Merci mille fois de votre bonne lettre. J'étais inquiet de votre opinion sur mon « Suarès ». Vous êtes interrogateur de fontaines et peseur d’or. Vous avez une pupille à prisme comme les lynx de la Trachonitide : vous dissociez si merveilleusement l’erreur de la vérité, vous apercevez si bien les rapports de la pensée & du langage, qu’on a un peu peur de vous : il faut bien que je vous le dise. Vos verdicts intimident et votre approbation ravit. Quand à Madame Paulhan elle ressemble trop à la princesse de Lamballe, c’est à dire à une dame qui règne sur la reine (est ce que les horoscopes coïncident?) [note côté gauche : à vérifier] pour n’être pas elle aussi terriblement intimidante
Je la vois courroucée du grondement de la révolution poétique : les tambours roulent dans la forêt des piques : la catapulte des faubourgs lance les pavés de la révolte. Et dans ce fracas, Madame Paulhan discerne la voix de George Schehadé, avec le parfum de sa poësie plus suave que la nuque de Sakountala. Il faut qu’en 1934, la NRF publie un beau poème de Georges. J'y tiens infiniment. Je vous le choisirai.
Je m’attendais un peu, je dois dire, cher ami à votre mouvement de recul. Et au fond j’en suis presque heureux. Dans le désir de rassembler un grand peuple sur le parvis, je m’étais laissé aller à un excès d’exégèse. Mieux vaut sauter les explications. Abuser du commentaire, quelle condescendance envers les gens qui ne comprennent jamais. [Ajouté au dessus : Vous serez gentil de me renvoyer mon manuscrit pour que je puisse travailler dessus.] Adressons nous par vifs messages ailés à ceux qui ont déjà à moitié compris. Je vous propose deux brefs essais ayant pour sujet 1°) Le Condottiere ; musique et biographie ; - 2°) L'itinéraire de Condottiere et la quête de l’Unité. Si vous pouviez les publier avec un intervalle assez bref, je vous en serais, comme pour tant d’autres preuves d’amitié, chèrement reconnaissant.
Le Condottiere n’est pas ce que j’aime le mieux dans Suarès. Mais c’est celui de ses masques qui a égaré le plus de gens et le mieux détruit le mystère de ce poète. D'où nécessité de l’expliquer d’abord là-dessus.
Des morceaux choisis de Suarès, oui : mais il y a plusieurs livres qui me manquent ici. Je vous promets d’y travailler.
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Je vais travailler à vous envoyer une liste
Les dieux sont notre seule consolation, avec leurs jardins, leurs enfances. Mais que de fois, ils se refusent à toute théophanie et nous restons couverts de mouches, couchés contre des portes de villages dans les pays sans eau comme ceux-ci.
J'ai été repris par le tourbillon de ma vie syrienne, tout de suite enlacé d’intrigues de sérail au ministère de Damas et les étudiants en révolte contre le traité et tout le tremblement. Quelle vie !
C'est assez émouvant de vous voir, comme cela, une fois tous les deux ans, éprouvant une grande