Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Gabriel Bounoure à Jean Paulhan, 1929-07-10 Bounoure, Gabriel (1886-1969) 1929-07-10 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1929-07-10 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
Beyrouth, 10 juillet [1929]

Bien cher ami, je reçois votre carte du 29 juin : c’est ici que le mot parapluie paraît peu attaché à l’objet, car ce que nous appelons parapluie ne sert ici qu’à deux fins : se préserver du « gros soleil » comme on dit dans mon Auvergne : mettre à l’abri des regards le visage des musulmanes qui ne pouvant en été supporter leur tchartchaf s’exposent ainsi aux yeux de ceux qui ne pratiquent pas la vertu islamique appelée : pudeur du regard.

Je ne sais comment vous remercier de la peine que vous avez prise pour moi. Vous imposer la maussade corvée de corriger les épreuves d’un long article, - d’un long article ennuyeux, obscur, écrit à la hâte à Beyrouth entre deux voyages et que j’aurais voulu modifier beaucoup sur bien des points ! J'avais demandé à Nino Frank avec la dernière insistance de le renvoyer à ma correction. Il m’a jugé trop loin de cette Bifurcation dont les directions me sont encore inconnues. Où vont ces embranchements ? Cette revue n’a pas encore pénétré en Asie. Je vous suis très reconnaissant d’avoir travaillé sur ce méchant texte. C'est une grande chance pour lui d’avoir passé sous votre regard. C'eût été une plus grande chance encore si vous aviez pu me faire savoir vos avis, vos critiques et si j’avais pu y faire les corrections conformes.

Je savais que Suarès étais banni d’une maison qu’il aimait et qu’il considérait comme son bien le plus précieux. Il vient de m’écrire à son sujet la lettre la plus douloureuse. Vous savez comme tout est pour lui blessure profonde et plaie inguérissable. Il faut reconnaître qu’il est honteux qu’on puisse jeter dans la rue un glorieux artiste, alors que nul n’oserait rejeter un ouvrier de son atelier ou de son échoppe. Mais dans cette épreuve, Suarès vous aura une reconnaissance sans bornes de l’aider à sortir de son malheur. Vous savez qu’il a été profondément touché d’avoir trouvé en vous ce qui lui a été si souvent refusé.

Il y a à Beyrouth un jeune poète plein de talent. J'envoie quelques petits poèmes de sa main à Supervielle en lui demandant de vous les montrer. Il a une jeune sœur charmante qui sera une Sapho levantine.

Quel fut le verdict de Gide sur le poème d’Hoppenot ?

Croyez à ma très fidèle affection

Je ne sais encore à quel moment je quitterai la Syrie. En principe, à partir du 1er aout, mon adresse sera : 18, rue Conchette, Thiers (Puy de Dôme)

Bounoure

[note haut de page]

Un certain lieutenant Brun, ancien chef de cabinet du gouverneur de Damas, est devenu disciple de Virginia Wolf et présente un roman au suffrage de la N.R.F. Il me demande … je ne vois pas très bien ce qu’il peut me demander et ce que je peux lui obtenir. Tout ce que je sais c’est qu’il lisait la Revue des Deux Mondes et excitait mon admiration par son aisance à téléphoner. De ces deux qualités, l’une au moins peut servir au romancier.