché et je vous en dis merci. Tout ce qui vous arrive de douloureux ou de difficile retentit en moi et je voudrais vous être en aide. C'est une cruelle chose que de vivre et de racheter minute par minute ce temps qui nous tient si bien et qui nous fait si mal. Si j’ai tant aimé Suarès, c’est à cause de cette contradiction qui déchire sa vie tout entière : à mesure que nous renonçons, nous sommes plus tendrement attachés et cette durée déclinante me paraît d’autant plus belle qu’il me semble déjà l’avoir quittée jamais.

Je suis ici pour quelques jours et partirai le 25 août pour la Bretagne, (Lesconil en Plobannalec, par Pont L'Abbé- Finistère.) où sont déjà ma femme & mon fils. N'y viendrez vous point faire un tour, si vous n’allez pas revoir la mer latine, les îles d’Hyères ou les Baléares. Nous avons une grande maison où nous serions heureux de vous accueillir Madame Paulhan et vous. Nous irons voir les Glénans, plus étranges que les Pomotou, avec les marins de Larvor dans des barques de pêche plus robustes que l’auge de pierre de Saint Tugdual

Je vais travailler pour vous, puisque vous voulez bien m’y engager. L'Auvergne est brûlante comme Damas et je crois sentir le rhamsin. Où trouvez quelque fraicheur sinon dans dans la poësie, la fraicheur que sainte Colette, dans Claudel (je crois) trouve en Jesus-Christ.

J'ai dans mes papiers une petite note depuis longtemps écrite sur Joë Bousquet. On m’a dit depuis que c’était un homme profondément souffrant et malheureux. Ne lui communiquez pas cette opinion si elle soit lui faire de la peine. C'est une si petite chose que l’écriture, à moins qu’elle ne soit la figure de notre vie & le moyen de notre Amour

Croyez à ma fidèle & reconnaissante affection

Bounoure