Lesconil, par Pont L'Abbé
Finistère
J'ai reçu votre petite carte de Port-Cros qui m’a apporté la vue de vos palmiers sur ma palud déserte. La Méditerranée est à mes yeux maintenant un monde lointain & dont je suis très détaché. Ici, où Pytheas est à peine venu, je me fais une patrie d’un jour. Le vieux Korrigan, Max Jacob, est venu me voir. Je vis parmi les marins les plus rudes de l’Occident : ils m’acceptent à cause de mon fils devenu l’un des leurs. Je vais rechercher, perdus derrière les tertres chevelus, faisant pousser des pommes de terre dans un sol de sables & de goémon, hérissé de menhirs, quelques vieux camarades de guerre coiffés du chapeau bigouden. En France je me sens étranger partout, mais ici, je suis chez moi. Un Oriental ne peut se faire qu’à cet Extrême-Occident.
Je m’adresse à vous dans un grand embarras. J'ai besoin d’un collaborateur en Syrie et depuis deux mois cherche
Je me sens malpropre à parler de Romain Jules. Je lui reconnais une intelligence vigoureuse et même une espèce de démon : de démon combinateur, mystificateur, amoureux des verres de vin blanc de l’amitié, plein d’une cordialité européenne. Mais sa poésie, réellement je ne la comprends pas. Un critique honnête dois reconnaître ses limites. Romain ne manque pas d’admirateurs parmi lesquels vous ne serez pas embarrassé pour trouver un exégète, j’espère brillant. Votre grande amitié m’excusera, j’espère
Je serai à Paris vers le 10 octobre. Vous dirais-je ma joie à l’idée de vous revoir, une joie attendue depuis quatre ans ? A bientôt donc et croyez à toute mon affection.
Etes vous à la NRF tous les jours ? Depuis que vous avez changé de domicile, je ne sais plus bien où vous habitez.