Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Gabriel Bounoure à Jean Paulhan, 1929 Bounoure, Gabriel (1886-1969) 1929 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1929 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Beyrouth comment y aller ?

[1929] Cher ami

Voici le poème d’Hoppenot que vous attendiez. Voici les épreuves de Suarès.

Je vous suis très reconnaissant de ce que vous avez fait en faveur de cette étude et de l’amitié que vous m’avez montrée en cette occasion, comme tant d’autres fois. Je tenais un peu à cet essai, non point par un désir puéril de me voir imprimé (je suis à cet égard d’un détachement absolu et, je vous assure, bien sincère), mais à cause de Suarès qui souffre cruellement du silence où on l’enferme. Je lui dirai combien vous vous êtes employé à la défense de ces pages ; merci encore une fois pour cette croisade qui n’était point sans courage, certainement. Pour moi je refuse d’entrer dans les querelles de nos ainés, comme dans toutes les Saintes Alliances, Triples Ententes, cartels et trusts de la vie littéraire. D'abord, vues de l’Asie, ces rivalités sont bouffonnes et encore moins laides que microscopiques. Ensuite, mon sentiment le plus vif serait certainement le goût de déplaire par des admirations ou des critiques lancées tout à trac à travers les secrets des petits conciles que d’ailleurs je ne me soucie pas de connaître. Laissez moi vous dire combien j’admire votre indépendance, (bien plus difficile à sauvegarder que la mienne) et l’esprit de largeur et de hardiesse qui est entré avec vous à la Nouvelle Revue Française.

Votre dernière étude sur Valery, l’hypocrisie de l’art littéraire et les déterminantes du surréalisme est tout simplement étonnante : il y a une poésie certaine dans une analyse aussi légère que décisive ; d’ailleurs elle connait sa perfection et en jouit, comme le grand chirurgien qui voltige sur les lignes du plan organique, aussi claires pour lui que pour l’ingénieur le plexus des voies à l’entrée d’une grande gare.

Je vous écrirai bientôt une lettre plus longue.

J'ai des notes à vous envoyer. Fargue est entre les mains de la dactylographe. Fargue ne veut pas que les autres soient paresseux et voués au démon de la procrastination. Et lui ? Rentre en toi même, Octave.

Croyez à ma vie et fidèle amitié !

Bounoure