J'ai été empêché de vous écrire, ces temps derniers mon cher ami, par des circonstances pénibles. J'ai perdu mon principal collaborateur qui était en même temps mon ami, emporté par le typhus après une longue & cruelle agonie. C'est au cours d’une mission dont je l’avais chargé qu’il a contracté ce mal dans le Djebel Druze. Si bien que je me reproche parfois à moi-même ce qui n’est imputtable qu’au hasard. J'ai vu partir un homme plein d’honneur, de courage, de générosité, de toutes les vertus viriles. J'ai de la peine à me détourner des mirages qu’il m’a laissés râlant dans un triste hôpital
Tous ceux que j’admire sont frappés. Massignon vient de perdre sa mère, sa dernière lettre portait en effet la trace d’une très grave inquiétude
En revenant d’Orient, il a trouvé à Paris une besogne écrasante « J'aurais bien voulu, me dit-il, envoyer quelques chose de bien pour la NRF à votre ami Paulhan ; mais quand sera-se ? »
Le « quelque chose de bien » est charmant de sa modestie chrétienne : il y a chez lui des gentillesses d’archange entre des sévérités fulgurantes. Sa dernière lettre fait une allusion de blâme à Jouhandeau dont il plaint le désespoir, mais à ce qu'il semble difficilement pardonner d’être devenu « le pauvre époux de Caryatis avec Cocteau et Crevel comme témoins ». Qui rira si ce mariage n’est pas dû à quelque appétit de blasphémer saintement contre lui-même quels abimes jouhandesques sont la dessous ? Massignon a des droits que je n’ai pas pour jeter le blâme – Moi je me contenterai d’aimer Jouhandeau et de le plaindre s’il est à plaindre. Evidemment Cocteau
Je n’ai pas eu le temps, ni le goût de vous renvoyer corrigées les épreuves que vous m’aviez fait parvenir de ma note sur Madame de Noailles. Je le regrette : je m’en accuse. J'aurais voulu ne pas prêter à V.Hugo un vers faux
Thales n’était pas loin de croire que l’onde
Je citais de mémoire et dans ma mémoire le vers commençait par une conjonction monosyllabique
Et Thalès n’était pas
ou bien
Or Thalès n’était pas
Supprimant la conjonction, j’avais
Enfin je suis désolé
Mais ça n’a pas au fond une importance énorme. Je ne sais plus d’où vient ce vers de V.Hugo et je me demande si le vrai texte ne dirait pas
Thalès n’était pas loin de croire que le vent
Et l’onde avaient crée les femmes....
Il faut savoir ses forfaits disait Nietzsche. Je voudrais surtout savoir que vous me pardonnez
Je serais très heureux de lire les livres de Frederic Paulhan dont vous me parlez, très heureux et très impatient. Je n’ai ni les [il manque la fin de la lettre]